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Dragons, licornes et pandas, le bestiaire chinois fascine par ses transformations

Portrait de l'historienne spécialiste de la Chine Danielle Elisseeff. [LD]
Chine, le pays du dragon avec Danielle Elisseeff, historienne, spécialiste de la Chine. / Chouette ! / 25 min. / le 3 juillet 2018
En Chine, tout ce qui existe est animé du même souffle. Ainsi les animaux échappent à la question lancinante de savoir s'ils ont une âme ou pas. Philosophiquement, leur statut est important.

Tout le zodiaque chinois est un bestiaire, sans compter dragons, phénix ou licornes, tous ces animaux mythiques ou hybrides qui jouent un rôle essentiel. Contrairement à l'Europe, le statut des animaux n'est pas lié à la question de leur âme. "En Chine, tout ce qui existe est animé du même souffle. Ce qui ne veut pas dire qu'ils sont égaux aux humains; ils peuvent parfois être plus puissants ou vertueux, mais aussi, matériellement, n'être que des objets que l'on mange" dit l'historienne Danielle Elisseeff, spécialiste de la Chine.

Prenons le dragon qui avant de devenir l'animal que nous connaissons, a été représenté de tant de manières différentes. A l'ère néolithique, selon les religions, il avait une queue de serpent, une tête de bovidé ou de mouton, de grands yeux de vers à soie, des pattes comme des serres d'aigle, le corps d'un lézard ou couvert d'écailles comme un poisson, puis on lui ajoute des cornes qui ont la particularité d'émettre des sons.

La tortue, symbole de vie

Pendant 3000 ans, l'animal passera par de multiples métamorphoses avant de devenir le symbole impérial. Le dragon incarne le souverain et le phénix, son pendant féminin, l'impératrice. Il fait le lien entre le Ciel et la Terre tandis que la licorne, autre animal mythique, incarne la bonne gouvernance.

Licorne en bois chinoise de l'époque Han. [Leemage/AFP - Photo Josse]

La licorne est un motif de sculptures dans tous les palais, de même que la tortue qui incarne la vie sous toutes ses formes, sa tête étant assimilée au sexe masculin et son corps à une représentation graphique de l'univers tel que les Chinois se le représentaient dans des temps très anciens - terre plate bordée de quatre mers, le ciel arrondi comme la carapace et des pieds obliques pour tenir la terre.  

Et le bouddhisme apparaît

Au premier siècle de notre ère, quand arrive le bouddhisme, rien ne change fondamentalement.

L'arrivée d'une nouvelle pensée, d'une nouvelle religion, ne veut pas dire que les anciennes sont mauvaises ou dépassées. La Chine aime la synthèse. Il faut unifier, et c'est au philosophe de le faire.

Danielle Elisseeff, historienne, spécialiste de la Chine

Animal politique par excellence, le cheval incarne les vertus de l'empereur. Depuis l'Antiquité tous les grands seigneurs sont enterrés avec leurs chars et leurs chevaux.

Plus tard, quand le bouddhisme introduit l'idée de la rétribution des actes après la mort, le taoïsme s'empare de cette notion et développe un système de jugement dernier. C'est sous l'autorité d'une tête de cheval que ces peines sont distribuées, non pour punir mais pour améliorer l'âme afin qu'elle puisse renaître. 

Le point central de toutes les philosophies chinoises, c'est que tout est toujours en mouvement, en transformation.

Danielle Elisseeff, historienne

Animaux hybrides

Le panda a été redécouvert en Chine au milieu du XXe siècle. [Imaginechina/AFP - Peng hua]

D'où ce beau bestiaire hybride, d'animaux entre eux, mais aussi d'animaux et d'hommes.

Si le chien est ambivalent, incarnation de la vertu mais aussi vulgaire chose puisqu'on le mange, le panda réapparaît au milieu du XXe siècle. Dans la Chine d'aujourd'hui, et plus généralement dans le monde, il symbolise la nature et tous les efforts pour sauvegarder les sociétés d'autrefois ainsi que les espèces en voie d'extinction.

Propos recueillis par Nancy Ypsilantis

Réalisation web: Marie-Claude Martin

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