"Le dernier des Mohicans", western crépusculaire signé Michael Mann

Grand Format Cinéma

Archives du 7eme Art / Photo12 via AFP

Introduction

Avec son film "Le dernier des Mohicans" sorti en 1992, Michael Mann adapte le roman culte de James Fenimore Cooper qui questionne le mythe du bon sauvage et la naissance de lʹAmérique.

Chapitre 1
La naissance de l'Amérique

Archives du 7eme Art / Photo12 via AFP

"Le dernier des Mohicans", ("The Last of the Mohicans") est un film de Michael Mann sorti en 1992. A l’écran, des Amérindiens, Hurons et Mohicans, alliés pour les premiers aux Français, pour les seconds aux Anglais, deux nations qui se disputent le territoire des 'Natives Americans' au moment de la naissance de l'Amérique.

Michael Mann adapte le classique d’aventures de James Fenimore Cooper publié en 1826, roman qui a connu de nombreuses versions cinématographiques. Le réalisateur propose de recentrer l’intrigue sur la guerre qui oppose les Français aux Anglais, et sur l'instrumentalisation des Amérindiens dans leur propre destruction.

Daniel Day-Lewis incarne Œil de faucon, Hawkeye, un indien de culture, colon de sang, élevé par les Mohicans et qui personnifie le basculement, la synthèse de deux cultures, occidentale et indienne, dont on sait qu’elle n’existera jamais complètement.

Western crépusculaire, le film emprunte à Shakespeare pour la tragédie, se pare de sublime dans l’évocation de la nature et dans les scènes de batailles. Le film s’inscrit dans le mouvement de réhabilitation de l’histoire des Amérindiens dans la culture américaine, Kevin Costner et son "Danse avec les loups" ayant ouvert une voie royale à tout un mouvement, certes sociétal, mais aussi lucratif pour tous les producteurs hollywoodiens.

Quant à la musique, elle va chercher du côté du classique et d’une forme particulière de danse célébrant la nature, la pureté, la joie, et qui a pour nom la Folia ou les Folies d’Espagne. Il aurait dû y avoir une touche plus contemporaine avec des accents de musique électronique, mais le compositeur Trevor Jones, fâché avec le réalisateur, quitte le film avant d’avoir achevé toutes les compositions. C’est à Randy Edelman que l'on confie la fin de la partition. Il poursuit ce qu’avait fait son prédécesseur donnant à l’ensemble une cohérence étonnante.

La musique contribue pour beaucoup au succès du film et les deux compositeurs sont nommés aux Golden Globes 1993.

Chapitre 2
Au cœur des sociétés amérindiennes

Collection ChristopheL via AFP - MORGAN CREEK PRODUCTIONS

"Le dernier des Mohicans" n’est pas le récit de l’extinction d’un peuple, mais la chronique d’un fait de guerre. En 1757, en pleine bataille pour la conquête des territoires indiens dans l’Etat de New York, du côté de l’Hudson River, les Français et les Hurons, se battent contre les Britanniques, et les Mohicans.

"Le dernier des Mohicans", réalisé par Michael Mann. [Morgan Creek Productions / Collection ChristopheL via AFP]
"Le dernier des Mohicans", réalisé par Michael Mann. [Morgan Creek Productions / Collection ChristopheL via AFP]

Au milieu de ces hésitations, un officier anglais, Duncan Heyward est chargé d’escorter les deux filles de son général, Cora et Alice Munro, jusqu’au fort où les attendent leur père et l’armée britannique. Mais le voyage est dangereux. Ils sont victimes d’une embuscade indienne et sont sauvés par Chingachgook et ses deux fils, Uncas et Nathaniel Poe Hawkeye, Œil de faucon, un colon d’origine européenne, élevé parmi les Mohicans. Ensemble, ils gagnent le Fort William Henry assiégé par les Français et leurs alliés hurons.

