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Lars von Trier et Claire Denis, deux cinéastes privés de salles. Pourquoi?

Une image tirée "The House That Jack Built" de Lars von Trier. [Zentropa Entertainments / Centre / Collection ChristopheL]
Lars Von Trier et Juliette Binoche privés de cinémas / Vertigo / 5 min. / le 16 novembre 2018
En Suisse, les salles de cinéma ont une offre de moins en moins diversifiée. Certains films n'y sont même plus distribués, même si leurs auteurs sont prestigieux. Les causes de cette défection sont multiples. Explications.

Le nouveau Lars von Trier, "The House that Jack Built", sortira en catimini dans quelques salles romandes le 28 novembre. Mais pour le remake du classique de lʹhorreur, "Suspiria", signé Luca Guadagnino ("Call me by your name"), ou le film de science-fiction de Claire Denis, "High Life", avec pourtant Robert Pattinson et Juliette Binoche, aucune sortie dans les salles suisses nʹest prévue. La faute à qui?

Qui profite des recettes d'un billet

Du côté des exploitants et des distributeurs, on invoque une baisse de fréquentation en salles partout en Europe, sauf en France; un prix du billet trop élevé; un public de moins en moins curieux qui ne place en tête que les "spin-off", les "remakes" et les suites; la concurrence des plateformes en ligne et même les caprices de la météo.

Du côté du public, on peste contre la frilosité des distributeurs et exploitants de salle, on se plaint d'une offre sans aucune diversité. Mais il faut savoir que sur un billet vendu, le propriétaire de la salle garde 60% des recettes tandis que le distributeur n'en conserve que 40% alors qu'il doit s'occuper des droits d'exploitation, des copies, des sous-titrages, de la promotion et de la pub, ce qui fait beaucoup.

Achat à l'aveugle

Responsable de la programmation pour Praesens, l'un des distributeurs les plus audacieux en Suisse, Marc Maeder explique que ces films que l'on ne verra pas chez nous sont vendus par des sociétés de vente internationale, qui pour certaines d'entre elles ont des difficultés financières. Ces sociétés fournissent le scénario et une fiche avec le nom du réalisateur et des acteurs. "Mais on ne voit pas une seule image tandis qu'on tente de nous soutirer un quart, parfois un demi-million d'euros, pour l'avoir dans notre catalogue. A un prix plus raisonnable, on aurait tenté notre chance. Mais dans ces conditions, c'est beaucoup trop sachant qu'il nous faut récupérer notre mise!" précise Marc Maeder.

Trop sombre, trop violent, trop long

Et comment la récupérer quand on sait que l'exploitation d'un film en salle, puis en VOD, comme celui de Lars von Trier ne couvrira jamais les frais. Le film est à la fois trop violent, ce qui l'interdit au moins de 16 ans et donc le coupe de tout un public, et trop long. La durée est un argument de première importance, d'où l'effet calibrage. Comme s'en amuse Marc Maeder, "le film parfait serait une comédie française ou américaine de 90 minutes".

Propos recueillis par Rafael Wolf/mcm

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