"Le seigneur des Anneaux", la trilogie mythique de Peter Jackson

Grand Format

AFP - New Line Cinema / WingNut Films / Collection ChristopheL

Introduction

Avec son adaptation du roman de J.R.R. Tolkien, Peter Jackson réussit au début des années 2000 une épopée au souffle héroïque qui fait irrémédiablement entrer le cinéma dans la modernité du 21e siècle.

Chapitre 1
Un pari fou

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Sorti au milieu des années 1950, le roman "Le Seigneur des Anneaux" ("The Lord of Rings") de l'écrivain anglais J.R.R. Tolkien est une épopée qui questionne les mythologies nordiques, germaniques et la légende arthurienne. Qui convoque des nains, des elfes, des magiciens, des Hobbits, des hommes, des orques, et le Seigneur des Ténèbres.

Pendant très longtemps, cet ouvrage fait figure de roman inadaptable. Mais le réalisateur Peter Jackson relève le pari fou d’en faire une trilogie cinématographique.

Etalée sur trois Noëls, de 2001 à 2003, la sortie du "Seigneur des Anneaux" est un événement sans précédent. Le film marque l’histoire du cinéma, par son tournage gigantesque et par ses effets digitaux.

Caressant le sublime, une aura de mélancolie plane sur les films. Car le cœur de la trilogie ne se situe pas dans les scènes de bravoure et de batailles, mais bien dans les questionnements des individus, placés dans des situations impossibles. Le courage, l’amitié, le sacrifie de soi, prégnants chez Tolkien, sont traduits à l’écran avec une minutie de détails rarement égalée.

A la sortie de chacun des trois films, le fracas médiatique mondial est à la démesure de l’événement. La saga de Peter Jackson remporte 17 Oscars et rapporte plus de 3 milliards de dollars.

C'est principalement au premier des films de la trilogie "La Communauté de l’Anneau", "The Fellowship of the Ring" que nous nous intéressons ici.

Chapitre 2
Tolkien et "Le Seigneur des Anneaux"

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Un Anneau pour les gouverner tous, un Anneau pour les trouver. Un Anneau pour les amener tous et dans les ténèbres les lier.

J.R.R. Tolkien in "Le Seigneur des Anneaux"

John Ronald Reuel Tolkien (1892-1973) est un fin lettré. C'est un homme fasciné par les langues - il en invente plusieurs - qui se passionne pour le folklore islandais, les mythologies scandinaves, les Nibelungen. Après des études à Oxford, comme tous les Anglais bien nés, il se rend en Suisse. Il ne le sait pas encore, mais ce voyage va profondément inspirer son œuvre littéraire.

A l’automne 1911, il déambule ainsi entre Interlaken et Sion, expérimente la marche en montagne, la nuit dans les bergeries, les orages titanesques, les chutes de pierre. Les sommets alpins, les lacs, les vallées helvètes serviront de décors à son imaginaire. La vallée cachée de Rivendell, Fondcombe en français, se calque sur celle du Lauterbrunnen.

A cette inspiration paysagère, se calquera bientôt l’expérience de la guerre. Tolkien est envoyé en France. Dans les tranchées de la Somme, il est officier de liaison. La guerre de 14-18 est une boucherie innommable. Malade, il est renvoyé en Angleterre en 1916 et termine la guerre entre hôpitaux et arrières-postes. Il se met alors à écrire.

En 1914, il commence "Le Silmarillion" qui sera publié à titre posthume en 1977, base mythologique des lexiques elfiques et merveilleux et "Le Livre des Contes perdus" aussi publié à titre posthume dans les années 1980.

Après la Première Guerre mondiale, il termine ses études à Oxford et devient professeur d’anglo-saxon, père de famille, tout en maintenant une activité parallèle d’écrivain.

Il s’immerge alors dans les terres imaginaires qu’il est en train d’inventer. Au cœur de l’été 1930, Tolkien corrige des copies. Un étudiant a étoffé son dossier en y glissant une page blanche. Tolkien écrit alors sur la feuille vierge: "Au fond d’un trou vivait un Hobbit".

C’est ainsi que démarre "Le Hobbit", ce bref roman pour enfants, qu’il met sept ans à écrire. Sur l’insistance d’une de ses étudiantes, le professeur montre son Hobbit à un éditeur. Le livre sort en 1937.