Hawkeye craque pour l'une des deux Anglaises, pourtant promise à l’officier, et la rivalité des deux hommes pour la main de la belle s’achève malgré eux, sur le champ de bataille.

Un classique de la littérature

L’histoire du "Dernier des Mohicans", avant d’être cinématographique, est d’abord celle du roman de James Fenimore Cooper. En juillet 1825, le jeune auteur américain est en excursion dans la vallée de la rivière Hudson. Il visite les ruines du Fort William Henry, lieu-dit du plus grand massacre de la guerre de Sept Ans, un événement qui a pris place en août 1757. Le sort des Britanniques massacrés et la disparition des Mohicans et Mohawks l’inspire et le décide à écrire un récit relatant ces faits épiques.

En quelques mois seulement, il pose les bases de son histoire. La nouveauté du roman repose en partie sur la vaste fresque de la vie indienne qui illustre les chapitres et qui, au-delà du pittoresque, fait entrer le lecteur, pour la première fois, au cœur des sociétés amérindiennes. Et puis, il y a de l’action, soutenue, des rebondissements multiples. La description de la nature sauvage en fait une médiation nostalgique sur la disparition des Indiens et sur cet état de nature si propre aux romantiques.

Le lieutenant-général français Montcalm essayant d’empêcher l’attaque des Hurons sur les soldats et civils après la reddition du fort de Fort William Henry en 1757. Gravure réalisée par Alfred Bobbett vers 1824. [DP]
Le lieutenant-général français Montcalm essayant d’empêcher l’attaque des Hurons sur les soldats et civils après la reddition du fort de Fort William Henry en 1757. Gravure réalisée par Alfred Bobbett vers 1824. [DP]

Le roman paraît le 6 février 1826 en Amérique et le 18 mars en Angleterre. Les critiques sont partout unanimes. Le premier tirage de 5000 exemplaires est épuisé en deux mois.

Pendant tout le XIX siècle, les romans de James Fenimore Cooper connaissent un immense succès en France, et en Angleterre, souvent traduits l’année même de leur parution aux Etats-Unis et repris dans des éditions bon marché. Ils circulent dans les milieux populaires et se trouvent progressivement relégués ans la littérature jeunesse. Quand Cooper meurt en 1833, "Le dernier des Mohicans" fait désormais figure de classique de la littérature. L’Amérique, elle, le redécouvre au début du XXe siècle quand le cinéma, à la recherche de textes fondamentaux, épiques et surtout nationaux, s’empare de cette histoire.

Dès 1911, on adapte le roman. En tout, il y aura neuf films et téléfilms produits sous le titre "Le dernier des Mohicans", et six autres reprenant la même histoire, mais sous un autre titre. Les plus connues sont celles de Clarence Brown et Maurice Tourneur en 1920 avec Boris Karloff dans le rôle-titre, et celle de George B. Seitz en 1936.

>> A écouter: l'émission "Travelling" consacrée au film "Le dernier des Mohicans" de Michael Mann :

Daniel Day Lewis dans Le dernier des Mohicans de Michael Mann.
Morgan Creek Productions/Collection ChristopheL
AFP [Morgan Creek Productions/Collection ChristopheL]Morgan Creek Productions/Collection ChristopheL
Travelling - Publié le 11 juillet 2022

Chapitre 3
La réhabilitation des Amérindiens

Tig Productions / Majestic Films / Collection ChristopheL via AFP

Hollywood a longtemps, à l’image de la société américaine, fait du mal à ses Indiens. Comme le déclarait Albert White Hat, le conseiller technique de Kevin Costner sur "Danse avec les loups": "l’éducation nous avait tellement lavé le cerveau que dans les années 50, alors lycéens, nous applaudissions lorsque les Indiens encerclaient les roulottes et qu’on entendait arriver la cavalerie. Nous, Indiens, prenions le parti des cowboys".

