A 700 kilomètres des côtes chiliennes s'étend l'île authentique de Robinson Crusoé, celle du marin débarqué en 1704 pour insubordination et dont le destin a inspiré le célèbre best-seller de Daniel Defoe. Cette île de l'archipel Juan Fernandez où un aristocrate bernois a choisi de s'exiler au XIXe siècle.
Alfred von Rodt, fatigué de la guerre et des bonnes manières, arrive en 1877 avec quinze familles prêtes à fonder une micro société. Le baron devient alors gouverneur d'une île sauvage et aride, aujourd'hui occupée par ses descendants.
C'est là que le réalisateur vaudois Stéphane Goël a planté ses caméras durant deux mois. Et qu'il a vécu au rythme de l'île avec ses 800 habitants.
"Ces cousins éloignés nous tendent un miroir"
Sur ce bout de terre de 40 km2, seuls deux sont habitables. Une autarcie qui ouvre à toutes les métaphores sur le rêve d'une société idéale, ses limites aussi. Le peu d'espace viable et le peu de ressources ont créé un esprit de fermeture qui permet des extrapolations sur la réalité de la Suisse, petit îlot au milieu de l'Europe.
"Dans un monde où les frontières se dressent toujours plus hautes, la façon dont les habitants de Robinson Crusoé expriment leur identité et leurs droits soulève des questions morales très contemporaines", estime Stéphane Goël sur la RTS.
"Ces cousins éloignés nous tendent ainsi un miroir et nous rappellent peut-être, à nous Suisses plus qu'à d'autres, que l'île et l'insularité sont aussi des constructions culturelles", ajoute le cinéaste.
Mathieu Amalric en fantôme du baron
Dans "Insulaire", les textes d'Antoine Jaccoud – inspirés des lettres écrites par le baron von Rodt avant sa mort en 1905 – ponctuent les images de Stéphane Goël, par la voix du comédien Mathieu Amalric, fantôme de l'aristocrate, insulaire pour l'éternité.
Quant à l'île, le tsunami de 2010, par la reconstruction, a ouvert la voie à d'autres populations, les "Plasticos", ceux qui ont amené le plastique sur ce territoire. Et qui ont su s'y intégrer.
Isabelle Gonet