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"Feu de tout bois", journal d'une écrivaine qui a parcouru le monde

Elisabeth Horem [DR - DR]
Elisabeth Horem: "Feu de tout bois I et II" - 1/2 / Versus-lire / 39 min. / le 12 décembre 2018
"Enoncer le flux du temps", tel est le propos d'Elisabeth Horem, romancière française qui a séjourné dans une dizaine de capitales - dont Bagdad en guerre - aux côtés de son mari, diplomate suisse.

L'intime aussi bien que l'exotique, les aléas du quotidien à Doha ou à Berne de même que les belles rencontres, les moments de grâce artistique alternant avec les tracasseries administratives, toute cette pâte forme un mille-feuilles: le journal d'Elisabeth Horem, intitulé "Feu de tout bois", qui relate 25 années d'une existence hors norme entre 1992 et 2016.

Images et interrogations

Rien d'indigeste, pourtant, dans ces deux tomes de "Feu de tout bois". Ce journal nous fait pénétrer dans le cerveau et le cœur d'une écrivaine assaillie de doutes pendant l'écriture de ses romans. On entrevoit les coulisses du protocole diplomatique et l'on savoure la visite du souk d'Alep.

C'est en passionnée de photographie que l'auteure restitue les détails architecturaux d'une maison damascène, les dunes d'un désert traversé ou les plats d'un dîner iranien. C'est en moraliste qu'elle s'interroge sur son statut de femme de diplomate et en critique avisée qu'elle partage ses bonheurs ou ses déceptions de lecture.  

Quand la vie est dangereuse, vous vous sentez beaucoup plus proche de ceux qui vous entourent. Je n'avais pas envie de partir, j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps en quittant Bagdad, ce n'est pas si simple.

Elisabeth Horem, romancière

Hiérarchie versus terrain

La force des liens noués au fil des années et des capitales où elle a séjourné inspire parfois à l'auteure des propos agacés sur les décisions prises par ceux qui sont loin du terrain. Par exemple, à propos de la Syrie: "notre chef [...] n'aura pas montré beaucoup de considération, c'est peu dire, pour le travail des ambassades".

Son commentaire au micro de la RTS sur le rappel de son mari à Berne en août 2011, même si l'ambassade de Suisse à Damas restait officiellement ouverte: "on l'a rappelé parmi les premiers, un petit peu vite parce que le travail de diplomate, c'est aussi d'essayer de parler, même dans des conditions difficiles, c'est le travail: de mettre aussi un peu les mains dans le cambouis, serrer des mains qu'on n'a peut-être pas envie de serrer mais qu'il faudrait continuer à serrer pour essayer peut-être d'endiguer ce qui se prépare… sans doute que cela n'aurait rien changé [...] disons, on laisse la porte ouverte à ce qu'on a vu maintenant: à partir du moment où on est parti, eh bien, le régime peut reprendre sa vieille image de paria, de tout est permis comme on a vu, c'est terrible".

"Feu de tout bois" convie le lecteur à cette "étrange expérience que de suivre pas à pas la vie quotidienne d'un autre" selon les propres termes d'Elisabeth Horem: une expérience littéraire, cosmopolite et citoyenne.

Geneviève Bridel/ld

"Feu de tout bois I et II", Elisabeth Horem, Bernard Campiche Editeur, 2018.

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