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"Une affaire de famille", cette merveilleuse Palme d’or japonaise

Le film "Une affaire de famille", du Japonais Hirokazu Kore-eda, a remporté la Palme d'or au festival de Cannes en 2018. [DR]
Cinéma: "Une affaire de famille", palme d'or à Cannes sort sur les écrans / Vertigo / 5 min. / le 11 décembre 2018
Le très prolifique Hirokazu Kore-eda, cinéaste de l'enfance, livre l’un de ses plus beaux films. Palme d'or au dernier festival de Cannes, "Une Affaire de famille" sort en salle mercredi 12 décembre.

L’enfance, la famille, les liens de cœur et les liens du sang. Ces thèmes traversent la plupart des films du Japonais Hirokazu Kore-eda ("Nobody Knows", "Tel père tel fils", "Notre petite sœur"), toujours éblouissants de simplicité et de délicatesse.

Cette fois-ci, c’est une petite fille qui, maltraitée par sa famille, est kidnappée par ceux qui vivent à quelques mètres de chez elle. On est loin, cependant, du polar à suspense avec enquête policière et demande de rançon. Car la petite fille se sent bien dans sa nouvelle famille. Et le spectateur de découvrir que ni la grand-mère ni les parents ni le petit garçon ne partagent de liens de sang. C’est une famille dont les membres se sont choisis.

>>> A regarder, la bande-annonce de "Une Affaire de famille":

Qu’est-ce qui compose une vraie famille? Quelle est la valeur des liens du sang? Kore-eda travaille ces questions depuis longtemps. Il y trouve une explication dans sa propre enfance. "Mon père a grandi sans avoir de relation très proche avec son propre père, et pour cette raison, il n’a jamais vraiment su quelle distance garder avec moi. Il y a beaucoup de points communs entre l’histoire du jeune garçon dans "Une affaire de famille" et ce que j'ai moi-même vécu dans ma propre enfance", dit le cinéaste.

Dimension sociale et politique, mais jamais morale

Jamais Kore-eda ne juge ses personnages qui se disent "liés par l’argent" et vivent dans l’illégalité. La dimension politique du film est évidente, jamais surlignée. Avec son habituelle douceur, Kore-eda porte un regard cinglant sur la société contemporaine, qui n’offre rien aux plus pauvres et les méprise – ainsi ce fonctionnaire qui déplie soigneusement son mouchoir avant de s’asseoir sur une marche d’escalier de la maison sans doute trop sale à ses yeux.

Un film qui dérange

On a pu lire que le gouvernement japonais n’aurait que peu goûté au talent du cinéaste palmé d’or à Cannes. Rencontré à Paris, où il tourne son prochain film avec Catherine Deneuve, Kore-eda estime que toute cette affaire, c’était beaucoup de bruit pour pas grand-chose. "Ce n’est pas que le gouvernement n’a pas apprécié mon film. En fait, généralement, quand quelqu'un dans le monde du cinéma reçoit un prix à l'étranger, le Premier ministre actuel, pour augmenter sa cote de popularité, appelle les lauréats au téléphone, il les invite à sa résidence officielle et prend des photos avec eux."

A la remise de la Palme d’Or, le Premier ministre n'a tout simplement pas réagi.

A aucun moment il n'a exprimé de critique négative et le gouvernement ne s'est jamais prononcé directement sur le film.

Hirokazu Kore-eda, cinéaste japonais

Le film a-t-il dérangé par son aspect social, par le fait qu’il parle des oubliés, de ceux qui n’ont droit à aucune couverture sociale? "Pour les Japonais qui voudraient croire qu'il n'y a pas de pauvreté au Japon, le film peut être dérangeant. Mais est-ce la raison pour laquelle le Premier ministre n'a pas réagi? Il faudrait le lui demander. Ce qui est sûr, c'est que ce n'est sans doute pas le genre de film que le Premier ministre actuel aimerait regarder, ça j'en suis certain."

Raphaële Bouchet/mcm

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