Publié

Niki de Saint Phalle: "Les anges féminins sont plus rassurants"

L' "Ange gardien" de Niki de Saint Phalle dans le hall de la gare de Zürich. [Keystone - Christoph Ruckstuhl]
L' "Ange gardien" de Niki de Saint Phalle dans le hall de la gare de Zürich. - [Keystone - Christoph Ruckstuhl]
L'ART DANS L'ESPACE PUBLIC - Du haut plafond où elle est suspendue, la Nana de Niki de Saint Phalle veille sur le hall de la gare de Zurich depuis 1997, telle un ange protecteur. Retour sur l’histoire mouvementée de cette sculpture aux courbes généreuses.

Avec ses onze mètres pour près d’une tonne et demie, cette silhouette féminine, plantureuse et colorée ne passe pas inaperçue.

En provenance directe de Californie

La nuit du 14 novembre 1997, la Nana est installée dans le grand hall de la gare de Zurich, au terme d’un périple en avion et d’une longue croisière à travers l’Europe. Elle arrive directement de Californie, où vit Niki de Saint Phalle.

L’artiste est sur place à l’arrivée de la Nana. Selon elle, la gare constitue un endroit idéal pour son "Ange protecteur". "Tout le monde souhaite être protégé", assure-t-elle.

Les anges-femmes sont plus rassurants

Pour la plasticienne, son ange ne pouvait être qu’une femme aux formes généreuses: "les anges ne sont pas obligatoirement des hommes", affirme-t-elle.

Un ange femme est plus rassurant, un peu comme une mère.

Niki de Saint Phalle

Bariolée et impertinente, la Nana détonne dans la sobriété de la gare. Son maillot de bain rose, jaune, orange et vert, le bleu marine de ses bras, de ses jambes et de sa tête sans visage, ses ailes dorées formant comme une ramure… Cet ange n’est pas du goût de tout le monde.

L'"Ange protecteur" de Niki de Saint Phalle photographié en gare de Zurich. [Keystone - Eddy Risch]

Ange ou aberration?

Un journal qualifie la Nana de "Marie Poupette ailée", surdimensionnée et vulgaire. Un autre s’indigne qu’on offense ainsi les enfants en prétendant voir un ange dans cette aberration aux couleurs criardes.

Uli Huber, alors architecte en chef des CFF, reçoit lui aussi son lot de critiques pour avoir commandé la gigantesque Nana. Après avoir insisté pour faire du hall un espace libre et ouvert, voilà qu’il l’encombre d’une énorme sculpture… À l’époque, Huber défend son idée en faisant remarquer que le hall n’avait jamais été vide mais bien conçu pour des locomotives.

>> A lire aussi dans la série : "Ces sculptures permettent une rencontre avec soi-même"

Le cadeau de la discorde

L’inauguration du 14 novembre 1997 conclut les nombreuses festivités organisées à l’occasion des 150 ans de la gare centrale de Zurich. La Nana est d’ailleurs un cadeau d’anniversaire offert par l’entreprise de surveillance Securitas.

Conçue à l’origine comme un pendant de l’Œuf philosophique de Mario Merz, la Nana est suspendue dans la partie est du hall de la gare. Mais elle est déplacée peu de temps après – un geste qui, bien des années plus tard ,agace encore passablement Uli Huber. "Si cela avait été une installation technique, on se serait arrangé. Mais quand c’est de l’art, il n’y a qu’à le déplacer", fulmine-t-il.

Émotion et intérêt

Vingt-deux ans après son installation, la Nana a déjà connu deux nettoyages de grande envergure, menés par Christian Marty. Pour ce restaurateur, les travaux ont été l’occasion de constater l’intérêt et les sentiments que la sculpture suscite encore chez le public.

"Qu’on s’avise de décrocher l’ange protecteur et on en entendra parler", avertit Christian Marty. "S’il n’était plus là, les gens se poseraient des questions – enfin, je l’espère!"

Vanda Dürring (SRF Kultur) / ms

Traduction: Service linguistique SSR

Cet article a été publié sur SRF Kultur (en allemand).

Publié