"Le Jour le plus long", épique superproduction

Grand Format

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Introduction

"Le Jour le plus long", réalisé en 1962 par Darryl F. Zanuck et inspiré du livre de Cornelius Ryan, retrace les épisodes du fameux Jour J, le débarquement de Normandie du 6 juin 1944. Retour sur une fresque historique épique.

Le projet du film

Ce film traite du débarquement en Normandie. En juin 1944, chacun sait que le débarquement se prépare. Pour les Allemands, celui-ci ne peut se faire que par beau temps. Mais le 5 juin, malgré les prévisions météorologiques très pessimistes, le général Eisenhower, commandant suprême des forces armées alliées en Europe, décide de donner le signal de l’attaque.

Le 6 juin, le jour le plus long commence. En 24 heures, malgré la résistance ennemie, les Alliés réussissent à implanter de solides têtes de pont près des côtes. Les Français n’osent pas y croire. La libération de la France a débuté. Le reste n’est plus qu’une question de semaines.

Le film s’inspire d’un roman écrit par Cornelius Ryan. Né à Dublin, il est journaliste et correspondant de guerre pour le Daily Telegraph. Le 6 juin 1944, Cornelius Ryan survole les plages du débarquement à bord d’un bombardier. L’avion est touché et ils doivent retourner d’urgence se poser en Angleterre. Ryan embarque alors immédiatement sur un navire de la deuxième vague d’assaut et assiste, en tant qu’observateur, aux opérations de débarquement à quelques centaines de mètres au large des côtes, les journalistes n’étant pas autorisés à débarquer avec les soldats. Il sait qu’il participe à cette histoire terrible qu’il faudra raconter aux générations futures.

Après la guerre, Cornelius Ryan décide donc de raconter le débarquement pour faire œuvre de mémoire. Pendant neuf ans, il enquête. Un travail spectaculaire auprès des 49 correspondants de guerre et de milliers de gens, dont beaucoup de combattants contactés par petites annonces dans des journaux.

De plus, Ryan peut prendre connaissance des journaux intimes des généraux allemands Rommel et Von Rundstedt. Le titre du roman est d'ailleurs emprunté à Erwin Rommel, le feld-maréchal chargé d’organiser la défense sur les côtes normandes et qui a fait fortifier très solidement ce coin de France avec ce qu’on appellera le Mur de l’Atlantique. Le 22 avril 1944, s’adressant à son officier d’ordonnance, Rommel énonce: "Lang, les premières 24 heures du débarquement seront décisives. Pour les Alliés comme pour nous, ce sera le jour le plus long".

Le scénario

Darryl F. Zanuck achète les droits du roman et met au travail sur le scénario Cornelius Ryan lui-même. Historien incontesté, Ryan n’a aucune expérience des films et une équipe de scénaristes est mandatée par le producteur pour l’aider.

Le producteur demande à ses scénaristes de s’attacher à raconter les événements les plus marquants, entre autres, le pré-débarquement, journée trouble pendant laquelle l’imminence de l’assaut dépend de quelques nuages chargés de pluies et d’orages, la bataille de Sainte-Mère-Eglise où est massacrée, à la suite d’une erreur de largage, une compagnie entière de parachutistes américains. Il y aura aussi l’opération de la pointe du Hoc, où un commando gonflé à bloc réussit à escalader les falaises sous les balles allemandes et à réduire au silence les défenses côtières et la fantastique bataille de Utah Beach, où des milliers de soldats américains sont cloués tout le jour et d’où ils ne s’échappent qu’au prix de très lourdes pertes.

En mai 1961, le scénario est terminé. Darryl F. Zanuck peut lancer la suite de la production de son "Jour le plus long".

Darryl F. Zanuck

Après avoir travaillé quelques années chez Warner, Darryl F. Zanuck fonde en 1933, en pleine dépression économique, sa propre société, la Twentieth Century, qui fusionne avec la Fox de William Fox devenant en 1935, la Twentieth Century Fox. Très vite, Zanuck vise le rendement maximum. La société s’impose par un mélange de chansons, de music-hall, de spectacle pur. Mais la guerre arrive.

