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Le film "Capharnaüm", flamboyant manifeste pour les enfants réfugiés

Sortie du film "Capharnaüm", qui raconte le destin d'un enfant syrien.
Sortie du film "Capharnaüm", qui raconte le destin d'un enfant syrien. / 19h30 / 2 min. / le 17 octobre 2018
Prix du Jury à Cannes, "Capharnaüm" sort mercredi dans les salles romandes. Le film narre l'histoire d'un jeune réfugié de 12 ans qui traîne ses parents en justice. Et lève ainsi le voile sur la misère des enfants déplacés au Liban.

"Je veux attaquer mes parents en justice. Pour m'avoir mis au monde." C'est par une scène au tribunal que débute le film "Capharnaüm", réalisé par la Libanaise Nadine Labaki.

Le jeune Zain, enfant des rues de Beyrouth, accuse ses parents, des réfugiés syriens au Liban, de lui avoir donné la vie sans avoir les moyens de lui offrir une éducation, de le déclarer officiellement et surtout sans un minimum d'amour.

Le garçon prend la fuite lorsque sa famille décide de marier sa soeur de 11 ans et trouve refuge auprès de Rahil, une jeune mère sans-papiers originaire d'Ethiopie, qui lui confie son bébé quand elle va travailler.

Entre réalité et fiction

L'histoire est fictive, mais le film est porté par des "vraies gens", des acteurs non-professionnels qui ont été repérés dans les rues de la capitale libanaise. Ainsi Zain est véritablement un enfant syrien réfugié au Liban depuis 2012, sans-papiers lors du tournage.

"Chaque acteur a joué à peu près son propre rôle", explique au 19h30 Nadine Labaki. "Je me suis adaptée à la réalité de ce qu'ils vivent et non le contraire." Pour ensuite faire dévier la vérité vers le scénario.

Un aller-retour entre réalité et fiction si fréquent que les deux notions se sont à plusieurs reprises "rentrées dedans", raconte la réalisatrice. A l'image du personnage de Rahil, arrêtée au Liban parce que sans-papiers trois jours après une arrestation fictive pour les mêmes motifs dans le film.

Regarder les enfants en face

Le Liban accueille près d'un million de réfugiés syriens, dont plus de la moitié sont mineurs, selon les chiffres des Nations unies. Soit la plus forte concentration de réfugiés au monde par habitant.

Avec sa méthode ancrée dans la réalité - qui a abouti à six mois de tournage et plus de 500 heures de rushes - Nadine Labaki voulait aller au-delà de ces chiffres. "Mon point de départ, c'était la volonté de mieux comprendre ces enfants qu'on a tendance à déshumaniser, à penser comme des nombres, oubliant de les regarder comme des enfants", indique-t-elle dans Tout un monde.

>> L'interview de Nadine Labaki dans Tout un monde :

L'actrice et réalisatrice libanaise Nadine Labaki lors du 71e Festival de Cannes en mai 2018. [AFP - Loïc Venance]AFP - Loïc Venance
Interview de Nadine Labaki, réalisatrice de "Capharnaüm", lauréat du Prix du Jury à Cannes / Tout un monde / 5 min. / le 16 octobre 2018

Le pouvoir du cinéma

Dix ans après le succès de son premier film "Caramel", la cinéaste libanaise documente non seulement la misère à Beyrouth, mais produit également un plaidoyer en faveur des déplacés, appelant à "ne plus continuer à tourner le dos et rester aveugle à la souffrance" des enfants des rues.

"Je crois profondément au pouvoir du cinéma, à la responsabilité de l'art", confie Nadine Labaki. "Le cinéma peut être une loupe sur des vraies personnes, des gens qui étaient complètement invisibles et qui deviennent des héros le temps d'un film."

Grâce à ce film, le jeune Zain et sa famille ont d'ailleurs obtenu l'asile en Norvège. Soit ce dont Zain, le personnage, rêve dans le long-métrage.

Adaptation web de Tamara Muncanovic

Propos recueillis pour le 19h30 par Julie Evard

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