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"Sans signe particulier", un thriller pétri d’humanité

Une image du film "Sans signe particulier" de Fernanda Valadez. [trigon-film.org]
La chronique culturelle - "Sans signe particulier", road movie dramatique mexicain récompensé à Zurich / La chronique culturelle / 2 min. / le 30 octobre 2020
Couronné de l’Oeil d’or du meilleur film lors de la 16e édition du Zurich Film Festival, "Sans signe particulier" est un sublime road movie sur fond de disparitions, de crimes et de migration au Mexique. A découvrir en ce moment dans les salles romandes.

Comme tant d’autres jeunes Mexicains, Jesus aspire à une vie meilleure quand il embarque, avec son ami Rigo, dans un bus en direction de la frontière avec les Etats-Unis. Mais des mois plus tard, sa mère Magdalena, restée sans nouvelles de lui, est invitée par les autorités à admettre la tragique destinée que connaissent nombre de ces jeunes aspirants migrants: la mort, sous les coups de bandes criminelles qui terrorisent le pays. Pourtant, ne reconnaissant pas son fils sur les photos de cadavres qui lui sont présentées, Magdalena refuse de signer l’acte de décès et décide de se lancer à la recherche de son fils.

Un road movie intense

Ce long métrage, le premier de la réalisatrice Fernanda Valadez, 39 ans, suit le périple de cette femme d'un milieu modeste, aussi humble qu’obstinée, à travers le Mexique dans un road movie intense où la mère va croiser d'autres destins marqués comme le sien par ces affaires de disparitions, de tuerie et de désir déçu de migration qui font le Mexique actuel.

Elle va ainsi rencontrer une autre mère, bourgeoise, elle, venue reconnaître le cadavre de son fils qui lui aussi aspirait à passer la frontière – preuve, nous dit le film, que toutes les couches sociales sont concernées par ce phénomène. Magdalena va aussi croiser la route de Miguel, un jeune Mexicain expulsé des Etats-Unis après  quatre ans et qui retourne chez sa mère, mais aussi celle du diable, dans une scène éblouissante malgré une violence à peine soutenable.

Une image du film "Sans signe particulier" de Fernanda Valadez. [trigon-film.org]
Une image du film "Sans signe particulier" de Fernanda Valadez. [trigon-film.org]

Angoissant mais jamais désespérant

Si les disparitions, enlèvements et meurtres qui gangrènent le Mexique sont des sujets souvent traités à l’écran, cette fiction se démarque d’abord par son scénario d’une grande maîtrise qui permet d’échapper au mélodrame, au manichéisme autant qu’à la complaisance morbide. Comment? En tenant la ligne du thriller et du suspense. En montrant que la frontière entre victimes et bourreaux n’est pas une franche ligne de démarcation. Mais aussi en proposant des pauses presque méditatives, des respirations où le paysage naturel, filmé par une caméra toujours très proche de ses sujets, nous ramène sans cesse du côté de la vie.

"Sans signe particulier", expression précisée entre autres lors de l’identification d’un cadavre, est un film souvent angoissant, douloureux parfois, mais jamais désespérant. Parce que la réalisatrice Fernanda Valadez, et avec elle toute l’équipe de femmes qui se trouvent derrière ce film, sont de ce pays, qu’elles l’aiment, qu’elles y sont attachées.

Un hommage au courage

Cela n’a pas rendu leur travail plus facile, elles ont même rencontré nombre d’obstacles au fil de leur projet. Mais cet ancrage donne à leur film une grande sensibilité qui permet l’empathie avec les destins de ces mères lancées à la recherche de leur enfant disparu, de ces jeunes hommes rêvant d’Amérique et de tous les autres s'efforçant de survivre chez eux.

Outre un témoignage très réaliste sur le Mexique, "Sans signe particulier" offre un hommage au courage. Une preuve que même lorsque la violence et l’impunité règnent, l’espoir tient grâce à la résistance morale des individus et la solidarité.

Anne-Laure Gannac/mh

"Sans signe particulier" est sorti dans les salles de Suisse romande le 28 octobre.

Attention: des scènes et images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs.

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