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Christian Lutz: "Il faut s'approprier les réalités, même si le monde va mal"

Christian Lutz, photographe genevois. [Christian Lutz]
L'invité du 12h30 - Le photographe Christian Lutz présente son nouveau livre "The Pearl River" / L'invité du 12h30 / 8 min. / le 18 juin 2019
Dans "The Pearl River", le photographe genevois Christian Lutz se penche sur le consumérisme chinois dans les casinos de Macao. Les scènes sont prises sur le vif, mais l'esthétique est ultra maîtrisée et la narration cinématographique.

Christian Lutz est une sorte de poil à gratter cérébral et esthétisant. Le photographe genevois d'origine schaffhousoise se penche sur des thèmes complexes comme les rouages de notre système et ses exclus.

De 2003 à 2012, Christian Lutz a travaillé à une trilogie sur le pouvoir. Pour le volet politique, il suit le conseiller fédéral Pascal Couchepin. Pour le volet économique, il plonge dans les champs de pétrole nigérian et pour le volet religieux, il s'intéresse à l'église évangélique zurichoise ICF, ce qui lui vaut un procès. Après cela, le photographe entame un autre projet au long cours à Las Vegas.

Pour la série "Insert Coins", il suit les sans-abris qui se déguisent près des casinos pour amuser les touristes et glaner quelques pièces.

A Macao, le monde de l'illusion

Le nouvel ouvrage de Christian Lutz, "The Pearl River", traite "des conséquences de l'enrichissement rapide lié à l'ultra consumérisme, voire à l'ultralibéralisme", explique le photographe à la RTS. "Il y a un dialogue direct entre la désillusion, que j'ai traitée avec le premier volet à Las Vegas et l'illusion, c'est-à-dire ce qu'il se passe aujourd'hui à Macao, où des personnes nouvellement fortunées arrivent massivement pour jouer et consommer."

Depuis près de quinze ans, Macao a supplanté Las Vegas en termes de richesse produite par les revenus du secteur des jeux d’argent. Christian Lutz en a fait le sujet de sa série "The Pearl River". [Editions Patrick Frey - Christian Lutz]
Depuis près de quinze ans, Macao a supplanté Las Vegas en termes de richesse produite par les revenus du secteur des jeux d’argent. Christian Lutz en a fait le sujet de sa série "The Pearl River". [Editions Patrick Frey - Christian Lutz]

Cet été, les Rencontres photographiques d'Arles mettront en regard ces deux immersions dans le royaume des casinos grâce à l'exposition "Eldorado", à découvrir dès le 1er juillet.

Je dis parfois qu'il n'y a pas de sujets, il n'y a que des auteurs. Je tente d'y mettre une histoire, un point de vue qui est le mien et une approche esthétique que je développe pour avoir un champ d'expression plus grand, avec plus d'impact pour m'adresser à l'imaginaire des spectateurs.

Christian Lutz, photographe

Photographie humaniste

Les images de Christian Lutz ont un côté très documentaire, très fouillé, qui s'inscrit dans une tradition de photographie humaniste. "Il faut s'approprier les réalités, même si le monde va très très mal", détaille le photographe.

"Peu importe la réalité à laquelle on s'attelle, il faut pouvoir en faire quelque chose.

Christian Lutz, "The Pearl River", 2019. [Editions Patrick Frey]
Christian Lutz, "The Pearl River", 2019. [Editions Patrick Frey]

Je crois véritablement au pouvoir de l'image, au pouvoir de la photographie, au pouvoir de la poésie aussi. Je m'y accroche, c'est un peu ma bouée de sauvetage.

Christian Lutz, photographe

Le photographe aime "commettre des images" qui vont au-delà du politiquement correct et de l'aspect bien lisse de celles sur lesquelles on tente de garder un contrôle absolu dans notre monde ultra connecté.

"Il est extrêmement important aujourd'hui de tout donner à voir, dans une déontologie de travail pour ne pas aller trop loin lorsque l'on se trouve dans des sphères intimes, pour ensuite donner à penser", conclut Christian Lutz.

Propos recueillis par Zoé Decker

Adaptation web: Melissa Härtel

Exposition "Eldorado" aux Rencontres de la photographie à Arles, du 1er juillet au 22 septembre 2019

Christian Lutz, "The Pearl River", éditions Patrick Frey, 2019

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