Tous les enfants, petits et grands, auront dû patienter plus de cinquante ans pour que l'inimitable silhouette au parapluie se profile à nouveau dans le ciel de Londres. La raison de ce long intervalle tient essentiellement à une irréductible divergence de point de vue entre les studios Disney et la créatrice du personnage, l'écrivaine Pamela L.Travers, fort peu sensible au culte dont le film de Robert Stevenson a fait, et fait encore, l'objet.
L'esprit Disney n'a jamais plu à la créatrice du personnage
Ceux qui ont vu le film "Dans l'ombre de Mary" avec Emma Thomson (2013), connaissent les tractations homériques entre Walt Disney et l'incorruptible écrivaine australienne autour de l'adaptation de "Mary Poppins".
Or, le résultat - un triomphe et une avalanche de récompenses, dont un Oscar pour Julie Andrews - ne l'a jamais convaincue. Pour elle, la version proposée par Disney aura définitivement dénaturé la
D'autres mondes, d'autres temps existent par-delà les mondes et les temps que nous connaissons. Tous sont vrais, tous sont réels, et, comme le savent les enfants, tous s'interpénètrent.
personnalité de son énigmatique nurse et édulcoré la dimension initiatique de ses aventures.
D'autres mondes, d'autres temps existent par-delà les mondes et les temps que nous connaissons. Tous sont vrais, tous sont réels, et, comme le savent les enfants, tous s'interpénètrent.
L'écrivaine s'est par la suite montrée intraitable à toute nouvelle sollicitation du cinéma. Il faudra donc attendre la fin inespérée de cet embargo, longtemps entretenu par ses héritiers, pour qu'un réalisateur soit enfin autorisé à puiser à nouveau dans les huit tomes consacrés à Mary Poppins.
C'est à Rob Marschall, réalisateur rompu aux comédies musicales ("Chicago"), qu'est donc revenu l'honneur de s'atteler à ce projet. "Les livres sont plutôt une suite de péripéties sans rapport entre elles, explique-t-il. Du coup, nous avons emprunté un peu dans tous les romans pour créer notre propre histoire".
Un merveilleux retour dans un ciel assombri
Pour les enfants Banks l'attente n'aura duré que vingt-cinq ans, le temps pour Michael et Jane de devenir adultes et parents à leur tour. Cette fois, c'est dans un ciel londonien assombri par la Grande Dépression des années 30 que le vent tourne à l'est, et qu'au 17 de l'allée des Cerisiers s'annonce le grand retour. Cette fois l'arrivée salvatrice est motivée par les malheurs qui s'abattent sur eux. Un contexte plus tendu et mélancolique, en résonance avec notre époque.
Aujourd'hui plus que n'importe quand nous avons besoin de cet électrochoc d'espoir qu'est Mary Poppins.
Ce come-back cinématographique aurait-il trouvé grâce aux yeux de Pamela L.Travers? On peut en douter, car les chorégraphies étincelantes, la magie des chansons et l'inventivité visuelle relèguent toujours à l'arrière-plan le caractère initiatique des ouvrages. Cependant, Emily Blunt s'est volontairement beaucoup inspiré du personnage initial et de son caractère bien trempé, mettant ainsi mieux à jour ses caractéristiques de super-héroïne.
Ce personnage est une contradiction ambulante. Elle a un grand sens pratique, mais en même temps, elle a un côté fantastique, car c’est une super-héroïne. Elle est pleine de surprises, énigmatique, drôle et sévère à la fois. Jouer là-dessus s’est avéré joyeux et complexe, il me fallait être à la fois pleine d’empathie, responsable, et aventureuse comme une enfant.
Un choix judicieux de l'actrice britannique pour aborder la lourde tâche de succéder à Julie Andrews qui, pour un large public "est" tout simplement Mary Poppins. Aujourd'hui âgée de 83 ans, la star était parfaitement consciente de cet enjeu majeur du film. Sollicitée pour une participation, elle a eu l'immense élégance de décliner la proposition afin ne pas risquer de voler la vedette à sa jeune consoeur.
Dick van Dyke présent dans les deux films
Le film se savoure aussi par des apparitions prestigieuses, notamment celles de Meryl Streep, Angela Lansbury (93 ans), Julie Walters ou encore Colin Firth, et surtout celle de Dick Van Dyke, l'inoubliable Bert du premier film âgé aujourd'hui de 92 ans. Une participation qui ne manquera pas d'émouvoir les fans de la première heure.
Difficile donc d'être plus attendu que Mary Poppins. Aussi, même si certains trouveront Julie Andrews irremplaçable ou cette version plus impressionnante et moins émouvante que le vénéré film de 1964, son retour devrait sans aucun doute enchanter un très large public.
Sujet traité dans le débat cinéma de "Vertigo"
Rédaction web: Manon Pulver