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"Ma fabuleuse Wanda", le nouveau film doux-amer de Bettina Oberli

"Wanda, mein Wunder" de Bettina Oberli. [Zodiacpictures]
Bettina Oberli "Ma fabuleuse Wanda" / Vertigo / 55 min. / le 2 août 2021
"Ma fabuleuse Wanda" de Bettina Oberli met en scène les membres d'une famille bourgeoise qui recrutent une aide-soignante polonaise pour s'occuper du patriarche victime d'un AVC. La jeune femme va les aider, mais pas dans le sens où ils l'entendaient.

Réalisatrice de plusieurs succès populaires comme "Les mamies font pas dans la dentelle" ou "Le vent tourne", Bettina Oberli présente ces jours en Suisse romande son huitième long-métrage, "Ma fabuleuse Wanda" ("Wanda, mein Wunder"). Un film dont la sortie a été plusieurs fois repoussée.

Marthe Keller ne voulait pas tourner en suisse-allemand

Tourné au printemps 2019 et terminé en novembre de la même année, il aurait dû être présenté au festival de Tribeca à New York en mars 2020. Hélas, la pandémie mondiale de coronavirus a bouleversé cet agenda. La tragicomédie de Bettina Oberli est donc visible dès ce mercredi 11 août sur les écrans romands. "Une longue naissance", relève la réalisatrice au micro de "Vertigo".

Le film a été tourné en allemand, une condition imposée par la présence à l'affiche de Marthe Keller. "Pour elle, c'est hors de question de jouer dans un film en suisse-allemand. Mais finalement, c'est tant mieux: le film est plus universel et pourrait se passer n'importe où en Europe occidentale, il n'est pas ancré dans un lieu particulier."

Les secrets d'une famille bourgeoise

Outre Marthe Keller avec qui elle souhaitait travailler depuis longtemps, Bettina Oberli a recruté André Jung, qu'elle connaît bien, pour interpréter le personnage de Josef.

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Après l'attaque cérébrale de leur patriarche, les Wegmeister-Gloor, une famille aisée, sont unanimes: Josef (André Jung) n'ira pas en EMS. Ils décident donc d'engager la jeune Polonaise Wanda (Agnieszka Grochowska) pour s'occuper de lui et de sa femme Elsa (Marthe Keller) jour et nuit dans leur propriété au bord du lac de Zurich.

Le travail n'est pas très bien payé, mais il permet à Wanda de subvenir aux besoins de ses deux jeunes fils restés en Pologne. Un jour, la jeune femme tombe enceinte de Josef et la famille explose.

L'injustice de l'économie domestique

Le sujet du film a été inspiré à la réalisatrice par l'actualité. "Dans notre pays, le marché des soins ambulatoires est en pleine expansion. On dit beaucoup que ce genre de prise en charge est 'win-win': pour les familles, c'est l'assurance de pouvoir maintenir une personne à domicile tout en économisant de l'argent et pour les soignantes, la possibilité de gagner bien plus d'argent que dans leur pays d'origine. Mais c'est un mensonge. Les soignantes que j'ai rencontrées m'ont toutes dit: 'on renonce à notre propre vie'. Et là, j'avais trouvé l'histoire que je voulais raconter. Pour que tout le monde soit véritablement gagnant, de quoi a-t-on besoin? Dès le moment où la jeune soignante se retrouve enceinte, le rapport de pouvoir est totalement modifié", explique Bettina Oberli.

Un mélange des genres

Ce marché opaque de l'économie domestique n'est encore que peu connu du grand public. Du passeport confisqué au salaire misérable, les dérives sont nombreuses et l'activité peu encadrée juridiquement.

Le travail est très dur, demande une disponibilité totale et mériterait d'être mieux partagé. Mais nous ne voulions pas proposer un drame lourd. Plutôt quelque chose de léger.

Bettina Oberli, réalisatrice suisse.

De fait, le long-métrage passe de la tragédie à la comédie en passant par le film social. "On a mélangé les genres pour surprendre et mettre les personnages dans des situations absurdes et désespérées, mais sans se moquer, en aucun cas."

La famille, au coeur

"Ma fabuleuse Wanda" est centré sur les relations familiales. Véritable révélateur, la grossesse de la jeune Polonaise permet de faire craquer le vernis social. "La vie des personnages est ébranlée mais à la fin, pour moi, c'est un film sur le rapprochement et les relations entre parents et enfants. Une famille peut aussi être constituée de personnes qui ne sont pas du même sang."

La famille, c'est toujours une question de définition.

Bettina Oberli, réalisatrice suisse

Sans divulgâcher la fin, on peut tout de même avertir qu'elle reste ouverte, comme souvent chez Bettina Oberli. "Faire du cinéma, ce n'est pas seulement raconter une histoire, c'est aussi offrir une réflexion sur un sujet. A l'issue du film, Wanda, pour la première fois, peut effectuer un vrai choix, alors qu'auparavant elle était toujours au service du choix des autres. Pour moi, la fin se situait là."

Propos recueillis par Pierre Philippe Cadert

Adaptation web: Melissa Härtel

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