Au cinéma, pendant très longtemps, un bon Indien était un Indien mort. C’est l’adage sous-tendu d’une grande partie des westerns. Et s’il n’était pas mort, il était soit agressif, soit carrément idiot. Les Indiens ont toujours le mauvais rôle. Ils ne sont d’ailleurs pas joués pas des 'Natives Americans', mais par des Polonais, des Allemands, voire parfois par des Mexicains. Les mœurs des tribus, langages, habitudes vestimentaires, origines et folklores sont mélangées en dépit du bon sens.

Mais les choses changent à partir des années 1950, au moment où la loi américaine reconnaît aux Amérindiens les mêmes droits qu’aux autres Américains. Les westerns antiracistes se multiplient: dans "La flèche brisée" sorti en 1950, l’apache Cochise apprend à James Stewart les vertus adoucissantes du gras de la viande.

Dans "Bronco Apache" de Robert Aldrich en 1954, pour la première fois, le personnage principal d’un film est un Indien. Certes joué par un blanc, mais un Indien quand même. John Ford retourne aussi sa veste. A partir de "La prisonnière du Désert", la prise de conscience se fait générale.

Mais tout cela est plus riche en bons sentiments qu’en précisions historiques jusqu’à ce que les Amérindiens frappent un grand coup de tomahawk sur la table. A la fin des années 1960, au moment où les révoltes grondent partout, les nations indiennes, après avoir été massacrées, ignorées, oubliées, exigent la reconnaissance de leur culture et la réparation des génocides subis.

Les spectaculaires revendications de l’American Indian Movement, comme l’occupation d’Alcatraz en 1969 ou celle de Wounded Knee en février 1973 qui fera deux morts, obligent l’Amérique à se gratter un eczéma récurrent, cette fameuse question indienne. Moins sur un plan politique, qu’ethnologique et sociologique, ils sont portés par les mouvements hippies qui voient dans le mode de vie traditionnel des Amérindiens une sorte d’idéal de nature.

En 1973, l'occupation de Wounded Knee a duré 71 jours, jusqu'à ce qu'un accord soit conclu entre les fonctionnaires fédéraux et une délégation Lakota, qui comprenait Fools Crow (à gauche). [AP Photo/Keystone - ANONYMOUS]
En 1973, l'occupation de Wounded Knee a duré 71 jours, jusqu'à ce qu'un accord soit conclu entre les fonctionnaires fédéraux et une délégation Lakota, qui comprenait Fools Crow (à gauche). [AP Photo/Keystone - ANONYMOUS]

Au cinéma, tout cela se traduit très vite par une évolution de l’image des Peaux-Rouges. "Little Big Man" d’Arthur Penn où les Indiens sont enfin joués par des comédiens natifs et Chief Dan George dans un des rôles principaux. Pour une fois, les Indiens d’Arthur Penn ne sont pas associés à des sauvages, mais plutôt représentés comme les victimes de la conquête de l’Ouest. Hollywood reconnaît ses torts.

Désormais, quand on tournera un western, les comédiens devront savoir monter un tipi en véritable peau de vache, connaître la signification spécifique de chaque peinture de guerre, parler iakota. Le stage aux Arts et Traditions populaires est obligatoire et par solidarité, les comédiens blancs distribués dans les rôles de cow-boys subissent des stages accélérés en us et coutumes pour ne pas froisser l’American Indian Movement. Et pourtant, le western n’a plus la côte. Le genre phare des années 1950-1970 cède sa place. La décennie 1980 sera celle de l’espace.

En 1990, Kevin Costner se lance pourtant dans un pari fou, "Danse avec les loups", tournant son film en dialecte iakota en s’entourant d’une multitude de conseillers sioux. La prise de risque est peu commune. Mais le succès du film va au-delà des rêves les plus fous. "Danse avec les loups" fait plus de 400 millions de dollars de recettes et lance une mode.