Le succès est immédiat, à peine freiné par la Seconde Guerre mondiale. Son éditeur lui commande d’autres livres. Il démarre l’écriture du "Seigneur des Anneaux", un récit qui prend place dans un immense corpus de textes sur lesquels on ne s'attardera pas.

L'écrivain J.R.R. Tolkien. [HO/AFP]
L'écrivain J.R.R. Tolkien. [HO/AFP]

Chapitre 3
Un symbole de contre-culture

WingNut Films / New Line Cinema / Collection ChristopheL/AFP

En 1954, le premier tome de la trilogie du "Seigneur des Anneaux" paraît, donnant une ampleur historique aux Hobbits et relançant la fantasy.

Cette saga raconte l'histoire de Frodon Saquet. Cet Hobbit - un peuple d'hommes de petite taille habitants la Terre du Milieu - reçoit un jour de son oncle Bilbo un anneau particulier qui confère l’invisibilité à son porteur. C’est l’anneau de Sauron, un anneau unique, maléfique, forgé par le Seigneur des Ténèbres, au cœur du Mordor. Lorsque le magicien Gandalf le Gris s’en aperçoit, il explique que cet anneau doit être détruit au plus vite pour empêcher la Terre du Milieu de tomber sous la domination de Sauron.

Gandalf forme alors une communauté de gens de bien autour de Frodon. Une communauté de l’anneau composée de quatre Hobbits, d’un nain, d’un elfe, d’un magicien et de deux hommes. Leur mission: accompagner et protéger le Porteur dans sa quête jusqu’au Mordor, là où l’objet maudit fut forgé et pourra être détruit. Mais l’anneau, doté d’une vie propre et de pouvoirs incroyables déchaîne les passions et l’ombre de Sauron s’étend de plus en plus sur la Terre du Milieu.

Ce roman ne décrit pas qu’une lutte manichéenne entre le bien et le mal. Tolkien s’attache à donner à ses personnages une complexité rarement égalée dans le genre. Il les place en permanence dans le doute, ils expérimentent la faiblesse, l’échec, la lâcheté, la vanité, mais aussi le courage. Il souligne leur humanité. En somme, c’est une histoire fantasmée d’hommes sans qualités, mis en situation de devoir se dépasser eux-mêmes. Et c’est sans doute ce qui explique en partie le succès phénoménal du livre.

Dans les années 60, le livre paraît en format poche, et là, en pleine déferlante hippie et psychédélique, il trouve son public et devient culte. Le livre et ses personnages sont des symboles d’insoumission, de révolte. On salue leur esprit combatif. On célèbre leur état de nature. Leurs noms sont repris et véhiculés par les étudiants, les manifestants. On voit des badges et des emblèmes portant l’inscription "Gandalf président", ou des posters avec des formules du type: "Back to Middle Earth", "Retour à la Terre du milieu".

"Le Seigneur des Anneaux" imprègne même la musique. Un groupe psychédélique progressif s’appelle Gandalf, d’autres font des albums concepts inspirés du "Seigneur des Anneaux". Marc Bolan et son groupe T-Rex vouent une passion infinie à Tolkien, ses premiers disques fourmillent de références. Même chose chez Led Zeppelin.

Au moment de la guerre du Vietnam, les soldats partent au front, le livre planqué dans leur paquetage. En Amérique, les personnages du "Seigneur des Anneaux" sont vus comme des héros luttant contre le pouvoir. On met en avant leur révolte et leur courage.

En France, le livre n’est publié qu’au début des années 70 par un tout jeune éditeur Christian Bourgois. La trilogie s’ancre dans l’imaginaire collectif et devient le symbole de la contre-culture. Les générations de lecteurs se multiplient. Ils sont des millions à avoir lu Tolkien.

Georges Lucas, en pleine gloire de "Star Wars" avoue même qu'il s'est inspiré du cheminement et de l’essence de Tolkien.

Chapitre 4
Une adaptation cinématographique impossible?

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"Le Seigneur des Anneaux", c'est aussi l’histoire d’une adaptation impossible. Du vivant de Tolkien, des producteurs américains ont tenté de le convaincre. Mais il refuse. Pas parce qu’il n’aime pas le cinéma, mais juste parce que ça l’indiffère.

