Publié

Qui est Julia Ducournau, la lauréate de la Palme d'or 2021?

La réalisatrice Julia Ducournau, la benjamine de la compétition. [Anadolu Agency via AFP - MUSTAFA YALCIN]
La réalisatrice Julia Ducournau, la benjamine de la compétition. - [Anadolu Agency via AFP - MUSTAFA YALCIN]
La réalisatrice française de 37 ans est la deuxième femme à décrocher le prestigieux prix après Jane Campion, en 1993, pour "La Leçon de piano". Son film "Titane", actuellement en salle, a été l'électrochoc de cette 74e édition.

Cinéaste singulière et audacieuse, fascinée par les transformations du corps, Julia Ducournau, 37 ans, a remporté la Palme d'or, samedi soir à Cannes, avec "Titane", un film transgenre, radical et incandescent. Le jury, présidé par Spike Lee, a couronné un film furieusement contemporain qui raconte les liens tissés entre une rescapée d'un accident de voiture et un pompier anabolisé qui ne se remet pas de la mort de son fils.

>> Revoir le sujet du 19h30 sur la récompense du film "Titane" au Festival de Cannes :

Festival de Cannes: la Palme d'or a couronné "Titane" de la réalisatrice française Julia Ducournau
Festival de Cannes: la Palme d'or a couronné "Titane" de la réalisatrice française Julia Ducournau / 19h30 / 2 min. / le 18 juillet 2021

Le film a divisé critique et public, notamment en raison de scènes jugées repoussantes. "La monstruosité qui fait peur à certains et traverse mon travail, c'est une arme et une force pour repousser les murs de la normativité qui nous enferment et nous séparent", a-t-elle déclaré, très émue, en recevant des mains de Sharon Stone la Palme d'or.

Des films comme des coups de poing

Mais avant "Titane", oeuvre la plus violente et dérangeante de la compétition, Julia Ducournau avait déjà fait sensation au Festival de Cannes en 2016 avec son premier long métrage, "Grave", récit d'apprentissage d'une post-adolescente cannibale. Le film avait été interdit aux moins de 16 ans et avait suscité le malaise à Cannes, en raison de la crudité de certaines scènes sanglantes - épilation se terminant par la dégustation d'un doigt ou corps à moitié mangé découvert au réveil.

L'affiche du film "Grave" de Julia Ducournau. [Petit Film/Rouge International/Frakas Productions]

Rien de tel avec "Titane" malgré des scènes mémorables, comme une auto-mutilation du visage par l'héroïne qui tente de se rendre méconnaissable, des scènes de sexe avec des voitures ou encore une série de meurtres spectaculaires. Ce qu'on retient de ce film de chair et de métal, c'est la fluidité des genres, sexuels ou cinématographiques. "J’aime la circulation, que les personnages ne soient pas rangés dans des cases. Moi-même, je n’ai jamais eu le sentiment d’appartenir à un sexe, j’ai l’impression de pouvoir être masculine comme très féminine. Mes films, je les vois comme des cross-over: comédie, drame, horreur. Dans la tragédie grecque, il y a tout ça", dit-elle.

Agathe Rousselle dans "Titane". [Copyright Carole Bethuel]Copyright Carole Bethuel
Débat cinéma / Vertigo / 28 min. / le 14 juillet 2021

Une fascination qui remonte à l'enfance

Fille de médecins cinéphiles - père dermatologue et mère gynécologue - Julia Ducournau trouve dans son enfance des origines à cette fascination pour les aspects les plus perturbants et triviaux du corps humain. "Depuis toute petite, j'ai entendu mes parents parler de médecine, sans tabou. C'était leur quotidien. J'avais mon nez fourré dans leurs livres", racontait-elle au moment de la sortie de "Grave", soulignant que pour elle, "la mort, la décomposition étaient normalisées".

La montée des marches à Cannes de l'équipe du film "Titane"
L'équipe du film "Titane" sur le tapis rouge à Cannes / L'actu en vidéo / 53 sec. / le 14 juillet 2021

Influencée par le cinéma de David Cronenberg, de Brian de Palma, de Pier Paolo Pasolini et du Sud-coréen Na Hong-jin ("The Chaser"), cette adepte de films de genre raconte avoir été marquée par le célèbre film d'horreur "Massacre à la tronçonneuse", vu en cachette à l'âge de six ans, et avoir eu ses premiers émois littéraires avec les "Histoires extraordinaires" d'Edgar Poe.

Ses héroïnes prénommées Justine

Née à Paris, Julia Ducournau connaît un parcours studieux. Passée par une classe préparatoire littéraire et une double licence de Lettres modernes et d'anglais, elle se tourne ensuite vers le cinéma en 2004, en intégrant le département scénario de la Fémis, elle qui, toute petite déjà, adorait écrire des histoires.

Ses premières oeuvres laissent très tôt apparaître ses obsessions. Sélectionné à la Semaine de la critique au Festival de Cannes, son court-métrage remarqué "Junior" (2011), - dont l'héroïne porte le même prénom que celle de "Grave", Justine, et jouée par la même actrice, Garance Marillier -, montre ainsi la métamorphose d'une adolescente garçon manqué. Vient ensuite "Mange" (2012), téléfilm réalisé pour Canal+ et déjà interdit aux moins de 16 ans, qui raconte l'histoire d'une ancienne obèse essayant de se venger de la personne qui l'a harcelée au collège.

Le genre pour mieux parler du corps

"Depuis la Fémis et, bien sûr, mon court-métrage "Junior", le cinéma de genre est une évidence pour moi, pour parler du corps. Du corps qui change, qui s'ouvre", indiquait-elle dans une interview à Télérama. "A la Fémis, j'avais déjà réalisé un court-métrage sur une fille qui se grattait jusqu'à se creuser un véritable trou dans le front, et c'est la première foi que j'avais eu recours à des effets spéciaux". Un univers qu'elle confirme avec "Titane", à la mise en scène très soignée.

"C'est déjà une grande cinéaste, il n'y a pas un plan du film qui serait à retirer. Il est certain qu'il y aura une suite", affirmait Gilles Jacob, président du prix Louis-Delluc qui a consacré "Grave" en 2017. C'est chose faite depuis samedi soir, avec le prix du cinéma le plus convoité du monde.

afp/mcm

Publié