Publié

Thierry Mertenat transforme le journalisme local en littérature

L’arpenteur de rue et conteur des marginaux Thierry Mertenat sort ‘’Dehors. Journal d’un localier’’ [Labor et Fides - Inconnu]
L’arpenteur de rue et conteur des marginaux Thierry Mertenat sort ‘’Dehors. Journal d’un localier’’ / Forum / 6 min. / le 28 septembre 2019
Le journaliste Thierry Mertenat, en charge de la chronique des faits divers à la Tribune de Genève, livre un récit personnel et parfois intime de ses quinze années de journalisme debout, dehors. De la belle littérature.

Une vocation tardive. C’est ainsi que Thierry Mertenat nomme son parcours atypique. Après avoir été responsable de la rubrique culturelle à la Tribune de Genève, d’y avoir couvert pendant des années l’actualité théâtrale et littéraire, le journaliste a choisi, à 45 ans, de se saisir des "bas morceaux" de l’actualité locale.

Quand on lui demande pourquoi un tel revirement de carrière, il répond : "J’ai le souvenir au sortir d’un spectacle présenté à la Comédie d’avoir croisé un collègue maniant son cayon et son calepin devant un immeuble en feu. Ce soir-là, j’ai eu envie d’être à sa place".

Constatant aussi l’ennui qu’il ressentait dans les salles de théâtre, Thierry Mertenat s’est muni à son tour d’un crayon et d’un bloc-notes pour arpenter les rues de la ville et raconter la vie au ras du bitume, là où s’immiscent les roses trémières.

"Je souffre du syndrome de narcisse (la fleur, pas le mythe). (..) Ce syndrome depuis longtemps identifié, je le mets sur le compte de mon goût immodéré pour les sujets sans enjeux ni importance. Je les défends avec la même énergie que les chasseurs de scoop"

Thierry Mertenat, "Dehors, Journal d’un localier"
L’arpenteur de rue et conteur des marginaux Thierry Mertenat sort ‘’Dehors. Journal d’un localier’’ [Labor et Fides - Inconnu]
L’arpenteur de rue et conteur des marginaux Thierry Mertenat sort ‘’Dehors. Journal d’un localier’’ [Labor et Fides - Inconnu]

Localier ou "fait-diversier". Des termes de métier qui décrivent cette spécialité journalistique puisant dans l’actualité marginale, ce que certains nomment avec ironie "les chiens écrasés".

En guise d’apprentissage, le localier novice a passé de longs mois à l’Hôtel de police genevois, plus particulièrement dans la salle d’audition. "C’est le lieu de la confrontation, du point de vue divergent et du vrai rapport de force, confie-t-il. Autant de composantes que j’ai appréciées sur les scènes de théâtre, chez Brecht comme chez Marivaux".

Coulisses d'une dramaturgie urbaine

Le théâtre des événements, voilà une expression qui prend tout son sens pour un amateur d’art dramatique reconverti aux scènes de rue.

Serial pyromanes, délinquants minables, clochards de longue durée ou vieilles dames centenaires, Thierry Mertenat emmène son lecteur dans les coulisses de sa dramaturgie urbaine, là où il puise la matière première de sa comédie humaine.

"J’évite de croiser les confrères qui se prennent pour des écrivains en se regardant écrire: le microbe de la littérature est fatal au journalisme"

Thierry Mertenat, "Dehors, Journal d’un localier"

Malgré sa réticence affichée à adopter la posture de l’écrivain, le journaliste - dont les lecteurs de la "Julie" connaissent la plume élégante - fait preuve là d’un vrai talent littéraire. Se plaçant sous la protection bienveillante de Baudelaire, Thierry Mertenat assume un récit à la première personne, en y glissant quelques réminiscences intimes liées à une enfance passée du côté de Porrentruy, à l’ombre d’un père absent.

>> A écouter aussi, Entretien avec le journaliste et auteur genevois Thierry Mertenat :

L’arpenteur de rue et conteur des marginaux Thierry Mertenat sort ‘’Dehors. Journal d’un localier’’ [Labor et Fides - Inconnu]Labor et Fides - Inconnu
Localier qui es-tu? / Caractères / 41 min. / le 29 septembre 2019

Sans la persévérance de Mathieu Mégevand, responsable des éditions Labor & Fides, ce livre n’aurait jamais existé. C’est le jeune éditeur, lui-même écrivain, qui a proposé à Thiery Mertenat de réfléchir au métier de localier dans un récit porté à la première personne. Avec, au cœur de cette réflexion, une question: localier, qui es-tu ?

La réponse se savoure au long de deux-cents pages passionnantes jusqu’au moment des saluts. A savoir la page des remerciements, fournie comme une distribution. Alors on applaudit.

Jean-Marie Félix/olhor

Thierry Mertenat, "Dehors, journal d’un localier" (Ed. Labor & Fides).

Publié