Seule la BBC qui veut transformer le livre en pièce radiophonique trouve écho auprès de lui. Il ne sera donc plus question de films jusqu’à sa mort en 1973. Et ce, même si les rumeurs les plus folles circulent, comme en 1967, avec Stanley Kubrick qui aurait voulu transformer les Beatles en Hobbits.

La première véritable tentative de porter le livre à l’écran date de 1976. Saul Zaentz, qui a produit "Vol au-dessus d’un nid de coucou" de Milos Forman, achète les droits aux héritiers. Son idée est intéressante: il veut mêler animation et fiction traditionnelle au sein d’un même film. "Le Seigneur des Anneaux" est mis en branle. La réalisation en est confiée à Ralph Bakshi le dessinateur de "Fritz the Cat". Mais c’est un flop. On abandonne.

John Boorman se lance à son tour et se prend les pieds dans son script avant de se rabattre sur la légende arthurienne avec "Excalibur". Ron Howard ne va pas si loin, se contente de "Willow". Personne ne semble alors pouvoir adapter "Le Seigneur des Anneaux" à l’écran.

>> A écouter: L'émission "Travelling" consacrée au film :

Le seigneur des anneaux. 
WingNut Films/New Line Cinema/Collection ChristopheL
AFP [WingNut Films/New Line Cinema/Collection ChristopheL]WingNut Films/New Line Cinema/Collection ChristopheL
Travelling - Publié le 8 juillet 2022

Il faut attendre 1995. Un dimanche, le réalisateur néo-zélandais Peter Jackson et sa femme Fran Walsh devisent gaiement de leur avenir cinématographique. La conversation revient sans cesse sur "Le Seigneur des Anneaux". Peter Jackson l’a dévoré à 17 ans. Depuis il n’a jamais cessé de fantasmer sur le film somptueux qu’on pourrait en tirer. Et pourquoi pas? se disent-ils? Qui a les droits?

Ils contactent le producteur Paul Zaentz qui détient les droits. Mais l’option sur le livre tombera bientôt dans l’escarcelle des héritiers de Tolkien qui protègent férocement l’œuvre du père. Il faut faire vite. Chance inespérée, à cette époque, Zaentz planche sur l’adaptation du "Patient Anglais" chez Miramax avec qui Jackson est sous contrat.

Paul Zaentz et Harvey Weinstein, le patron de la maison de production, tombent d’accord, ils sont partants pour l’aventure; un film de trois heures, pas une minute de plus. Mais Jackson refuse. Il y a trois livres, il fera trois films. Les trois films de sa vie.

Zaentz et Weinstein lui donnent trois semaines pour trouver d’autres associés. Jackson commande en urgence à ses copains de la société WETA un cinématique, une sorte de story-board animé, avec lequel il débarque dans le bureau du producteur de New Line, Bob Shaye. Epaté, ce dernier tient le pari. Sa condition: les films devront être tournés simultanément, les trois en même temps, un défi hallucinant.

Le scénario - trois livres, 1'000 pages - se résume à un premier jet de 90 pages rédigé avec Fran Walsh. Peter Jackson fait appel à une amie écrivaine, Philippa Boyens. Elle est une érudite du "Seigneur des Anneaux". Pendant plus de deux ans, le trio lit 100 fois les livres, en cherche l’âme, la quintessence. Ils font des choix drastiques. On conserve la langue de Tolkien luxuriante, ainsi que les langues qu’il a inventées. Entre eux les Elfes parleront l’elfe et les nains, la langue des nains. Le public américain devra apprendre à lire les sous-titres. Pas évident.

Pour autant, Jackson n’envisage pas le film comme une œuvre fantastique, une féérie rutilante. C’est un monde sale, dur. Tout, même l’impossible, doit être crédible. Le cinéaste capte l’essence de la saga. Le premier tome du roman, "La communauté de l’Anneau", repose sur un univers en perdition. Tout va basculer. Une chape de plomb recouvre l’action. Hollywood résiste. Mais Jackson se pose en défenseur de Tolkien. D’emblée, il inscrit son film dans la tragédie.

