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L'Inde assiste au déclin de l'empire Bollywood

L'industrie du film indien est en crise. [AFP - Punit Paranjpe]
L'inde assiste au déclin de l'empire Bollywood / Vertigo / 59 sec. / le 11 octobre 2022
L'industrie cinématographique de Bollywood vit une crise économique historique face à l'essor des plateformes de streaming étrangères et des productions du Sud. Aujourd'hui, les cinémas de Bombay, dont les recettes sont restées en berne après la pandémie, tirent le rideau.

"Nous n'avons jamais connu pire crise": voilà les mots d'un vieux propriétaire de cinéma à Bombay, Manoj Desai, confiés à l'AFP. Certaines projections ont été annulées car le "public n'était pas au rendez-vous".

Traditionnellement, les films de Bollywood ont toujours attiré les foules du pays et le public, vénérant les stars comme des dieux, qui se pressait en nombre aux premières. Le géant d'Asie du Sud produit en moyenne 1'600 films par an, soit plus que n'importe quel autre pays au monde. Pourtant, les trois dernières superproductions avec la star Akshay Kumar ont toutes fait des flops. Aamir Khan, visage des films les plus populaires de l'Inde, n'a pas non plus réussi à convaincre le public avec "Laal Singh Chaddha", remake de "Forrest Gump", qu'il a produit.

A peine un cinquième des cinquante films de Bollywood sortis l'an dernier a atteint ou dépassé ses objectifs, assure l'analyste des médias Karan Taurani d'Elara Capital. Avant la pandémie, la moitié y parvenait.

La concurrence de Tollywood

En revanche, plusieurs films en langue telugu (Tollywood) dans le sud de l'Inde, concurrents du cinéma en langue hindi de Bollywood, se hissent au sommet.

La moitié des recettes des films en hindi, entre janvier 2021 et août de cette année, a été réalisée par des films du Sud doublés en hindi, soulignait Soumya Kanti Ghosh, conseiller économique en chef de la State Bank of India, dans un récent rapport.

Les plateformes en ligne

L'essor des plateformes en ligne avait déjà porté un coup à Bollywood avant la pandémie, et cela s'est encore accentué avec les périodes de confinement.

Les services de streaming locaux et étrangers tels que Netflix, Amazon Prime et Disney+ Hotstar, rassemblent 96 millions d'abonnés, selon une estimation du gouvernement. Certains films lancés après le confinement ont été diffusés sur les plateformes, tandis que d'autres atterrissaient à la télé quelques semaines seulement après leur sortie en salles; le coût de l'abonnement mensuel à un service de streaming, lui, est à peine plus élevé qu'un seul billet de cinéma.

La population a donc pris goût aux contenus locaux et internationaux en streaming, aux films en langues régionales telugu, tamil, malayalam ou encore en kannada du sud du pays, auxquels elle a désormais accès.

"Le cinéma régional ne voyageait pas au-delà de ses frontières. Mais soudain, tout le monde accède au cinéma malayalam ou maharashtrien et réalise que leurs cinéastes racontent des histoires plus intéressantes", explique le critique Raja Sen.

Un cinéma qui parle à son public

Les critiques reprochent aussi à Bollywood ses films de niche ou élitistes pour citadins dans un pays à la population à 70% rurale. Dans un entretien paru dans la presse, le producteur Aamir Khan a reconnu que les "choix qui paraissent pertinents aux cinéastes hindis ne le sont sans doute pas pour le grand public".

Selon des spectateurs interrogés par l'AFP devant un cinéma de Bombay, le vrai problème est la qualité des films, qui pèche trop souvent. "Il faut que l'histoire soit bonne, que son traitement soit bon" pour que les gens se déplacent, a déclaré l'étudiante Preeti Sawant, 22 ans.

Akshay Kumar, surnommé "l'homme de l'industrie", cité en août par le quotidien Indian Express, en convient. "Si mes films ne marchent pas, c'est de notre faute, de ma faute. Je dois me renouveler, je dois comprendre ce que le public veut".

afp/cf

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