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A Lausanne, l'exposition "Exotic?" interroge notre regard sur l'ailleurs

L'exposition "Exotic? Regarder l'ailleurs en Suisse au siècle des Lumières" se tient au Palais de Rumine de Lausanne jusqu’au 28 février 2021. [Keystone - Jean-Christophe Bott]
You're so exotic! / Vertigo / 7 min. / le 22 octobre 2020
Le Palais de Rumine à Lausanne ouvre ses salles à l'exposition "Exotic?" qui met la lumière sur des objets lointains arrivés dans les collections publiques suisses avant 1815. Une visite qui remue et questionne.

On est toujours l'exotique de quelqu'un. Les Zurichois urbains du XVIIIe regardaient leurs voisins alpestres comme le summum de l'exotisme. Ils n'hésitaient pas à faire réaliser de magnifiques papiers peints où on représentait les régions montagneuses comme empreintes de sauvagerie et de pureté originelle. Des papiers peints qui enchantaient notamment les Parisiens et qui, aujourd'hui encore, représentent une certaine image idéalisée de la Suisse.

"C'est le côté cocasse de l'histoire, on a ce discours qui se construit sur la Suisse dès le XVIIe par les élites, les pasteurs zurichois qui vont aller voir les 'sauvages' des Alpes. Ce regard, ce discours de mise à distance, de caricature, tout est mis en scène pour faire croire que l'autre est différent, un petit peu retardé, un peu primitif, mais tellement charmant", explique à la RTS Noémie Etienne, commissaire d'exposition et professeure à l'Université de Berne.

Une illustration de l'ouvrage "Livre de voyage du voyageur mondial alsacien" de Georg Franz Müller. [Stiftsbibliothek St. Gall]

L'exposition "Exotic?" est le résultat d'un gros travail de recherches dans la lignée des travaux qui abordent de manière critique l'histoire suisse. Elle examine les relations entre la Suisse et l'étranger à l'époque des Lumières, mais permet aussi de faire le lien avec le XXIe siècle et de comprendre les visions du monde ou les clichés qui en découlent.

Que veut dire "exotique"?

"Exotique" est un mot très occidental qui signifie: qui appartient à un pays étranger, généralement lointain, qui a un caractère naturellement original dû à sa provenance.

Ce n'est pas un hasard si l'exposition débute par une présentation sans description de quantité d'objets issus d'ici et d'ailleurs posés sur un grand plateau rond. Des objets souvent impossibles à déchiffrer pour nous, ou alors sur lesquels on va projeter nos interprétations qui, en général, n'ont rien à voir avec la fonction ou le sens de ces objets.

Le 18e siècle est une période clé dans la construction de ce regard. C'est la période durant laquelle se solidifient l'eurocentrisme, la colonisation et l'esclavage, dont nous sommes aujourd'hui encore les héritiers… Le reste du monde ignorait tout de ces contrées lointaines.

Des sujets parfois sensibles

Dans l'exposition, certaines oeuvres - notamment quelques tableaux sur l'esclavage - peuvent avoir un contenu ou une dénomination "sensible" mais ont été sciemment conservés et contextualisés.

Dans "Exotic?", le vocabulaire d'origine est ainsi gardé pour éviter de cacher ces problématiques historiques. Et certains objets apparemment inoffensifs sont en réalité des clés de lecture pour des situations que l'on qualifierait aujourd'hui de honteuses.

>> A voir, un reportage du 12h45 sur l'exposition :

A Lausanne, l'exposition "Exotic?" interroge notre regard sur l'ailleurs
A Lausanne, l'exposition "Exotic?" interroge notre regard sur l'ailleurs / 12h45 / 2 min. / le 23 septembre 2020

Propos recueillis par Florence Grivel

Adaptation web: Lara Donnet avec ats

L'exposition "Exotic?", Palais de Rumine, Lausanne, jusqu'au 28 février 2021.

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