Une bataille du "Seigneur des Anneaux. La communauté de l'anneau". [AFP - WingNut Films / New Line Cinema / Collection ChristopheL]
Une bataille du "Seigneur des Anneaux. La communauté de l'anneau". [AFP - WingNut Films / New Line Cinema / Collection ChristopheL]

Pendant ce temps-là, dès qu’ils ont vent d’une adaptation cinématographique du roman, les fans s’agitent. Les gardiens de Tolkien bombardent la production de questions angoissées ou de mises en garde. Qui jouera Gandalf le Gris? Le terrible Sauron ? "Le Seigneur des Anneaux" en personne sera-t-il le clone de Dark Vador? Et les Hobbits, des créatures numériques ou des êtres humains? Et les dialogues? Et le mythe?

Des sites plus ou moins farfelus se multiplient, proposant des infos soi-disant exclusives ou des pétitions, car le réalisateur a éliminé tel ou tel personnage, chant ou poème. New Line met en place une hot line, des forums. Le cinéaste, ou plutôt son équipe, insistent régulièrement sur le fait que le film est seulement une interprétation du livre.

Peter Jackson écrit finalement pour rassurer tout le monde, même si ça ne rassure personne: "je préfère décrire la trilogie comme un film d’histoire. Imaginez quelque chose qui aura la vraisemblance de 'Braveheart' avec un peu de la magie visuelle de 'Legend' ".

Chapitre 5
Un magnifique panorama sonore

NOTIMEX/FOTO/GUSTAVO DURÁN/GDH/ACE/AFP

Au moment de commencer le travail sur le script du "Seigneur des Anneaux", Peter Jackson et son équipe filment un story-board d’animation. En regardent les images s’animer, les personnages évoluer, ils écoutent la BO du "Silence des agneaux" de Jonathan Demme sur une scène, et la BO de "La Mouche" de David Cronenberg sur une autre. Et à la surprise de tous, la BO de "La Mouche" fonctionne particulièrement bien avec l’univers de Tolkien.

Peter Jackson empoigne son téléphone et appelle immédiatement Howard Shore, le compositeur. Les deux hommes ne se connaissent pas. Jackson évoque son projet. Howard Shore s’emballe. Il adore les romans de Tolkien. L’aventure musicale peut commencer.

Howard Shore compose un magnifique panorama sonore répondant aux paysages inventés par Tolkien. Pour travailler, il s’immerge dans le monde de l’auteur anglais. Il relit le livre, attentivement, puis le script, se met à la recherche d’éléments historiques, pour entrer en immersion avec le sujet. Ensuite il internalise l’œuvre, ses idées, ses émotions et puis se met à rêver.

Je pense que la musique que j’ai composée était fidèle à Tolkien et sincère. Ça venait du cœur. Et je crois que ça a parlé et continue de parler aux gens qui aiment les livres et les films du 'Seigneur des Anneaux'.

Howard Shore, compositeur de la BO du "Seigneur des Anneaux"

Howard Shore compose 12 heures de musique et s’occupe des arrangements. Il tisse l’univers de Tolkien de sonorités celtiques, nordiques, une musique qui oscille entre mélancolie, héroïsme, attaques, amour, haine. Le compositeur s’amuse, fait appel à une chorale de chanteurs polynésiens pour le thème de la Moria, introduit des instruments indiens et africains pour Lothlorien, le monde hors du temps et préservé des elfes.

Il enregistre à Londres, avec l’Orchestre Philharmonique et adaptera même son œuvre en une symphonie de deux heures jouée, depuis, régulièrement partout dans le monde.

Chapitre 6
Trois films entièrement tournés en Nouvelle-Zélande

New Line Cinema / WingNut Films / Collection ChristopheL/AFP

Reconstituer le monde de Tolkien avec sa géographie, son architecture et ses habitants, se révèle être un défi artistique vertigineux. Peter Jackson n’ergote pas et retourne à la source. Il fait appel aux illustrateurs, les détenteurs historiques du patrimoine visuel de l’univers de Tolkien, le Canadien John Howe qui vit en Suisse et l'Anglais Alan Lee.

>> A voir: John Howe raconte son travail d'illustrateur sur le film (archive RTS, émission ZigZag Café, janvier 2002) :

John Howe
Zig zag café - Publié le 10 janvier 2002

Ils ont carte blanche. "Si vous pouvez dessiner l’univers, clame le réalisateur, nous pouvons le réaliser". En quelques milliers d’esquisses, et une année de travail en Nouvelle Zélande, John Howe et Alan Lee cartographient la totalité de la Terre du milieu, ses êtres vivants et morts-vivants.

