Publié

"Black Panther: Wakanda Forever", plus de cœur, moins d'ordinateur

Une scène du film "Black Panther: Wakanda Forever". [Marvel]
Une scène du film "Black Panther: Wakanda Forever". - [Marvel]
Après le triomphe planétaire du premier volet de "Black Panther" et le décès de sa star Chadewick Boseman, cette production Marvel, dominée par les figures féminines, ne sacrifie pas sa dimension humaine sur l'autel du spectacle numérique.

Le roi T'Challa, alias Black Panther, vient de mourir. Endeuillé, le royaume de Wakanda nomme à sa tête la mère du défunt régent, la reine Ramonda (Angela Bassett), dont la fille, la princesse Shuri (Letitia Wright), peine à accepter la perte de son frère. Par ailleurs, la convoitise des autres nations mondiales, désireuses de s'emparer du précieux vibranium, métal exceptionnel qui n'existe qu'au Wakanda, oblige le royaume à protéger davantage ses frontières.

Après qu'une équipe de forage, tombée sur un gisement de vibranium dans les fonds marins, a été anéantie par de mystérieux êtres bleus, Ramonda et Shuri sont abordées par Namor (Tenoch Huerta), roi de Talokan, qui leur demande de lui livrer le scientifique qui a élaboré la machine capable de détecter le fameux métal. En l'occurrence la jeune Riri Williams (Dominique Thorne), ingénieure surdouée que Shuri refuse de livrer à Namor.

Ce dernier ouvre alors sa civilisation, secrète et sous-marine, à la princesse qui découvre un monde harmonieux, fondé au 16e siècle au Mexique après les mutations vécues par des villageois mayas. Namor confronte Shuri à un dilemme: unir les forces de Talokan et de Wakanda pour détruire le monde en surface, ou subir l'attaque de ses armées sur le royaume de Wakanda.

Une héroïne passionnante

Inscrivant d'emblée le décès de Chadwick Boseman, donc celui du roi T'Challa, au cœur de sa narration, "Black Panther: Wakanda Forever" ne cessera par la suite de poser ce deuil encore à faire comme enjeu premier pour l'équipe du film (cette suite est clairement pensée comme un ultime hommage) autant que pour le personnage de Shuri, la petite sœur érigée ici en nouvelle héroïne passionnante.

Tiraillée entre la douleur de la perte, la nécessité de reprendre le flambeau laissé par son frère et un désir de vengeance viscéral qui la pousse à vouloir espérer la destruction des ennemis de Wakanda, Shuri incorpore en partie la lutte fratricide qui opposait, dans le premier volet, Black Panther (alter ego pacifiste de Martin Luther King) et son cousin Erik Killmonger (sorte d'ersatz de Malcolm X).

Ce personnage, en plus de la reine Ramonda, de Nakia, l'ancienne amante de T'Challa, et de la guerrière Okoye insuffle une féminisation globale et bienvenue à cette suite. Tout en lui apportant une dimension humaine, émotionnelle, intimiste que l'on a rarement ressentie aussi incarnée dans une production du MCU (Marvel Cinematic Universe).

Avec, au final, l'impression plutôt agréable de voir un blockbuster qui écarte les super-héros au profit de personnages authentiques, quitte à concentrer l'attention sur des scènes plus vibrantes au détriment des séquences spectaculaires, plus rares et moins pachydermiques que dans la plupart des films Marvel.

Une scène du film "Black Panther: Wakanda Forever". [Marvel - Marvel Studios]

Un souffle d'émotion

Qui plus est, la dimension exotique du premier volet, un peu artificielle à notre sens, laisse ici place à une représentation plus variée et plus concrète du royaume de Wakanda, nettement moins toc que dans l'épisode initial. S'ajoutent à cette représentation plusieurs scènes en Haïti et un nouvel univers subaquatique; celui de Talokan qui raccroche à une autre culture, maya en l'occurrence. Alternant entre les langues anglaises, françaises, espagnoles, et plusieurs dialectes, l'ensemble compose un prisme multiculturel bien plus riche qu'auparavant, réservant aux personnages blancs une place secondaire.

Alors certes, on peut regretter que le conflit principal du film oppose exclusivement le royaume de Wakanda à la civilisation de Talokan, en somme deux minorités opprimées qui s'entre-déchirent. La menace émanant des autres pays occidentaux, désignés ici principalement par la France et les Etats-Unis, est à peine effleurée en début de métrage avant d'être largement abandonnée, alors qu'une saga comme celle des X-Men avait su développer de manière plus signifiante le dilemme (collaboration ou ségrégation?) qui agitait les mutants à l'égard du monde des humains.

Une réserve qui ne saurait réduire la réussite surprenante de cette suite qui, sans bouleverser l'univers Marvel, lui injecte un souffle d'humanité et d'émotion réjouissant.

Rafael Wolf/ld

"Black Panther: Wakanda Forever" de Ryan Coogler, avec Letitia Wright, Angela Bassett, Tenoch Huerta, Dominique Thorne, Lupita Nyong’o. (actuellement dans les salles)

Publié