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Faut-il relire les ouvrages que nous avons tant aimés?

little boy read book. [Chepko Danil]
Les âges de la lecture / Tribu / 26 min. / le 28 novembre 2018
On ne lit pas de la même manière à 20 ans qu'à 60. La femme de lettres Tiphaine Samoyault éclaire de façon inspirante les relations qui se tissent entre nos lectures et les âges de notre vie.

Quel livre pour quel âge? En matière de lecture, nos goûts se précisent avec l'âge. Rien de tel que relire un ouvrage à différentes époques pour le remarquer. Ecrivaine, critique littéraire et professeure de littérature, Tiphaine Samoyault est une adepte de la relecture. Lire trois fois "Les Misérables" à différentes époques de sa vie lui a permis de ressentir de façon aiguë ces différences.

La première fois, enfant, elle en lit une version expurgée, et se passionne alors pour les destins de Cosette et Gavroche. La deuxième fois, à 20 ans, elle plonge dans une intégrale en trois volumes chez Folio. C'est alors l’histoire d’amour et l’esprit révolutionnaire qui l’enthousiasment. Bien plus tard, elle relit encore une fois l’intégrale en un volume dans la Pléiade, avec plaisir certes, mais sans toutefois y retrouver la même ferveur.

La pitié, un sentiment qui s'apprend

Car voilà, nos goûts de lecture se modifient comme nos âges. Même si la lecture nous fait échapper à notre condition puisqu’elle nous permet d’avoir tous les âges, notre intérêt se transforme avec notre sensibilité.

Jeune, on est touché par l’intensité, tandis qu’en vieillissant on l'est davantage par la mélancolie et la pensée. La pitié par exemple est un sentiment qui s’aiguise en prenant de l’âge.

La littérature pour appréhender la mort

Toute la littérature parle de la mort, mais quand on est très jeune la mort reste en général assez abstraite. Certes, "Bambi" et "Le Seigneur des Anneaux" parlent de la mort mais pas de la même façon. En vieillissant on devient sensible à la capacité de consolation qu’offre la littérature, à cette communauté de destin qu’elle propose.

Les écrivains écrivent d’ailleurs pour se consoler d’être mortel ou apprivoiser l’idée de la mort.

Tiphaine Samoyault, écrivaine, critique littéraire et professeure de littérature

Quand on est jeune, pour se construire, on a besoin de s’identifier. On a aussi besoin de se reconnaître et de rêver, et la fiction permet tout cela. Mais les identifications, surtout dans la littérature pour enfants, sont encore soumis à de nombreux stéréotypes de genre. La saga "Harry Potter", écrit par une femme, J.K. Rowling, propose avec Hermione un personnage féminin différent des stéréotypes tandis que les personnages masculins ont des positions contrastées par rapport à la virilité. Il y a ainsi de l’espace pour l’identification des deux sexes.

Plaisir de la relecture

Relire permet de revisiter une œuvre tout en s’octroyant un voyage dans sa propre histoire.

Un plaisir régressif qu’il ne faut absolument pas se refuser, même si cette plongée dans les joies des lectures passées peut parfois se révéler très décevante.

Tiphaine Samoyault, femmes de lettres.

Tiphaine Samoyault en a fait l'expérience avec Julien Gracq qu'elle adorait dans sa jeunesse. La relecture de l'auteur, des années plus tard, n'a plus du tout eu cet effet euphorisant. Les madeleines de Proust ont parfois des goûts surprenants.

Sujet proposé par Julien Magnollay

Réalisation web Manon Pulver

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