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Le projet photo de Gregg Segal contre la malbouffe des enfants sort en livre

La couverture du livre "Daily Bread" de Gregg Segal. [powerHouse Books]
Deuxième Cerveau - Daily Bread / Pony Express / 6 min. / le 26 juin 2019
Des enfants étendus au milieu de tout ce qu'ils ont mangé durant une semaine. Le concept percutant du photographe Gregg Segal existe désormais en livre. "Daily Bread: What Kids Eat Around the World" est un ouvrage simple, artistique, et militant.

Le photographe Gregg Segal a étudié la photographie et le cinéma au Art Institute of California et a également suivi une formation en écriture dramatique à New York. Sa spécialité? Proposer un travail visuel sur des thèmes d'actualité pour explorer nos cultures et nos identités.

Des projets artistiques donc, mais dotés d'une dimension sociologique, comme c'était le cas pour son projet "Seven days of garbage" par exemple. Pour faire prendre conscience aux gens du nombre de déchets qu'ils accumulaient, le photographe avait réalisé une série de clichés sur lesquels on pouvait voir des personnes allongées au milieu de leurs ordures de 7 jours.

Une semaine de nourriture mise en image

Sa série documentaire intitulée "Daily Bread" restitue par le biais d'un concept photographique abouti la façon de s'alimenter des enfants, dans une mise en scène identique pour chacun: l'enfant est allongé par terre, avec, disposés autour de lui, des boissons, des plats et quelques éléments de décoration qui rappellent ses origines. La prise de vue est aérienne, un peu comme celle d'un drone.

Un travail de photographie donc, mais aussi une véritable enquête, puisque l'artiste a demandé à tous ces jeunes de consigner dans un carnet tout ce qu'ils mangeaient en une semaine.

Des contrastes saisissants

Ainsi, Alexandra 9 ans, et Jessica 8 ans, deux soeurs qui vivent en Californie, posent telles de petites Lolita avec des rollers au pied. Elles sont étendues sur une grande nappe fleurie. Elles sont entourées de beurre, de bacon, de saucisses, de hot dogs, de parts de pizza, de pop corn, de verres de lait et de pain grillé, et juste un petit bout de pomme et de tomate! L'image offre un contraste saisissant avec la photo de Kawakanih, qui vit dans une tribu du Mato Grosso, au coeur de l'Amazonie, au Brésil. Avec sa mère, elles ont fait 31 heures de voyage pour rejoindre le studio photo que Gregg Segal avait installé à Brasilia.

La petite fille pose avec un simple pagne autour de la taille, elle a les cheveux longs, ses pieds sont peints en rouge, couleur que l'on retrouve aussi sous la forme d'une bande autour de ses yeux - pour se protéger des mauvais esprits. Autour d'elle sont disposées de larges feuilles de bananiers, sur lesquelles on retrouve des plats plus sains et en moindre quantité, constitués quasi exclusivement de poissons, de riz et de fruits.

La découverte la plus surprenante de ce projet, c'est que les régimes alimentaires les plus qualitatifs ne sont pas consommés par les plus riches mais par ceux qui vivent dans la pauvreté.

Gregg Segal, photographe, à propos de son projet "Daily Bread"

Depuis le début du mois de juin, la série documentaire existe désormais en livre: "Daily Bread: What Kids Eat Around the World" (Editions powerHouse Books).

De belles images pour un constat effrayant

L'idée du photographe de mettre en lumière les habitudes alimentaires des enfants illustre un constat plutôt effrayant: la junk food est présente sur de nombreuses images, et ne concerne pas que les Etats-Unis. Le même lait chocolaté de la même marque figure ainsi sur des clichés d'enfants de Hambourg, de Sao Paulo et de Dubaï. Le projet met en lumière une uniformisation des menus et la place de plus en plus grande faite à des produits industriels et ultra-transformés - avec toutes les conséquences que cela implique.

Les enfants habitent des continents séparés, mais c'est comme si leurs parents avaient fait leurs courses dans le même hypermarché mondial.

Gregg Segal, photographe, auteur de "Daily Bread: What Kids Eat Around the World"

Gregg Segal raconte comment certains parents qui ont vu les photos ont ensuite changé de façon drastique les menus de leurs enfants. Et comment certains couples divorcés ont aussi découvert sur la photo ce que leur enfant mangeait lorsqu'il était chez l'autre parent.

Une incitation à changer ses habitudes

Dans le livre, l'artiste pose aux plus jeunes lecteurs une série de questions simples au sujet de leurs habitudes alimentaires. Car la qualité esthétique des images très colorées fait aussi état d'une situation très alarmante pour le futur de ces enfants. C'est aussi la raison initiale de les photographier, car il est plus facile de changer ses habitudes alimentaires lorsqu'on est encore un enfant qu'à l'âge adulte.

"Si je devais retenir une seule leçon de mon projet", déclarait le photographe au magazine GEO "ce serait celle-ci: si possible n'achetez aucune nourriture dont on fait la publicité à la télévision. Vous vivrez probablement plus longtemps et en meilleure santé".

Sujet radio: Mikael Marquet/mp

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