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Des dessinateurs illustrent des archives pour montrer les ravages du noma

Le collectif Marie-Louise met en valeur par le dessin le fonds dʹarchives de la Fondation Sentinelles dans son action de lutte contre le noma. [Chloé Cohen]
Nomaʹs land / Vertigo / 5 min. / le 26 octobre 2021
Les Archives cantonales vaudoises à Dorigny présentent une exposition en collaboration avec le collectif de dessinateurs Marie-Louise et les archives de la fondation Sentinelles. Les dessinateurs illustrent les ravages du noma, maladie qui attaque le visage. À voir jusqu’à fin décembre.

La fondation Sentinelles, active en Afrique, en Amérique latine et en Suisse, fêtait ses quarante ans l’année dernière. Elle vient au secours des enfants, des femmes et des hommes en danger immédiat, puis les suit sur le long terme, qui donne lieu à des strates d’archives. La fondation Sentinelles souhaite les rendre publiques pour la recherche. Cependant, un problème de taille demeure: la quasi-totalité de ces archives est protégée. Beaucoup de dossiers médicaux recèlent en effet des informations sensibles, qui ne peuvent pas être rendues publiques.

Le collectif Marie-Louise, mandaté pour l’occasion, est composé d’une quinzaine de personnes qui se réunissent pour dessiner ensemble. Plongés dans ces archives, chacune et chacun a prélevé ce qui faisait sens à ses yeux, pour les interpréter à sa manière. Au cœur de ces archives se trouve le noma, une maladie causée par une malnutrition chronique et un manque d’hygiène.

Autrement dit, le noma est la maladie de la pauvreté par excellence. Foudroyante, elle se manifeste par une gangrène de la bouche et du nez qui ravage le visage. Comment faire pour rendre visible ce qui est insoutenable? C’est l’un des défis de cette exposition intitulée "Un œil artistique sur des archives sensibles", à voir à Dorigny, et destinée à montrer l’importance de l’accès public aux archives.

Acacio Calisto, archiviste, replace pour la RTS cette maladie dans son contexte. "C’est une maladie que le fondateur de Sentinelles et Terre des Hommes, Edmond Kaiser, et son équipe ont essayé de faire reconnaître auprès de l’OMS dans les années 1980 et 1990."

Un dessin de Christian Bovey pour l'exposition "Un oeil artistique sur des archives sensibles" à Dorigny. [© Christian Bovey, collectif Marie-Louise]
Un dessin de Christian Bovey pour l'exposition "Un oeil artistique sur des archives sensibles". [© Christian Bovey, collectif Marie-Louise]

Des dessins pour combler le vide

Les dessins du collectif Marie-Louise sont présentés de la manière suivante: imaginez deux cimaises de part et d’autre d’une sorte de dispositif fait de bois. Il y a des poignées sur ces cimaises, qui sont déroulées tels des parchemins, révélant un trésor sensible. Diagnostics traités comme des poèmes, bouches rouges dessinées et virevoltantes comme des papillons, visages où ce qui manque devient couleur: les données scientifiques font place à l’imaginaire.

Pour Christian Bovey, membre du collectif Marie-Louise, la défiguration et le vide sont au centre de l’exposition: "Lorsqu'on est face à ces photos du noma, c’est assez flagrant: la maladie ronge le visage et créé un vide, un manque. Nous nous sommes demandé comment figurer ce manque. Pour certains, c’était laisser du vide dans le dessin. Pour d’autres, c’était combler les espaces avec de la couleur."

Giancarlo Mino, membre du collectif, aborde le sujet de manière différente, en puisant dans les magazines pour enfants. "On y voit des enfants au regard angélique et au visage parfait. Je n’y suis pas allé de main morte: j’ai défiguré ces enfants à l'emporte-pièce. Ma question est la suivante: si les dégâts causés par cette maladie étaient visibles sur des affiches publicitaires, comment les gens réagiraient-ils?"

Propos recueillis par Florence Grivel

Adaptation web: ms

"Un œil artistique sur des archives sensibles", à voir à Dorigny (VD) jusqu’au 26 décembre 2021.

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