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"Doubles Vies" d'Assayas, comédie brillante sur l'ère numérique

L'affiche du film "Doubles vies". [DR]
"Doubles Vies", d'Olivier Assayas, comédie brillante sur l'ère numérique / Nectar / 24 min. / le 15 janvier 2019
Avec "Doubles Vies", son nouveau long-métrage, Olivier Assayas signe une première comédie très réussie. Le film, qui réunit Juliette Binoche, Guillaume Canet et Vincent Macaigne, sort mercredi sur les écrans.

Tout commence par un auteur (Vincent Macaigne) dont le manuscrit est refusé par son éditeur (Guillaume Canet). Mais contrairement aux apparences, le nouveau film d’Olivier Assayas, "Doubles Vies", n’est pas une énième comédie franco-française et vaudevillesque sur les tribulations d’un écrivain en mal d’inspiration. Il s’agit d’une réflexion fébrile et passionnante sur notre monde à l’ère numérique, un monde en pleine mutation.

Le monde numérique fait rire et fait débat

Et si le livre venait à disparaître? Les tweets sont-ils les haïkus d’aujourd’hui? Que faire quand les réseaux sociaux s’enflamment? Autant de questions ouvertes dont ne cessent de débattre les cinq personnages de "Doubles Vies", un film composé de scènes dialoguées, longues mais nerveuses, le plus souvent dans des lieux clos.

"Doubles Vies" s’est écrit par étapes. Le cinéaste français s’est essayé à beaucoup de genres – pour faire court, de la semi-autobiographie ("L’Eau froide", "Après Mai"), au film en costumes ("Les Destinées sentimentales") en passant par le film de fantômes ("Personal Shopper"). Jamais encore il ne s’était essayé à la comédie.

Un questionnement porté par des acteurs virtuoses

"J’avais depuis longtemps à l’esprit un personnage d’éditeur qui se pose des questions sur les transformations de son métier, explique Olivier Assayas. J’ai écrit cette première scène et j’ai eu beaucoup de plaisir à le faire. Mais je la trouvais interminable et je ne voyais pas du tout comment elle pourrait s’intégrer dans un film. Je l’ai laissée de côté très longtemps, puis j’y suis revenu. Je me suis rendu compte que j’aimais ces deux personnages. J’ai continué à écrire et c’est durant ce processus que je me suis rendu compte que cela ressemblait à une comédie."

Avec les deux garçons susmentionnés, Juliette Binoche, Nora Hamzawi et Christa Théret forment un quintet d’acteurs virtuoses dont les relations, comme les questionnements, se réinventent à chaque scène. "Je revendique un film d’idées, qui invite le spectateur à se positionner. J’aimais le fait que le débat puisse se poursuivre au-delà du film."

Le livre, cet objet millénaire

Olivier Assayas aurait pu s’intéresser au monde du cinéma. Il a choisi le livre, "ce pilier de nos civilisations". Un symbole bien plus fort que le cinéma, un art jeune et une industrie. "L’accélération des technologies, l’intelligence artificielle et l’évolution folle de la génétique participent de la transformation de l’expérience humaine, explique Olivier Assayas. On est en train de basculer dans un nouveau monde. Cela me passionne. On lutte avec nous-mêmes pour trouver nos limites éthiques et morales."

Texte: Raphaële Bouchet/mp

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"Je n’ai aucun désir pour les séries"

Après "L’Heure d’été" et "Sils Maria", Juliette Binoche retrouve Olivier Assayas, qui lui offre cette fois-ci un rôle d’actrice de série lassée par son job. Manière ô combien ironique d’inclure dans le propos du film ce genre télévisuel qui serait le grand concurrent du cinéma.

"Je n’ai aucun désir pour les séries, explique le cinéaste. Comme j’ai réalisé "Carlos", une mini-série qui a eu du succès, j’ai beaucoup de pressions et de demandes. Mais je n’ai aucune envie d’y répondre. Les séries sont à la mode parce qu’elles sont infiniment plus lucratives que le cinéma. Mais à l’ère des séries, cela me passionne bien plus de questionner ce qu’est le cinéma. (…) Le pari de mon film, "Doubles Vies", c’est de faire confiance à l’exigence du public. Sans s’engouffrer dans la caricature, la télévision se fonde souvent sur le mépris du public. On le dit pas assez sophistiqué pour comprendre, demandeur de choses simples, etc. J’ai un rapport inverse au public. Je pense que les gens ont une acuité et une intelligence. Le public m’intimide. Mon souci est d’être à la hauteur de son regard. Je pense que le cinéma peut être basé sur une forme d’exigence intellectuelle, morale et un sens de la beauté."