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, il est nommé colonel et après avoir tourné des films d’instruction, il fait quelques films documentaires sur la guerre. Travaillant fréquemment sous le feu ennemi, il est décoré de la Légion du mérite américaine et de la Légion d’honneur à titre militaire. Il valorisera cette expérience de la guerre dans "Le Jour le plus long".

Darryl F. Zanuck est rappelé à la direction de la Fox après "Le Jour le plus long". Il quitte définitivement cette société et la profession à la fin des années 1960 et se retire à Palm Springs, en Californie, avec sa femme. Il mourra ruiné et oublié en décembre 1979. Il est le seul homme qui ait obtenu trois fois le prix Irving Thalberg qui récompense le meilleur producteur d’Hollywood.

"J’ai eu plus de travail qu’Eisenhower n’en a eu pour le Jour J. J’ai dû retrouver tout le matériel, le restaurer et le transporter sur place".

Darryl F. Zanuck, réalisateur

Tournage

"Le Jour le plus long" se compose de deux parties: la veille du débarquement en Angleterre et en France où se présentent, méthodiquement, les protagonistes des deux camps et en deuxième partie, la bataille, fabuleuse, angoissante, indécise, faite d’exploits inutiles, d’exploits positifs, de hasards heureux et de contretemps funestes. Nous sommes dans l’événement réel, presque dans le documentaire, comme l’a voulu le producteur Darryl F. Zanuck qui porte ce film de toute son âme.

La difficulté principale du tournage du "Jour le plus long" réside surtout dans la recherche du matériel nécessaire. Dix-sept ans après le débarquement, les engins de l’époque, tanks, jeeps, avions sont difficile à trouver. Mais Zanuck peut compter sur l’appui des différentes armées.

Pour jouer dans le film, Darryl F. Zanuck va engager 53 vedettes internationales qui intégreront les 167 rôles parlants, 1600 fusiliers marins, 1000 parachutistes et plusieurs milliers de figurants. Parmi les stars, on peut nommer John Wayne, Henry Fonda, Robert Mitchum, Sean Connery, Richard Burton, Curd Jurgens, Gert Froebe, Bourvil, Jean-Louis Barrault, Madeleine Renaud, Arletty ou encore Irina Demick. Mais les vedettes ne sont rien. Le D. Day c’est la piétaille, les héros sans nom où seuls les visages anonymes peuvent traduire la vérité.

Le 1 août 1961, Daryl F. Zanuck fait donner le premier tour de manivelle de son film en Corse. Après la Corse, des scènes de combats sont photographiées sur les authentiques champs de bataille de Normandie et sur l’Île de Ré.

La plupart du temps, deux équipes de production comprenant chacune 200 personnes travaillent simultanément à des centaines de kilomètres l’une de l’autre. A un moment donné, quatre équipes semblables se retrouvent à travailler simultanément pratiquement 24h sur 24.

Avec l’apparition de l’armée sur les plages normandes, il faut tout réaménager. Les monuments aux morts sont camouflés, ils n’existent pas encore, les broussailles qui entre-temps ont reconquis les décors et les plages sont brûlés. On recreuse un certain nombre de trous d’obus. Ce qui ne va pas sans précautions étant donné que les Allemands, sous l’ordre du général Rommel, ont enterré quatre millions de mines le long de la côte et qu’il est encore dangereux de s’éloigner des sentiers tracés.

>> L'émission Travelling sur le film "Le Jour le plus long" :

Henry Fonda sur le tournage du film "Le Jour le plus long" de Darryl Zanuck, 1962. [Noa / Roger-Viollet / AFP]Noa / Roger-Viollet / AFP
Travelling - Publié le 18 juin 2017

A la Pointe du Hoc où les rangers américains escaladent la falaise pour déloger les Allemands, il reste encore des bunkers aux parois massives. Il faut les remettre en ordre, en construire d’autres.

Pour reconstituer cette attaque à l’endroit même où elle s’est déroulée, Zanuck a mêlé à ses acteurs d’authentiques rangers.

La construction la plus importante effectuée pour le film se dresse dans le petit village de pêcheur de Port-en-Bessin, où Zanuck tourne l’attaque des Français contre le casino fortifié de Ouistreham. Le bâtiment de trois étages est reconstitué dans ses moindres détails. Pour filmer cette scène, les caméras sont installées sur des hélicoptères.

