Avant l'arrivée du numérique, il y avait la pellicule. [Fotolia - zvonkodjuric]
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Raphaël Enthoven, Thomas Wiesel et Derib font leur cinéma

>> Critique de cinéma de la RTS, Rafael Wolf est allé à la rencontre de personnalités romandes ou pas, pour leur demander quelle place le cinéma tenait dans leur vie.

>> Les réponses peuvent être étonnantes. Elles révèlent toujours quelque chose de l'intimité de ces personnalités.

>> Cette série "Vertigo" aura une suite, mais pour l'heure, on commence avec trois personnalités d'âges et de cultures différentes.

Thomas Wiesel

Retrouver les émotions de l'adolescence

Comme ceux de la génération "Star Wars" et "Harry Potter", Thomas Wiesel, 31 ans, n'entretient pas un rapport sacralisé au cinéma. Sauf en ce qui concerne les versions originales.

J'ai habité deux ans à Londres avec mes parents. Je ne peux pas regarder un film doublé en français.

Thomas Wiesel

Pour l'humoriste, le côté événementiel et fédérateur du cinéma a disparu. La plupart des films, il les consomme sur internet. "Et depuis quelques années, j'ai plutôt basculé du côté des séries".

Ses meilleurs souvenirs de films en salle remontent à l'adolescence et à ses premiers émois amoureux. C'est ainsi qu'il voue une affection particulière à la comédie chorale romantique "Love actually" (2003). "Je l'ai vue en même temps que je vivais mes débuts sentimentaux. Si je le découvrais aujourd'hui, à 31 ans, je ne suis pas sûr que je l'aimerais autant. Mais quand je revois le film, je ressens les mêmes émotions qu'à l'époque".

Peu sensible à l'humour hystérique de Louis de Funès, allergique aux comédies musicales, il est aussi peu réceptif au climat des films de David Lynch.

Quand je sors d'un film et qu'on doit me l'expliquer pendant des heures, ça ne m'intéresse pas.

Thomas Wiesel, humoriste

En revanche, et toujours lié à ses souvenirs d'adolescent, il continue à aimer deux actrices dont il était amoureux à l'âge de quinze ans, Natalie Portman et Emma Watson.

>> A écouter, Thomas Wiesel dans "Vertigo" :

Thomas Wiesel
Thomas Wiesel fait son cinéma / Vertigo / 11 min. / le 24 novembre 2020

Derib, auteur de BD

"Les animaux au cinéma me touchent"

Même sans le Covid, Derib, 76 ans, aime se confiner dans sa maison au-dessus de Vevey pour travailler tous les jours. Les DVD côtoient les cassettes VHS. Sans être cinéphile, l'auteur vaudois se tient au courant des sorties mais depuis plusieurs années préfèrent les regarder à la télévision.

Passionné de westerns, le dessinateur de "Yakari", "Buddy Longway" ou encore "Red Road" évoque lʹimportance du septième art dans son métier. "Je suis à la fois acteur, réalisateur, décorateur et scénariste de mon travail".

Les films sont pour moi une source de documentation.

Derib, auteur de BD

Il dit par exemple qu'il s'est inspiré pour ses dessins de certaines attitudes de John Wayne dans "La prisonnière du désert". Autre film qui l'a marqué: "Jeremiah Johnson" de Sydney Pollack avec Robert Redford "si bon cavalier qu'on y croit".

Derib a cinq ans quand il découvre "Bambi" au cinéma. Il ne peut pas voir jusqu'à la fin tant il pleure. Puis, il se souvient de "Lassie chien fidèle". Derib l'avoue en souriant: "Quand il y a des animaux à l'écran, je suis toujours ému".

Mais son film préféré, celui qu'il considère comme un chef-d'oeuvre absolu parce qu'il ne vieillit pas, c'est "Lawrence d'Arabie".

>> A écouter, Derib dans "Vertigo" :

Derib dans son atelier. [DR - Arnaud Derib]DR - Arnaud Derib
Derib fait son cinéma / Vertigo / 8 min. / le 17 novembre 2020

Raphaël Enthoven, philosophe

Entre Proust et Stallone

Très actif sur les réseaux sociaux, philosophe et écrivain, Raphaël Enthoven a publié en 2020 son premier roman, "Le Temps gagné", en référence à Proust.

Le livre retrace avec humour et cruauté le parcours d'un jeune garçon, élevé dans la violence d'un beau-père psychanalyste. On reconnaît sans peine Raphaël Enthoven derrière ce personnage d'enfant maltraité qui s'est donné des idoles pour grandir, dont Sylvester Stallone.

Le cinéma et la littérature, en particulier la comtesse de Ségur, sauvent l'existence de cet enfant qui fait face à une violence qu'il ne comprend pas.

Raphaël Enthoven à propos de son personnage, très autobiographique, du " Temps gagné"

Pourquoi Stallone? Parce qu'il est double. Dans "Rocky", l'acteur incarne la sagesse, dans "Rambo", la brutalité. "Rambo a besoin d'être toujours plus violent que son adversaire, l'obligeant à une violence croissante, tandis que Rocky prend la violence et la convertit en éthique de vie", explique le philosophe qui dit avoir consommé tous les films mainstream des années 1980 avec délectation.

Pour Raphaël Enthoven, le film auquel son personnage, son double, s'est le plus identifié est celui de Daniel LaRusso dans "Karaté kid" (1984), autre revanche d'un faible qui apprend à devenir fort par l'enseignement de Monsieur Miyagi, le vieux jardinier et maître dans les arts martiaux.

Miyagi est un modèle de pédagogie car il aide à devenir ce que nous sommes. Il enseigne que le karaté est dans toutes les situations de la vie, qu'il s'agisse de repeindre les palissages ou de laver la voiture. Le jeune Daniel découvrira par la suite les vertus de ces corvées, qu'il croyait inutiles.

Raphaël Enthoven à propos du film de "Karaté kid".

>> A écouter, Raphaël Enthoven dans "Vertigo" :

Portrait de Raphaël Enthoven. [AFP - Julien Faure]AFP - Julien Faure
Raphaël Enthoven, le philosophe cinéphile / Vertigo / 10 min. / le 3 novembre 2020