"Scream 6", la sanglante saga continue avec le mal en héritage
Après avoir trucidé de manière atroce une enseignante de cinéma dans une ruelle new-yorkaise, "Scream 6" opère un virage narratif inédit: le tueur, déguisé en Ghostface, se dépouille de sa tenue, intègre la faune de New York, rentre chez lui pour rejoindre son acolyte, avant de découvrir le cadavre mutilé de ce dernier dans son frigo et de se faire poignarder à son tour.
A partir de ce préambule déroutant, où la contamination du mal touche potentiellement n’importe qui, le récit retrouve les héroïnes et héros qui ont réchappé au précédent volet: les demi-sœurs Sam et Tara Carpenter (Melissa Barrera et Jenna Ortega), les frère et sœur Chad et Mindy (Mason Gooding et Jasmin Savoy Brown), plus Quinn (Liana Liberato), une colocatrice sexuellement très active, le discret Ethan, un voisin charmant dont s’amourache Sam, ainsi que l’inspecteur Bailey (Dermot Mulroney), père de Quinn, chargé de retrouver celui, celle ou ceux, responsables d’une série d’assassinats perpétrés par un nouveau Ghostface.
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Tuer pères et mères
Disons-le sans détour: les deux changements majeurs opérés dans ce sixième épisode constituent ses défauts les plus criants. On ne peut s’empêcher en effet de regretter que les cinéastes de "Scream 6" n’aient pas mieux exploité le changement de décor, passé de la bourgade bucolique de Woodsboro au paysage urbain de New York. En dehors d’une scène de métro, le film peine ainsi à rendre palpable l’idée que n’importe qui, au sein de la foule new-yorkaise, peut se cacher derrière le masque de Ghostface (banal déguisement d'Halloween), et que le danger peut surgir de n’importe où.
Quant à l’absence de Neve Campbell, l’iconique Sidney Prescott, qui a refusé de rempiler à cause d’un salaire trop bas, elle empêche le film de s’orienter vers une piste narrative plus organique - Sidney résidant à New York avec sa famille, elle se serait parfaitement intégrée à cette histoire – et finit par donner l’impression, comme c’était le cas avec l’absence de Stallone dans le récent "Creed 3", que les nouvelles générations ont surtout besoin de se débarrasser de leurs aînés pour s’approprier intégralement les films dont ils sont les héros actuels.
Tuer ses pères et ses mères pour voler de ses propres ailes, sujet pertinent en soi, mais qui demande un minimum de traitement. En l’état, le film ne fait pas grand-chose, sinon de simples clins-d’œil destinés aux fans de la saga, avec les anciennes figures des précédents volets reconvoquées ici, que ce soit Kirby Reed (Hayden Panettiere), la policière aperçue dans "Scream 4" et "Scream" (2022), et surtout l’incontournable Gale Weathers (Courteney Cox).
Le sanctuaire Scream
Reste que l’on peut trouver à ce "Scream 6" des qualités suffisantes pour ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Auteurs de l’excellent "Wedding Nightmare" (2019), Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett avaient tenté, avec plus ou moins de bonheur, de créer un pont entre la tétralogie originale de "Scream" et un nouveau groupe de personnages, dominé par les demi-sœurs Carpenter, et notamment Sam, héroïne du cinquième volet sorti il y a à peine un an. Un volet qui évacuait partiellement la tendance méta un peu éventée de la saga au profit d’un discours sur les fans toxiques de Scream.
Ce sixième épisode prolonge le propos en s’interrogeant sur la direction d’une saga devenue entre-temps une franchise, et pose au cœur de son récit un vieux cinéma désaffecté transformé en véritable sanctuaire dédié à l’univers global de Scream, avec entre autres les masques des neuf assassins qui ont revêtu la tenue de Ghostface dans les volets antérieurs. Où le culte fétichiste, à la fois dénoncé et entretenu non sans ambiguïté par les films eux-mêmes, ne cesse de raviver une saga dans laquelle le mal se propageait d’abord au sein des liens familiaux avant de déborder sur des personnages guidés par une soif mortifère de célébrité ou un fanatisme délirant.
Les personnages de Sam (Melissa Barrera, à gauche) et Tara (Jenna Ortega), dans le film "Scream 6". [Warner Bros]
En plus de scènes de meurtres aussi poisseuses et douloureuses que dans le tout premier "Scream", ce volet puise par ailleurs tout son intérêt dans la relation qui unit Sam et Tara Carpenter et qui insuffle un enjeu plus humain, plus intime à l’ensemble. Sam, fille cachée de Billy Loomis (le tueur du premier volet), continue par ailleurs à lutter contre les pulsions assassines héritées de son père et s’avère une héroïne nettement plus complexe qu’attendu. Il n’est pas interdit de voir dans le paradoxe de ce personnage, qui fuit un mal dont il est lui-même héritier, un sujet propice pour d’hypothétiques prochaines suites.
Rafael Wolf/aq
"Scream 6" de Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett, avec Melissa Barrera, Jenna Ortega, Courteney Cox, à voir actuellement dans les salles romandes.