Kevin Costner et Graham Greene dans le film "Dans avec les loups". [Tig Productions / Majestic Films / Collection ChristopheL via AFP]
Kevin Costner et Graham Greene dans le film "Dans avec les loups". [Tig Productions / Majestic Films / Collection ChristopheL via AFP]

A la suite de "Danse avec les loups", les pontes des grands studios se mettent à faire la chasse à tout ce qui porte des plumes. Le Sioux, le Cheyenne, l’Apache possèdent deux avantages pour Hollywood: ce sont des victimes d’une colonisation impitoyable, comment leur sort et celui de leurs descendants n’attireraient pas la sympathique? D’autre part, leur culture, qui privilégie les rapports étroits avec la nature, n’a jamais cessé de séduire les hippies et les écologistes.

Pointent sur les grands écrans "Thunderheart", ("Cœur de tonnerre") de Robert de Niro en 1992, puis "Pocahontas" des studios Disney en 1995.

Chapitre 4
Confronter les cultures

Morgan Creek Productions / Collection ChristopheL via AFP

C'est dans courant que sort en 1992 "Le dernier des Mohicans" de Michael Mann, réalisateur à succès, scénariste occasionnel sur "Starsky et Hutch", producteur de "Miami Vice" et metteur scène du "Solitaire". Dixième adaptation visuelle du roman de 1826, le scénario du film s’inspire naturellement du livre, mais aussi du script écrit en 1936 par Philip Dunne pour le film de Georges B. Seitz.

"Le dernier des Mohicans" de 1936 est un des premiers films qu’il ait vu à quatre ou cinq ans dans la cave de l’église de son quartier qui servait de salle de projection.

Il acquiert les droits du roman, et ceux du scénario réalisé par George B. Seitz en 1936, mais resserre l’action sur quelques jours à peine, teinte son film d’une aura historique, ayant assimilé les 17 volumes d’un ouvrage universitaire sur la vie des Iroquois. Il s’entoure aussi de conseillers techniques amérindiens.

Dans son film, l’accent est mis sur la culture indienne, avec une reconstitution historique méticuleuse. Dans le make-up du film, il explique: "Ce film confronte trois cultures extrêmement différentes. Celle, très formelle et réactionnaire, qui régissait l’Europe de l’époque. Celle, violente et fascinante, des Indiens, qu’ils soient hurons ou mohicans. Celle, enfin héroïque et familière, des hommes des frontières, qui sont les ancêtres des héros de western (...). J’ai tenté de me placer du côté des Mohicans, de raconter l’histoire du point de vue de leur culture. Ce n’étaient ni des sauvages ni des primitifs. Ils avaient un système parlementaire qui fonctionnait à l’image de nos démocraties et sur des sujets tels que le divorce ou l’éducation, ils étaient incroyablement modernes. J’essaye de montrer combien les cultures, les valeurs, sont des choses relatives, selon le contexte, l’époque, les mœurs."

Michael Mann ne manque pas de terminer son film sur une citation de James Fenimore Cooper quand Chingachgook s’adresse au grand esprit et dit: "Ils sont tous là, sauf un; moi, Chingachgook, le dernier des Mohicans."

"Dans la scène finale du film, nous regardons la nature sauvage, et cette nature marque la frontière, ajoute Michael Mann. Et la frontière est mouvante, comme le temps, entre le passé et le futur. C’est une zone de transition. Et tout basculera à l’Ouest. C’est la naissance de l’Amérique. Ils regardent le futur. Leurs vies individuellement continueront, d’autres gens viendront après eux, ils devront lutter, pour leur vie, leur existence. Nous, on a simplement fait en sorte que leurs vies soient réelles, qu’un moment d’histoire prenne vie."

Chapitre 5
Un tournage en plein air

7e Art/Morgan Creek Productions / Photo12 via AFP

Le tournage du "Dernier des Mohicans" débute en 1991 à Chimney Rock Park en Caroline du Nord. C’est un tournage heureux, actif, quoique difficile. Pas de studios, mais les paysages somptueux de la Caroline du Nord pour seuls décors. On y filme la communion muette avec une nature luxuriante, ce qui fera aussi l’intérêt du film.

