Le tableau "Fuck Abstraction" de Miriam Cahn, exposé depuis la mi-février et jusqu'au 14 mai au Palais de Tokyo à Paris, représente une personne aux mains liées contrainte à une fellation par un homme puissant et sans visage.
Même si l'artiste a toujours démenti avoir représenté en victime un enfant, certains et certaines y ont vu la représentation d'un acte de pédocriminalité. Des associations telles que Juristes pour l'enfance ou Face à l'inceste ont demandé son décrochage, ce qu'a refusé le musée. Une décision confirmée par le Tribunal administratif de Paris.
Dimanche dernier, un homme qui aurait agi seul a projeté de la peinture mauve sur le tableau. Il s'est dit "mécontent de la mise en scène sexuelle d'un enfant et d'un adulte représentée selon lui".
L'oeuvre de Miriam Cahn "Fuck abstraction!" maculée de peinture au Palais de Tokyo, à Paris, le 10 mai 2023. [Magali Cohen - AFP]
"S'en prendre à une oeuvre, c'est attenter à nos valeurs. En France, l'art est toujours libre et le respect de la création culturelle est garanti", a pour sa part réagi le président français Emmanuel Macron.
"Je suis très choqué, a déclaré le directeur de Pro Helvetia Philippe Bischof dans l'émission Forum de la RTS. Avec les réseaux sociaux, on peut très facilement décontextualiser les oeuvres d'art, les sortir du musée sans connaître la démarche de l'artiste", a-t-il poursuivi.
>> A lire: Le tableau de la Suissesse Miriam Cahn, au cœur d'une polémique à Paris, a été dégradé
Plusieurs oeuvres vandalisées ces dernières années
A l'image du tableau de Miriam Cahn, plusieurs oeuvres d'art jugées choquantes ont été vandalisées ces dernières années. En France, on peut citer "Dirty Corner" de l'artiste britannique Anish Kapoor. Installée en 2015 dans le jardin de Versailles dans le cadre des commémorations du tricentenaire de la mort de Louis XIV et volontairement provocatrice, cette sculpture présentée par l'artiste comme le vagin de la reine a été au coeur d'un scandale.
A trois reprises, l'oeuvre est vandalisée avec des inscriptions royalistes et antisémites. L'artiste décide de les garder afin de garder une trace de "la haine qu'elle a attirée".
Mercredi 17 juin: une oeuvre du sculpteur britannique Anish Kapoor installée dans le parc du château de Versailles, et dont la connotation sexuelle suscite une polémique, a été vandalisée par des jets de peinture. [AP Photo/Michel Euler - Keystone]
Connu également pour son art de la provocation, l'artiste américain Paul McCarthy a installé en 2014 sur la Place Vendôme à Paris un gigantesque sapin de Noël vert à l'occasion de la Foire internationale d'art contemporain (FIAC). Ce conifère, qui présente des similitudes avec un sextoy, provoque l'ire de certains passants et une dénonciation de la part d'une association catholique.
Au moment de l'installation de la sculpture, l'artiste est frappé au visage par un inconnu et quelques jours plus tard, l'installation est dégonflée par des vandales. Paul McCarthy décide alors de retirer le sapin.
Le sapin de l'artiste américain Paul McCarthy installé sur la place Vendôme, à Paris, le 15 octobre 2014 dans le cadre de la FIAC. [BERTRAND GUAY - AFP]
Si les installations en plein air, de par leur grande visibilité, sont souvent au coeur de ce type de polémique, les oeuvres exposées dans les musées sont aussi la cible du vandalisme, y compris la photographie.
En 2010 à Avignon, la Collection Lambert expose "Piss Christ", une photographie de l'Américain Andres Serrano qui avait déjà suscité de très fortes réactions et polémiques aux Etats-Unis.
Réalisé en 1987, ce cliché représente un crucifix plongé dans un verre rempli d'un liquide que l'artiste a décrit comme étant son urine et son sang. Lui-même catholique, l'artiste dit avoir voulu dénoncer la banalisation de cet objet de culte.
Son titre en particulier, "Piss Christ", est jugé blasphématoire et l'oeuvre est vandalisée à plusieurs reprises lors d'expositions. L'annonce de son accrochage à Avignon provoque une campagne de protestation lancée par des mouvements catholiques intégristes qui demandent son retrait et est soutenue par l'archevêché d'Avignon.
Un cameraman documente les dégâts causé à l'oeuvre "Immersion Piss Christ" de l'artiste américain Andres Serrano en avril 2011 à Avignon. [BORIS HORVAT - AFP]
Harcèlements et menaces contre le lieu qui accueille l'exposition et manifestations précèdent un acte de vandalisme lorsque plusieurs individus attaquent cette oeuvre et une autre intitulée "Soeur Jeanne Myriam" à coups de marteaux et d'objets pointus.
Pas uniquement des oeuvres contemporaines
Si l'art contemporain, où la provocation est monnaie courante, est souvent la cible de ce type de vandalisme, de célèbres oeuvres d'autres périodes peuvent encore être suffisamment choquantes pour susciter un passage à l'acte.
Ainsi à Washington en 2011, une femme visitant la National Gallery a tenté de décrocher le célèbre tableau "Deux Tahitiennes" de Paul Gauguin (1848-1903) tout en lui donnant des coups de poing.
Arrêtée par les vigiles, elle a déclaré: "Pour moi, Gauguin c'est le mal. Il fait de la nudité et c'est mauvais pour les enfants. Dans sa peinture, il représente deux femmes et ça, c'est très homosexuel. J’ai essayé de l'enlever. Je pense qu'il devrait être brûlé."