Publié

Laurence Rasti capte l'invisibilité des sans-papiers dans "Délits de séjour"

Laurence Rasti. [DR]
L'invitée: Laurence Rasti, "Délits de Séjours" / Vertigo / 22 min. / le 23 mai 2022
Laurence Rasti expose son regard sur les sans-papiers dans "Délits de séjour", une exposition dans lʹespace public présentée aux Journées photographiques de Bienne. La Genevoise d'adoption prolonge son travail documentaire sensible sur la migration par une plateforme participative sur internet.

À travers son enquête photographique intitulée "Délits de séjour", Laurence Rasti tente de donner une voix à des hommes et femmes issues de la migration qui vivent à Genève. Ces personnes en irrégularité de séjour, que l’on appelle "sans-papiers", contribuent à l’identité même des villes.

Cependant, des milliers d’entre elles sont stigmatisées, considérées comme malvenues, parfois même criminalisées, et se retrouvent parfois privées de leurs droits fondamentaux. Ce travail documentaire, lauréat de l'Enquête photographique 2019 de la Ville de Genève, se penche d’une part sur ces personnes à travers des portraits en couleurs réalisés dans différents contextes urbains et d’autre part sur les institutions et associations qui les hébergent et dont les procédures d’accueil et d’encadrement sont parfois incohérentes.

"Je pars d'un questionnement personnel lié à ma naturalisation suisse quand j'étais enfant (...) J'ai voulu m'intéresser à des personnes dans une plus grande précarité et qui n'auraient pas la possibilité de se naturaliser, donc les personnes en irrégularité de séjour", explique à la RTS la photographe d'origine iranienne.

Une des photos de l'enquête "Délits de séjours" de Laurence Rasti exposées aux Journées photographiques de Bienne. [DR - Laurence Rasti]
Une des photos de l'enquête "Délits de séjours" de Laurence Rasti exposées aux Journées photographiques de Bienne. [DR - Laurence Rasti]

Photographier sans victimiser

Elle relève la difficulté de rencontrer ces invisibles qui justement ne veulent pas qu'on les rencontre. "Cela a été assez difficile, concède Laurence Rasti, car ces personnes vivent tous les jours dans la peur puisque leur vie peut basculer par un contrôle de police et un renvoi du territoire. J'ai donc contacté beaucoup d'associations, comme le Centre de Contact Suisses-Immigrés, le collectif de soutien des sans-papiers ou des avocats et avocates travaillant avec des personnes qui ont subi des peines par rapport à leur séjour irrégulier", détaille la Genevoise d'adoption qui a dû se montrer convaincante pour obtenir l'autorisation de photographier ces invisibles "sans les victimiser et tout en les protégeant".

Laurence Rasti relève aussi par son travail que toute personne a droit à une aide d’urgence afin d’assurer le respect de la dignité humaine, y compris les personnes en irrégularité de séjour. Les visages des portraits de Laurence Rasti ne sont donc le plus souvent pas identifiables, mis en scène dans une nature qui sert de camouflage visuel. Débuté à Genève, le projet documentaire s'étend désormais à toute la Suisse grâce à une plateforme sur internet qui regroupe d'autres témoignages photographiques.

Chaque année, en Suisse, environ 8'000 personnes sont condamnées par la justice pénale pour se trouver sur le territoire sans les bons papiers, soit pour l’infraction de séjour illégal. Près de 2'000 personnes font l’objet de mesures de contrainte selon la loi sur les étrangers (LEI), en attente d’être renvoyées dans leur pays d’origine.

Propos recueillis par Pierre Philippe Cadert

Adaptation web: Olivier Horner

"Délits de Séjours" de Laurence Rasti, à voir aux Journées photographiques de Bienne, jusqu'au 29 mai 2022. Le site participatif qui prolonge l'exposition: www.delitsdesejours.ch.

Publié