Les scènes de bataille sont filmées dans un lieu qui sert de reproduction fidèle au Fort William Henry et qui se trouve sur les rives du lac James. Le décorateur Wolf Kroeger, tout comme Michael Mann et le chef opérateur Dante Spinotti, travaille d’arrache-pied pour reproduire le plus exactement possible la réalité de 1757.

Aucun des objets nécessaires au tournage ne peut être loué ou acheté. Ils doivent tout fabriquer eux-mêmes: dessiner et réaliser les costumes de six différentes tribus et fabriquer les fusils français et anglais.

"Personne ne sait vraiment comment on se battait avec des couteaux et des tomahawks à cette époque, précise Michael Mann dans le livret qui accompagne la sortie du film. En revanche ce que nous savons, c’est que tous ceux qui se trouvaient en dessous du grade de commandant abandonnaient l’épée pour combattre au tomahawk. Après quelques volées de mousquet, le combat s’engageait mano à mano, et cela se transformait en une boucherie incroyable. On s’est donc plongé dans des manuels de XVIIIe siècle pour apprendre aux figurants et aux acteurs à parer et contre-attaquer." 800 figurants sont engagés pour le tournage.

Michael Mann est un réalisateur méticuleux, entier. Il explique encore: "On a fait énormément de recherches avec les équipes du Smithonian Institute pour capter l’essence des tribus. Il fallait qu’on aide les gens à sentir qui ils étaient, qu’on les individualise avec les accessoires, avec les tatous que portaient les Indiens. C’est une culture et cette culture devait se voir. On a créé des sets de caractéristiques qui allaient des armes, à la manière de se coiffer, aux tissus qu’on a fabriqués. Chaque tribu a fait l’objet de recherches poussées sur des peintures et dessins des années 20. On a beaucoup travaillé aussi les motifs extraordinaires propres à chaque tribu. Il y a une peinture célèbre de Benjamin West montrant la mort du général Wolfe. A gauche sur le tableau, on voit un Mohawk avec des tatous, des peintures de guerre et des tissus particuliers, et on essayé de reproduire ça, reproduire les Indiens qui apparaissent dans les côtés gauches des tableaux historiques."

"La Mort du général Wolfe", tableau de Benjamin West, 1770. [DP]
"La Mort du général Wolfe", tableau de Benjamin West, 1770. [DP]

A côté des Indiens et de leurs parures, il y a les soldats anglais et français, leurs uniformes, leurs armes. Michael Mann cherche visiblement à nous captiver d’abord par la puissance évocatrice de l’image.

Dans les rôles parlants, on trouve Russell Means, qui incarne ici Chingachgook, le Mohican. Il est un représentant des Lakotas, membre du mouvement amérindien AIM et promoteur d'une République Lakota. A ses côtés, un descendant inuit, Eric Schweig, et un Cherokee, Wes Studi.

Russell Means (à gauche) et Denis Banks, leaders du mouvement amérindien AIM, dans le village de Wounded Knee en mars 1973. [AP Photo/Keystone - ANONYMOUS]
Russell Means (à gauche) et Denis Banks, leaders du mouvement amérindien AIM, dans le village de Wounded Knee en mars 1973. [AP Photo/Keystone - ANONYMOUS]

"Nous avions un groupe d’acteurs indiens, Wes Studi, brillant, et j’étais presque obligé d’avoir Russell Means et Dennis Banks. Je me rappelle la première fois que j’ai vu une photo d’eux. C’était pendant les événements de Wounded Knee, en 1973, ils se tenaient face au FBI. Et j'ai eu cette pensée folle: 'est-ce que je pourrais pour avoir une fois Russell Means et Dennis Banks dans un projet qui aurait du sens, pour qu’ils jouent Chingachgook et Ongewasgone?" Russell était confortablement installé dans sa routine de ses 55 ans, vivant sa vie habituelle et moi, tout d’un coup, je lui propose de courir au sommet des collines. Il a dû se remettre en forme en trois-quatre semaines."

