"Les filles du soleil" d'Eva Husson, un film sur le sort des combattantes kurdes. Une oeuvre jugée naïve par certains quand d'autres louent son courage et son humanité.
En salles mercredi 21 novembre, "Les filles du soleil" évoque un sujet quasiment jamais traité à l'écran, du moins en fiction: le sort des femmes yézidies (jamais identifiées comme telles dans le long métrage) capturées par des jihadistes, transformées en esclaves sexuelles et devenues, pour certaines, des combattantes armées.
"Le 31 août 2015, j'ai lu une série d'articles qui a attiré mon attention. J'ai été très émue par le fait que pour une fois, on ne nous parlait pas de femmes qui étaient victimes de guerre, mais de femmes qui avaient repris leur destin en main en étant combattantes", explique Eva Husson.
Une fiction basée sur des faits réels
Une histoire reposant sur des faits réels qui ont inspiré cette cinéaste revendiquant une approche féministe, face à une industrie du cinéma "dominée par un regard masculin blanc". Mais le film d'Eva Husson est aussi une manière de replacer les femmes dans l'histoire qui les a souvent oubliées.
Dans les livres d'histoire que j'ai lus, les femmes étaient reléguées au second rang, alors qu'elles ont traversé toute l'humanité.
En s'attaquant au film de guerre, après un premier long métrage sur des jeunes organisant des orgies sexuelles, "Bang gang", Eva Husson s'intéresse uniquement aux personnages féminins et privilégie leur parcours plutôt que les combats.
"Les filles du soleil" suit la sergente Bahar, incarnée par l'actrice d'origine iranienne Golshifteh Farahani au cours d'une offensive de quelques jours contre les islamistes quelque part au Kurdistan en novembre 2015.
Une réalité traitée avec pudeur
Au travers de flash-backs et de confessions auprès d'une reporter, Mathilde (la cinéaste Emmanuelle Bercot), le spectateur découvre qu'avant de porter un treillis, Bahar était avocate, mariée et mère de famille. Sa vie a été transformée par l'arrivée soudaine d'"hommes en noir" qui ont tué son mari, kidnappé son enfant et fait d'elle une esclave sexuelle.
Une réalité traitée avec pudeur, la réalisatrice s'abstenant de montrer certaines atrocités pour ne pas réduire les personnages au statut de "victimes". Elle préfère construire une ode à ces combattantes, filmant leur ténacité.
Ce n'est pas un film désespéré. C'est un film qui parle de l'espoir. C'est un film qui parle de la vie. Je crois fondamentalement que dans la guerre, il y a des gens qui se battent parce qu'ils croient en la vie.
Un film qui divise
Comme attendu, à Cannes où le film était en compétition, "Les filles du soleil" a profondément divisé la Croisette. "D'un côté, elle braque les projecteurs sur une histoire terrible et importante (...), de l'autre, elle le fait de manière si poussive que cela nuit à son message", écrivait le Hollywood Reporter, quand le très influent site Indie Wire prédisait rien de moins que la Palme d'or à Eva Husson.
"Tous les films que j'ai adorés sont clivants. Un film qui a un point de vue fort, c'est presque nécessaire qu'il soit clivant", répliquait la réalisatrice.
Lara Donnet avec agences