Plus importante biennale d'arts visuels de Suisse, la manifestation culturelle autour de la photographie reste fidèle à son concept: des expositions et installations photographiques réalisées sur mesure en plein air et en intérieur, à découvrir gratuitement dans toute la ville de Vevey (VD) durant trois semaines, du 7 au 29 septembre.
Plus de cinquante artistes de vingt-deux pays différents sont invités cette année. Ecologie, géopolitique, économie, arts, éducation et loisirs: tous les secteurs de la société sont concernés par cette révolution des nouvelles technologies, y compris l'intelligence artificielle (IA). La cinquantaine de projets présentés "créeront des liens entre la nostalgie du passé et la curiosité d'un futur incertain", résument les responsables de la Biennale Images Vevey.
"Les propositions artistiques joueront sur le sentiment de connexion et de déconnexion entre la réalité tangible et le fantasme numérique", expliquent-ils. Le public sera donc parfois confronté au doute face aux images exposées afin de déterminer par exemple l'origine humaine ou digitale d'une œuvre.
Paul Graham ramène des passants de New York à Vevey
Après un détour par New York en mai dernier, la série "Sightless" du photographe britannique Paul Graham, réalisée il y a vingt ans à Times Square, se déconnecte de la foule new-yorkaise et s'installe dans les rues veveysannes. Avec cette installation artistique, Images Vevey s'était en effet exporté une semaine à Big Apple ce printemps au milieu des écrans publicitaires géants de la célèbre place.
Avec "Sightless", Paul Graham avait immortalisé au début des années 2000 des passants aux yeux fermés, absorbés par leurs pensées, bien avant qu'AirPods et smartphones n'accaparent toute l'attention.
Autre œuvre phare de cette neuvième édition, d'un Britannique aussi, l'installation monumentale et expérimentale créée par Oliver Frank Chanarin. Elle juxtapose photographie analogique et système robotique de pointe, pratique photographique manuelle et automatisation, "mettant en scène les tensions grandissantes entre humain et machine, technologies passées et futures".
Plus près de chez nous, le photographe romand Vincent Jendly rend hommage aux bateaux "Belle Epoque" de la Compagnie Générale de Navigation sur le lac Léman (CGN). Plus grande pièce de la Biennale avec ses 1000 m2, son image représentant "La Suisse", navire amiral de la CGN, est visible sur l'une des façades du quartier général de Nestlé, au bord du lac.
Ukraine et immigration
Ouverts pour la première fois de son histoire au public, les jardins entièrement réaménagés de la multinationale Nestlé exposeront les travaux de Vincent Jendly ainsi que de la photographe japonaise Chino Otsuka. Voyageant dans le temps, elle insère avec Photoshop des portraits d'elle-même adulte sur des photographies de son enfance.
La guerre en Ukraine est aussi présente. Etabli à Kiev, Sasha Kurmaz en fait l'expérience au quotidien. Pour faire face à cette situation et dénoncer l'invasion russe, l'artiste élabore un journal intime sous forme de collages en ramassant plein de matériaux dans les décombres. "Red Horse" transforme ainsi "son témoignage personnel en acte de résistance universel".
A découvrir aussi l'œuvre du Chinois Guanyu Xu. "Resident Aliens" pointe la perméabilité des domiciles de personnes immigrées en attente de régulariser leur situation de séjour et leur difficulté de faire de leur foyer un lieu intime. Une oeuvre engagée, entre la Chine et les Etats-Unis.
Masques rituels et "Poltergeist"
L'artiste angolais Edson Chagas réinterprète, lui, par le biais de photographies d'identité, des masques africains, utilisés dans un contexte historique rituel et spirituel, dans le présent et la banalité quotidienne. Un peu analogue, mais en Inde, Gauri Gill collabore avec des fabricants de masques confectionnés pour les performances rituelles d'une fête de la communauté Adivasi et des peuples indigènes, entre mythologie et réalité précaire.
Autre regard et en l'occurrence un "commentaire grinçant" sur la surconsommation et la dépendance technologique: le projet de la photographe des Emirats arabes établie à New York, Farah Al Qasimi. Revisitant le film "Poltergeist" (1982), elle critique l'ubiquité des systèmes connectés ou des appareils intelligents qui prennent le contrôle sur notre quotidien et envahissent l'espace privé.
ats/olhor
Neuvième édition de la Biennale Images Vevey, du 7 au 29 septembre 2024.