Madeleine Stowe et Jodhi May sont engagées pour les rôles féminins. Le réalisateur Patrice Chéreau joue le général français Montcalm.

Les actrices Madeleine Stowe (à gauche) et Jodhi May dans "Le dernier des Mohicans". [Collection ChristopheL via AFP - MORGAN CREEK PRODUCTIONS]
Les actrices Madeleine Stowe (à gauche) et Jodhi May dans "Le dernier des Mohicans". [Collection ChristopheL via AFP - MORGAN CREEK PRODUCTIONS]

Chapitre 6
Daniel Day-Lewis, plus qu'un acteur

Morgan Creek Productions / Collection ChristopheL via AFP

Dans le film Daniel Day-Lewis est Hawkeye, Œil de faucon, le blanc adopté par Chingachgook. Le film semble taillé sur mesure pour ce comédien américain, adepte des méthodes de l’Actor’s studio et de l’immersion totale dans son personnage.

Il perfectionne sa condition physique pendant six mois à raison de cinq séances de fitness par semaine. Il passe ensuite un mois dans les bois de Caroline du Nord en compagnie de spécialistes de la vie indienne. Il apprend à chasser les animaux et à les dépecer, à se battre avec son tomahawk, à bâtir lui-même son canoë. Ses prouesses tiennent du pentathlon olympique: course à pied, tir à l’arc et au fusil, jet de tomahawk, traversée de rapides en pirogue, lutte à mains nues. Il devient un vrai indien du XVIIIe siècle.

A la fin de son entraînement commando, le comédien est capable de courir avec un fusil de six kilos, de le charger par le canon, de pointer et de tirer dans la foulée le plus naturellement du monde. Un fusil qu'il finit par adopter et qu'il ne le quitte pas tout le long du tournage. "A l’époque, explique le comédien, jamais un pionnier ne s’en serait séparé même pour dormir." Alors il dort avec. Se balade avec. Dans les endroits où les armes à feu sont interdites, l’acteur se déplace avec une barre de fer d’un poids équivalent à l’arme du film. Même pour le réveillon de Noël il vient avec son fusil.

L'acteur Daniel Day-Lewis dans le rôle de Hawkeye dit "Œil de faucon" dans "Le dernier des Mohicans". [Archives du 7eme Art / Photo12 via AFP]
L'acteur Daniel Day-Lewis dans le rôle de Hawkeye dit "Œil de faucon" dans "Le dernier des Mohicans". [Archives du 7eme Art / Photo12 via AFP]

"Oui je suis habité par mon personnage, dit-il. Il ne me quitte pas. C’est mon bonheur d’acteur. Sur un tournage, on dit toujours qu’il y a des longs moments d’attente et d’ennui. Moi je ne m’ennuie jamais. Je suis continuellement dedans et quand la caméra commence à tourner je continue à être, tout simplement."

La sortie du film en 1992 est plutôt bonne. On salue un superbe hymne à la liberté, un grand film d’aventure. Les critiques admirent le travail de Michael Mann, et surtout la prestation de Daniel Day-Lewis. Le comédien souffre néanmoins après le tournage d’un léger décalage après s’être tant investi dans son rôle. Sa cure de vie au grand air, lui retombe dessus. En retrouvant la vie citadine, il souffre de claustrophobie et de légères hallucinations.

Le film rapporte 82 millions de dollars et reçoit de nombreuses récompenses, aux Oscars, et en Angleterre. Puis Daniel Day-Lewis s’en va tourner "Le temps de l'innocence" de Martin Scorsese, Madeleine Stowe "Short Cuts" de Robert Altman, Russell Means fait une voix dans "Pocahontas", une apparition dans "Tueurs nés" et se lance dans la politique.

Quant à Michael Mann, il délaisse le western pour les films d’action. "Heat", "Collatéral", "Miami Vice", "Public Enemies" et "Hacker".