Au moment de passer au casting, Internet s’affole à nouveau. Les rumeurs courent. Des enfants joueraient les Hobbits, Sean Connery jouerait Gandalf, et on retrouverait Ethan Hawke et Uma Thurman. Mais Jackson ne dit rien. Sauf qu’il veut des acteurs anglais pour les Hobbits.

Il déroge toutefois très vite à sa propre règle en voyant une cassette vidéo que lui envoie Elijah Wood. Le comédien américain a engagé un coach pour prendre l’accent anglais et revêtu d’oreilles pointues s’en est allé galoper dans les forêts au-dessus d’Hollywood, jouant une des scènes où Frodon porte l’anneau. Il sera donc Frodon.

A côté de lui, on engage Viggo Mortensen, Ian McKellen, Liv Tyler, Sean Bean, Christopher Lee, Orlando Bloom, Ian Holm et Cate Blanchett et tant d’autres encore.

Le réalisteur Peter Jackson sur le tournage du Seigneur des anneaux avec l'actrice Liv Tyler. [New Line Cinema / WingNut Films / Collection ChristopheL/AFP]
Le réalisteur Peter Jackson sur le tournage du "Seigneur des Anneaux" avec l'actrice Liv Tyler. [New Line Cinema / WingNut Films / Collection ChristopheL/AFP]

Peter Jackson leur donne une seule directive: soyez naturel. Il tient à ce que ce film ait l’air d’être la réalité. Il veut créer une passerelle entre le bizarre et le normal. Les comédiens apprennent l’elfique et la langue des nains.

Peter Jackson décide de tourner entièrement ses trois films dans son pays natal, la Nouvelle-Zélande, au milieu de magnifiques paysages à la limite du surnaturel.

Le 11 octobre 1999, après avoir fait bénir le plateau par une tribu maorie, le réalisateur embarque 114 comédiens et plus de 20'000 figurants dans l’aventure du "Seigneur des Anneaux". Le cinéaste explique à ses comédiens où se poser, comment agir, se tenir. Lui seul voit l’entier du film dans sa tête. On tourne les trois films en même temps, le plus possible hors des studios. Les montagnes, les lacs, les rivières, les prairies et les bois de Nouvelle-Zélande sont mis à contribution.

Peter Jackson sur le plateau de tournage du "Seigneur des anneaux". [WingNut Films / New Line Cinema / Collection ChristopheL/AFP]
Peter Jackson sur le plateau de tournage du "Seigneur des anneaux". [WingNut Films / New Line Cinema / Collection ChristopheL/AFP]

100 décors sont montés, dont Hobbitbourg, le village des Hobbits. On le construit un an avant le début du tournage pour laisser pousser la végétation. 48'000 objets et création divers sont conçus par cinq départements, notamment 10'000 prothèses et maquillages faciaux, 25’000 armes, 1’000 armures, 25’000 costumes, 10'000 arcs. Au plus fort de la production, 200 litres de latex sont utilisés chaque jour à la confection des maquillages et il faut découper une barre creuse en métal d’un total de 15 km de long pour obtenir 12 millions et demi d’anneaux indispensables à l’assemblage des cottes de mailles. C’est à l'atelier Weta Workshop, dirigé par Richard Taylor, que tout cela est confié.

Le design des décors, des costumes et des accessoires se base principalement sur les illustrations de John Howe et Alan Lee. On construit aussi des routes, des logements, des cantines, on multiplie les caméras et c’est parti. L’armée est réquisitionnée, le projet devient national, cinq plateaux tournant en permanence.

>> A voir: L'illustrateur John Howe évoque le décor du "Seigneur des Anneaux" et le personnage de Gandalf (archive RTS, émission ZigZag Café, janvier 2002) :

John Howe (2)
Zig zag café - Publié le 10 janvier 2002

Le tournage baigne dans une ambiance à la fois laborieuse et drôle. Tout le monde, acteurs, techniciens, figurants restent sur le plateau. Pour chacun, leur monde est devenu cette Terre du milieu. C’est leur unique sujet de conversation. Le livre de Tolkien devient la bible de toute l’équipe. Chacun s’y réfère.