La reconstitution des premières 24 heures du débarquement du 6 juin 1944 est effectuée avec un réalisme absolu, et un soin du détail authentique. On peut voir d’énormes planeurs atterrir brutalement au pied du pont de l’Orne.

Lorsque "Le Jour le plus long" s’installe dans les studios de Paris, à Boulogne, Darryl F. Zanuck devient son propre metteur en scène, pour toutes les séquences intérieures.

52 décors différents sont construits en studio. Une fois la production terminée, le producteur s’attaque immédiatement à la tâche ingrate de monter l’immense métrage qui a été filmé.

La musique

Il y a relativement peu de musique dans "Le Jour le plus long". Les sanglots longs de l’automne chantent ici une langueur monotone à l’oreille des spectateurs du film. Et c’est tant mieux. Rien ne bouleverse le ballet des avions, des chars, des mines antipersonnel et la musique des mitrailleuses et des tirs de DCA.

Pourtant elle existe en filigrane, soulignant quelques morceaux épiques. On la doit à un Français, Maurice Jarre, engagé dès 1940 dans la résistance. C’est évidemment le son des tambours qui émaille la création de la musique du "Jour le plus long", musique d’inspiration militaire à laquelle Maurice Jarre inclut un thème, celui créé par un jeune compositeur, Paul Anka.

Paul Anka, un Américain à la voix de crooner, imagine pour le film la chanson "The Longest Day". Succès international pour cette chanson qui sera reprise de très nombreuses fois, notamment par Dalida, et boostera la carrière du jeune homme, acteur également dans le film.

Sortie du film

En 1962, le film est terminé. Darryl F. Zanuck est parvenu à raconter cette journée du débarquement en moins de trois heures. Un véritable tour de force compte tenu de ce que fut l’opération Overlord. Mais l’exploitation de l’anecdote s’avère payante. La fresque est historique. "Le Jour le plus long" met en relief l’incroyable série d’actes héroïques tout comme la série d’erreurs qui handicapent les Allemands et rendent la victoire alliée encore plus éclatante.

Le film sort en grande première à Paris le 25 septembre 1962. Zanuck a mis le paquet. Projection au Palais de Chaillot, zouaves à cheval, présence d’un bataillon d’officiers supérieurs de l’OTAN et, perchée sur la Tour Eiffel, Edith Piaf chantant "La Marseillaise" et le thème du film chanté et composé par Paul Anka. Le gala qui compte parmi les grands événements parisiens de la décennie est un banquet à la romaine présidé par Zanuck et sa compagne du moment, la jeune actrice et mannequin qui apparaît dans son film, Irina Demick. Le gala s’achève par une fête ouverte à tous avec défilé militaire allié et le premier feu d’artifice tiré depuis la guerre.

D’une façon générale, le gigantisme du film gêne les critiques de l’époque, notamment français, mais les spectateurs ne boudent pas leur plaisir. Le succès est phénoménal. Grâce à ce film, Darryl F. Zanuck sauve la Fox de la faillite. C’est pour la compagnie un énorme ballon d’oxygène, car le film dépasse en recettes toutes les superproductions entreprises dans l’histoire du cinéma. Sur sa lancée, Zanuck replace sa société dans le peloton de tête des grandes compagnies et le succès également colossal de films tels que "Cléopâtre" ou "La Mélodie du Bonheur", d’autres projets de Zanuck, provoque des effets particulièrement réconfortants pour les dividendes des actionnaires.

Le film remporte de nombreux Oscars, dont celui de la meilleure photographie et des meilleurs effets visuels.

De gauche à droite: Kathryn Ryan et Cornélius Ryan, auteur, Madame Vaughan, Irina Demick et Darryl Zanuck lors de la première du film "Le Jour le plus long" à Paris en 1962. [AFP]
De gauche à droite: Kathryn Ryan et Cornélius Ryan, auteur, Madame Vaughan, Irina Demick et Darryl Zanuck lors de la première du film "Le Jour le plus long" à Paris en 1962. [AFP]

Crédits

Proposition et texte: Catherine Fattebert

Réalisation web: Andréanne Quartier-la-Tente

Juin 2017

RTSCulture