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"Yalda, la nuit du pardon", une critique évidente de la téléréalité

"Yalda, la nuit du pardon" de Massoud Bakhshi. [Sister Distribution]
Les invités : Joelle Bertossa et Massoud Bakhshi, "Yalda, la nuit du pardon" / Vertigo / 22 min. / le 12 octobre 2020
Le film de Massoud Bakhshi se veut une critique des médias et de la télévision. Il aborde aussi des thèmes universels comme le pardon et la lutte des classes et explore la confrontation entre tradition et modernité dans la société iranienne.

Iran, de nos jours. Maryam, 22 ans, tue accidentellement son mari Nasser, 65 ans. Elle est condamnée à mort. La seule personne qui puisse la sauver est Mona, la fille de Nasser. Il suffirait que Mona accepte de pardonner à Maryam, en direct devant des millions de spectateurs, lors d'une émission de téléréalité.

En Iran cette émission existe et a inspiré le film "Yalda, la nuit du pardon". "En fait, l'émission n'est pas tout à fait pareille, j'ai dramatisé et exagéré un peu quelques aspects. Mais, il y a en Iran cette exception incroyable qui dit qu'en cas de mort accidentelle, la loi autorise les familles de victimes à gracier les coupables", explique le réalisateur Massoud Bakhshi à la RTS. Sur la base de cette exception législative, une émission a été programmée pendant douze ans à la télévision iranienne. Dans ce show, un présentateur essayait d'obtenir en direct le pardon de familles de victimes.

Une scène du film "Yalda, la nuit du pardon" de Massoud Bakhshi. [Sister Distribution]
Une scène du film "Yalda, la nuit du pardon" de Massoud Bakhshi. [Sister Distribution]

"Je voulais que cette histoire soit proche de la réalité de la société iranienne, mais en même temps, je ne voulais pas faire un film fatigant. Je voulais que le grand public puisse voir ce film, se retrouve dans ce monde, car il a un côté très universel, notamment la question du pardon qui existe dans toutes les religions et dans toutes les cultures", détaille Massoud Bakhshi.

Une critique de la télévision

Dans "Yalda, la nuit du pardon", presque toute l'action se tient en huis clos, dans ce studio de télévision qui doit sceller le sort de la jeune Maryam. A la fois sur le plateau, en direct, et en coulisses quand il y a des interruptions publicitaires. Un dispositif contraignant qui a dicté la mise en scène. "Je savais que je faisais un choix qui me limitait beaucoup, mais en même temps, ça ajoute vraiment de l'intensité au récit", explique le cinéaste.

Le film est une critique des médias et de la télévision en particulier. Il oblige le public à se placer à la fois comme spectateur du film, mais aussi comme spectateur de l'émission et le contraint, de cette manière, à se poser des questions morales.

Le phénomène de la téléréalité manipule et sensualise les émotions de téléspectateurs. Dans ce film, vous voyez bien que chaque téléspectateur devient un téléjuré, ou téléjuge.

Massoud Bakhshi, réalisateur

En plus de la question de la justice, le film évoque le gouffre qui oppose les riches et les pauvres en Iran aujourd'hui. Un thème très universel, comme le souligne Massoud Bakhshi: "La lutte des classes, cette confrontation entre les deux personnages principaux, Maryam et Mona, est un des thèmes principaux". Dans "Yalda, la nuit du pardon", il est aussi question de la confrontation entre modernité et tradition.

"Yalda, la nuit du pardon". [Sister Distribution]
"Yalda, la nuit du pardon". [Sister Distribution]

Une co-production notamment Suisse

Pour produire son film, Massoud Bakhshi a fait appel à plusieurs producteurs minoritaires. "Yalda, la nuit du pardon" est ainsi le fruit d'une co-production entre l'Iran, la France, l'Allemagne, le Luxembourg et la Suisse. "A la lecture du scénario, j'étais convaincue qu'on arriverait à le financer et qu'on aurait un beau film à l'arrivée", affirme Joëlle Bertossa, co-productrice suisse du film chez Close Up Films.

"Pour moi, c'était une expérience incroyablement humaine, car malgré la capacité du cinéma iranien, il n'y a pas beaucoup de co-productions avec l'étranger. Le fait qu'on ait réussi à avoir des partenaires différents et notamment Joëlle Bertossa qui avait travaillé sur mon premier film, c'était vraiment une chance pour ce projet", raconte le réalisateur. Une équipe mixte qui a donc réussi à collaborer de manière fructueuse.

Un film pour sauver deux vies

Le premier film de Massoud Bakhshi en 2012, "Une famille respectable", lui a valu beaucoup d'ennuis et n'est jamais sorti en Iran. "C'était un film très frontal. Pour 'Yalda', c'est grâce à ma patience que l'on a réussi à obtenir les autorisations", précise-t-il.

Avec ce nouveau long-métrage, Massoud Bakhshi prend sa revanche. La première a eu lieu à Téhéran. "Pour moi, c'était très important. [...] Tout de suite après cette sortie qui a eu lieu après le confinement, on a décidé de verser l'intégralité des recettes à la libération de deux condamnés à mort. Ceci, grâce à une ONG iranienne gérée majoritairement par des femmes très courageuses qui s'occupent de familles de victimes et qui oeuvrent pour le pardon", explique le cinéaste.

En début d'année, "Yalda, la nuit du pardon" a obtenu le Grand Prix du Jury au Festival de Sundance aux Etats-Unis.

Propos recueillis par Rafael Wolf

Adaptation web: Lara Donnet

"Yalda, la nuit du pardon", à voir sur les écrans romands dès le 21 octobre 2020.

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