À chaque fois qu’il tourne une scène, Peter Jackson la relit juste avant, et ceux qui jouent dedans aussi. Ainsi Ian McKellen qui joue Gandalf fait coudre à l’intérieur de son manteau une poche, histoire d’y glisser un exemplaire de son roman. Seule la météo les met dans les situations les plus difficiles. On se bat sous la pluie et dans la boue. Les acteurs y perdent parfois des dents. On les colle le temps de finir la scène.

>> A voir: L'illustrateur John Howe évoque les scènes équestres du film (archive RTS, émission ZigZag Café, janvier 2002) :

John Howe (3)
Zig zag café - Publié le 10 janvier 2002

La postproduction du premier épisode effectué par Weta Digital, demandera encore une année entière.

Chapitre 7
17 Oscars et de nombreux prix

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La première mondiale du "Seigneur des Anneaux. La Communauté de l'Anneau" a lieu à l'Odeon Leicester Square de Londres le 10 décembre 2001. La foule est présente en masse. L’équipe du film rayonne. A Wellington, en Nouvelle-Zélande, pour la Première nationale, on ferme le centre-ville à la circulation tout l’après-midi. Un tapis rouge de 470 mètres est déroulé jusqu’à l’entrée du cinéma tandis que la rue est bordée d’affiches hautes de 8 étages.

Peter Jackson, l’enfant prodige du pays, arrive ainsi que toute l’équipe du film. Ils défilent dans des vieilles décapotables des années 50. Il y a des figurants costumés, et un Boeing 747 décoré des visages de plusieurs héros du film qui passe en rase-mottes. C’est un triomphe. Partout dans le monde.

La critique est dans l’ensemble assez positive. Certains reprochent toutefois à Peter Jackson une adaptation un peu trop littérale de l’œuvre. Il y a les critiques qui adorent et encensent le film. D’autres qui le démontent.

"De Peter Jackson", écrivent les cahiers du cinéma en janvier 2002, "on attendait autre chose que cette bouillie visuelle, déroulant sans aucune ossature dramatique une imagerie numérique usée jusqu’à la corde. S’y croisent indifféremment les effets de flûtes de Titanic, le village des Schtroumpfs, le rococo gothique d’Excalibur de Boorman, et un tintamarre musical approximatif. Tolkien fait office de sottise messianique grandiloquente".

Mais les critiques n’ont jamais empêché le succès. Le public est là. Le film engrange, à lui tout seul, 872 millions de dollars au box-office mondial. Et ce n’est que le premier de la trilogie.

En 2002, le film gagne une pléthore de prix, des Batfa, des Hugo Awards, les Oscars de la meilleure musique, meilleure photographie, meilleur maquillage et meilleurs effets visuels.

En tout, la triologie remportera 17 Oscars dont, le plus réputé, celui de meilleur film, en 2004 pour "Le retour du roi".

Peter Jackson et l'équipe du film "Le Seigneur des Anneaux" lors des Oscars 2004. [Keystone - Mark J. Terrill]
Peter Jackson et l'équipe du film "Le Seigneur des Anneaux" lors des Oscars 2004. [Keystone - Mark J. Terrill]

Dans son discours, Peter Jackson remercie notamment la Nouvelle-Zélande. Pourtant c’est la Nouvelle-Zélande qui devrait remercier Peter Jackson.

Grâce aux films, les touristes affluent sur l'île. Ils arpentent les lieux de tournage, escaladent les montagnes, traversent les rivières. On note une augmentation de 40% du tourisme en Nouvelle-Zélande. Une manne inespérée pour ce pays qui accueille depuis de nombreux autres tournages.

Après le triomphe du "Seigneur des Anneaux", Peter Jackson adaptera "Le Hobbit", en trois films dès 2012. Bien moins réussis et trop longs, la sauce prend moins.

Tant pis. Reste "Le Seigneur des Anneaux", une trilogie devenue mythique.

L'acteur Orlando Bloom dans "Le Seigneur des Anneaux". [New Line Cinema / WingNut Films / Collection ChristopheL/AFP]
L'acteur Orlando Bloom dans "Le Seigneur des Anneaux". [New Line Cinema / WingNut Films / Collection ChristopheL/AFP]