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"Promising Young Woman", un thriller post #metoo au final stupéfiant

Une scène du film "Promising Young Woman" de Emerald Fennell. [DR]
Débat cinéma / Vertigo / 22 min. / le 12 mai 2021
Oscar du meilleur scénario original, "Promising Young Woman" attaque de front son sujet, la culture du viol, sans gêne et sans peur de choquer. Il s'agit du premier film de la comédienne et productrice britannique Emerald Fennell.

Intriguant, dérangeant, imprévisible, tordu, brillant, clivant. Ce sont quelques-uns des adjectifs de la presse internationale pour qualifier "Promising Young Woman", premier film d’Emerald Fennell, écrivaine, productrice de la série "Killing Eve", scénariste et comédienne britannique, vue notamment en Camilla Parker Bowles dans "The Crown".

Feindre l'ivresse pour démasquer le violeurs

Récemment primé de l'Oscar du meilleur scénario original, le film raconte l'histoire d'une vengeance. Etudiante en médecine promise à un avenir glorieux, Cassandra Thomas (Carey Mulligan) arrête brutalement ses études après le viol de son amie. Retournée vivre chez ses parents, devenue cynique et antipathique, elle travaille désormais dans un café. Le soir, elle feint l'ivresse dans les bars pour qu'un "mec gentil" la ramène chez lui. Elle attend qu'il tente de profiter d'elle pour révéler sa sobriété et le confronter à son comportement. Cette justicière du consentement tient un carnet de ses abuseurs.

Le film commence comme une comédie, voire une comédie romantique, avant de basculer dans le thriller, sans craindre de mêler comique et férocité, allant de ruptures de ton en ruptures de ton. En épousant le point de vue de son héroïne plutôt insaisissable, à la fois séduisante, manipulatrice, caustique et renfermée, "Promising Young Woman" promet au spectateur une intrigue tout sauf prévisible, un "suspens à combustion lente", avec un final stupéfiant qu'on se gardera bien de divulguer.

Au cinéma, les femmes qui se vengent sont toutes excessivement violentes, sexy et extrêmement déprimantes. Je voulais décrire comment une femme ordinaire s’y prendrait dans la vraie vie. Il est assez rare que ce soit avec un revolver. C’est généralement beaucoup plus tordu et torturé que ça.

Emerald Fennell, réalisatrice de "Promising Young Woman"

Film de vengeance, certes, mais plutôt inédit dans son approche et "dans sa mise en scène ample, avec un très beau travail sur les lumières et les couleurs", selon l'avis critique de Thomas Gerber dans le débat cinéma de l'émission "Vertigo". Lequel a aussi beaucoup apprécié l'originalité et la cohérence thématique de la bande originale, qui va d'une reprise grinçante de "Toxic" de Britney Spears à "Tristan et Isolde" de Wagner.

Carey Mulligan et Bo Burnham dans "Promising Youg Woman". [Copyright Focus Features]

Il est en revanche plus sceptique sur la manière de traiter de la violence faite aux femmes. "Les hommes sont tous systématiquement décrits comme des salopards. Dénoncer les comportements abusifs oui, surtout qu'ils sont très fréquents chez certains mâles, mais si c'est au prix de la misandrie, alors non! L'autre chose qui me pose problème, c'est que la vengeance est montrée comme une quête légitime".

Complices de la culture du viol

Un avis que ne partage pas le critique cinéma de la RTS Rafael Wolf, qui a beaucoup aimé le film et sa complexité. Il en souligne l'aspect satirique et grinçant qui va très loin dans la noirceur. "'Promising Young Woman' décortique ce que l'on appelle la culture du viol en montrant bien qu'elle comprend des hommes, bien sûr, mais aussi des femmes complices".

La réalisatrice Emerald Fennel dit avoir examiné son propre comportement passé pour voir comment elle avait pu, elle aussi, être complice du système patriarcal: "les crimes, les criminels, les malades et les atrocités ne m’intéressent pas. Je suis beaucoup plus intéressée par la manière dont nous avons tous participé à cette impasse dont nous devons sortir aujourd’hui".

Sujet débattu dans Vertigo

Adaptation web: Marie-Claude Martin

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