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Le NIFFF rend hommage au maître du cinéma japonais Seijun Suzuki

Le réalisateur japonais Seijun Suzuki en 2001. [AFP - Gabriel Bouys]
Le réalisateur japonais Seijun Suzuki en 2001. - [AFP - Gabriel Bouys]
Le festival international du film fantastique de Neuchâtel (NIFFF) rend hommage au réalisateur Seijun Suzuki. La retrospective propose neuf films du maître du cinéma pop qui fut, dans les années 60, le plus doué des cinéastes japonais.

Il est vrai qu’on ne devrait plus parler de "culte". Et pourtant, les films cultes existent bien: des pellicules connues uniquement d’un cercle d’inconditionnels dévoués et passionnés.

Dans les années 90, à l’aurore d’Internet, les cinéphiles entendaient dire que les films de gangsters de Seijun Suzuki des années 60 étaient ce qu'il y avait de mieux dans la péninsule nippone après les sushis.

La preuve arriva avec la sortie sur DVD de "Tokyo Drifter" (1966) et "Branded to Kill" (1967): un mélange rocambolesque de cinéma de genre fulminant et avant-gardiste, où bagarres, fusillades, folles courses-poursuites et sexe sont mis en scène comme des numéros de ballet délirants. Le style de Suzuki est unique.

Arc en ciel ou noir et blanc

"Le vagabond de Tokyo" ("Tokyo Drifter") est un western élégiaque, postmoderne et chromatique. Véritable œuvre pop, dans laquelle il commence à neiger et où le héros vagabond siffle lui-même le générique.

>>A voir: Un sujet de SRF sur le film "Le vagabond de Tokyo" (en allemand):

"La marque du tueur" ("Branded to Kill") est une farce surréaliste et nihiliste en noir et blanc à la touche expressionniste, avec un tueur à gages dont la drogue favorite est l'odeur du riz en train de bouillir et qui tue un innocent à cause d’un papillon qui se pose sur son arme.

Elégance sur scène, chaos en coulisse

Les films de Seijun Suzuki sont d’une telle sensualité que les images nous séduisent au premier coup d’œil: costards à tomber par terre, lunettes de soleil mouches, musique jazz vibrante et coups de poing claquants qui retentissent de manière incessante.

Scène du film culte de Seijun Suzuki "La marque du tueur". [NIFFF/DR]
Scène du film culte de Seijun Suzuki "La marque du tueur". [NIFFF/DR]

Mais derrière le décor règnent l’anarchie, le désordre et la rébellion. Suzuki incarne une modernité insolente, qui regarde toujours devant elle, parce qu’elle ne supporte plus ce Japon traumatisé de l’après-guerre.

De l’expérimental à la rébellion

Seijun Suzuki est décédé en février 2017 à l’âge de 93 ans. En vieillissant, il regardait son œuvre de manière de plus en plus prosaïque. En 1954, les studios Nikkatsu l’engageaient pour produire à la chaîne des films Yakuza à l’attention du jeune public. "Je m’ennuyais", avoua plus tard Suzuki, "j’ai alors commencé à m’amuser un peu."

Cela ne plaisait pas du tout à la Nikkatsu. Mais plus les studios le mettaient en garde, plus Suzuki défiait leurs formules dogmatiques en leur donnant un peu de peps. Sa touche personnelle devenait de plus en plus abstraite et absurde, jusqu’en 1968, année qui marqua la fin de sa carrière à la Nikkatsu, qui le congédia. Il devait alors ne plus jamais remettre les pieds dans un grand studio.

Reconnaissance tardive

Après avoir travaillé pendant dix ans exclusivement pour la télévision, Seijun Suzuki est parvenu à dégager les ressources nécessaires pour produire d’autres films. Son œuvre poétique tardive des années 80, 90 et 2000 n’atteignait alors plus qu’un public connaisseurs.

Or, ses anciens films avaient marqué entre-temps une toute nouvelle génération: Quentin Tarantino, Baz Luhrmann, Johnnie To et John Woo étaient des inconditionnels de Suzuki.

Anaïs Emery, directrice artistique du NIFFF, fait partie de cette communauté culte, qui cite les œuvres du maître nippon, les remixe et les analyse avec passion.

C’est donc à elle que l’on doit cet été l’élargissement du cercle d’admirateurs post-mortem de Suzuki.

Georges Wyrsch/aq

Cet article a été publié initalement sur SRF Kultur

Retrospective Seijun Suzuki, NIFFF, jusqu'au 8 juillet 2017.

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Hommage à Suzuki Seijun au NIFFF

Réalisateur avant-gardiste japonais qui a marqué de son empreinte le cinéma de genre dès les années 60, l’œuvre de Suzuki Seijun fait un pied-de-nez aux convenances liées à l’industrie cinématographique et à l’autorité morale par une approche de déconstruction nihiliste doublée d’un rare sens de l’absurde.

Le NIFFF rend hommage au maître disparu le 13 février 2017 à travers une dizaine de ses chefs-d’œuvre à voir du 30 juin au 8 juillet 2017 à Neuchâtel.