Hercule Poirot flirte avec l’horreur dans "Mystère à Venise"
Venise. Il pleut. Sur la place Saint-Marc, les pigeons pullulent en toute quiétude. Soudain, un volatile s’abat sur l’un d’eux et le dévore. On l’aura d’emblée compris: cette troisième adaptation d’Agatha Christie par Kenneth Branagh sera placée sous le signe de la terreur.
Et c’est donc pendant la nuit d'Halloween, alors que la cité des Doges se peuple d’enfants déguisés en sorcières et en monstres, qu’Hercule Poirot (Kenneth Branagh) sort de sa retraite pour participer à une séance de spiritisme organisée dans un vieux palazzo, autrefois un orphelinat où des enfants sont morts. La propre fille de l’actuelle propriétaire des lieux, la cantatrice Rowena Drake (Kelly Reilly), est d’ailleurs décédée sur place dans d’étranges circonstances. Et lorsqu’un premier meurtre est commis entre les murs du palais décrépit, le détective belge mène l’enquête.
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Un huis clos ésotérique
Accompagné par les comédiennes Camille Cottin, Tina Fey, Kelly Reilly et Michelle Yeoh, Kenneth Branagh parvient à hisser cette troisième incursion dans l’univers d’Agatha Christie au-dessus de son médiocre "Crime de l’Orient-Express" et de son navrant "Mort sur le Nil". Certes, les scories restent visibles, notamment un style pompier qui singe les artifices du cinéma d’horreur gothique (cadres penchés, grand angle déformant l’image) avec bien peu d’inventivité.
Mais la volonté salutaire du réalisateur de reclure son action dans le huis clos du palazzo évite les scènes en extérieur des deux précédents volets, massacrés par une imagerie numérique hideuse. Qui plus est, Branagh perturbe une enquête on ne peut plus classique par l’incursion du fantastique, le film de maison hantée en l’occurrence.
Hercule Poirot plus discret
Convoquant la figure d’Edgar Allan Poe (un gamin, sorte de Hercule Poirot enfant, lit l’auteur dans le film), Branagh met quelque peu en sourdine ses excès de comédiens, pose un Hercule Poirot plus mutique et met à mal, non sans intérêt, le cartésianisme de son héros qui entend des voix et est en proie à des visions délirantes. Dès lors, le récit amène son personnage principal vers le territoire des fantômes, réels ou métaphoriques, avec une conclusion plutôt sombre sur le deuil et la nécessité de vivre avec ses morts.
Et quand bien même certains motifs nous échappent totalement - pourquoi diable avoir filé une métaphore autour de la pomme, d’Adam et Eve, du péché originel? -, on saura gré à Kenneth Branagh d’avoir amené cette adaptation d’Agatha Christie vers des rivages moins attendus que ses prédécesseurs. Pas encore assez pour faire de ce "Mystère à Venise" une authentique réussite, mais suffisant pour rendre sa vision sinon réjouissante, du moins intrigante.
Rafael Wolf/olhor
"Mystère à Venise" de Kenneth Branagh, avec Kenneth Branagh, Camille Cottin, Michelle Yeoh, Tina Fey, Kelly Reilly. A voir actuellement dans les salles romandes.