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Liebegg, le château argovien abritant le Musée des sorcières

Logo du musée des sorcières de Gränichen dans le canton d'Argovie. [Hexenmuseum Schweiz]
Le Musée des sorcières / Vertigo / 5 min. / le 5 avril 2018
A côté de Gränichen, un château fort abrite depuis le 25 mars le très officiel Hexenmuseum, le Musée des sorcières. Visite guidée en compagnie de sa directrice et… sorcière, Wicca Meier-Spring.

Directrice et sorcière. Symbole de cette double fonction, Wicca Meier-Spring porte nombre de talismans autour du cou et un imposant trousseau de clés pour ouvrir les nombreuses portes de son musée, le Hexenmuseum ou Musée des sorcières, logé depuis le 25 mars dans le château de Liebegg.

Le site impressionne: le château fort et sa tour ronde dominent le village argovien de Gränichen. Pour y parvenir, il faut arpenter un sentier à travers bois sous les cris des corbeaux et des milans.

Une collection privée

Le Hexenmuseum ou Musée des sorcières, logé depuis le 25 mars dans le château de Liebegg en Argovie. [RTS - Thierry Sartoretti]
Le Hexenmuseum ou Musée des sorcières, logé depuis le 25 mars dans le château de Liebegg en Argovie. [RTS - Thierry Sartoretti]

En quoi peut donc consister un Musée des sorcières? On y trouve l'historique d'une implacable et sanglante répression qui visait principalement les femmes, mais également les hommes et parfois des enfants. On y découvre aussi un incroyable cabinet de curiosités plus ou moins antiques, plus ou moins magiques. C'est la collection privée de Wicca Meier-Spring et de son mari Christoph Meier que l'on aperçoit promenant un berger allemand au pied des murailles du château.

C'est donc avec Madame, de noire vêtue, que l'on entame une visite dans les deux étages du musée. Renommé en Argovie, le château de Liebegg, propriété du Canton et géré par une fondation, abrite aussi des salles de séminaires et de banquet. On y pratique retraites spirituelles, réunions de collaborateurs d'entreprises, cours de toutes sortes et buffet de mariage avec séance de photos romantiques.

L'histoire d'une chasse aux sorcières

La partie historique tient en un chiffre, une estimation. Environ 10'000 personnes dénoncées, torturées, jugées et condamnées à mort pour sorcellerie. Cela se passait en Suisse entre le 15e et le 18e siècle. La dernière femme déclarée sorcière, aussi célèbre que réhabilitée depuis, se nommait Anna Göldi. Sa tête fut tranchée sur la place de Glaris le 18 juin 1782. Un procès honteux, malhonnête, infâme. Comme tous les autres que Wicca Meier-Spring recherche soigneusement dans les archives communales suisses.

>> A voir, un sujet consacré à Anna Göldi :

La "sorcière" Anna Göldi présentée dans un musée à Ennenda
La "sorcière" Anna Göldi présentée dans un musée à Ennenda / L'actu en vidéo / 48 sec. / le 20 août 2017

"C'était des êtres humains qui ont servi de boucs émissaires durant une époque d'épidémies, de froid et de disette. Leur seul tort était de se trouver au mauvais endroit à la mauvaise époque", explique la directrice du musée. Et aujourd'hui leur nom, leur lieu d'origine et la nature de leur châtiment s'affichent sur les murs du premier étage du Musée des sorcières, "pour qu'elles et ils soient plus qu'une simple statistique."

Dans les pièces historiques, on découvre des épées de bourreau, des haches, des fers et les livres qui justifiaient et guidaient cette chasse aux sorcières qui embrasa une partie de l'Europe dont la Suisse. Wicca Meier-Spring court les ventes aux enchères pour dénicher ces reliques d'avant les Lumières.

Divination, culte et amulettes

Crâne d'ancêtre à l'os gravé d'une devise, au Hexenmuseum, le Musée des sorcières. [RTS - Thierry Sartoretti]
Crâne d'ancêtre à l'os gravé d'une devise, au Hexenmuseum, le Musée des sorcières. [RTS - Thierry Sartoretti]

Un couloir et des pièces qui se succèdent par thèmes: esprits, divination, cultes, amulettes et talismans, plantes et potions, croyances. Certaines vitrines impressionnent. Ainsi ce crâne d'ancêtre à l'os gravé d'une devise. Resté caché des siècles durant dans une même famille, il servait de protection secrète contre le mauvais œil. D'autres "trésors" prêtent à sourire.

Wicca Meier-Spring possède un humour qui n'est pas celui d'une sinistre disciple des forces obscures. Ainsi, Madame Ombrage, l'envoyée spéciale du Ministère de la magie dans les histoires de Harry Potter a droit à sa petite place, toute de rose vêtue, "quand bien même je ne l'aime pas du tout. Elle est terrible."

Il est vrai que les sorcières ont une dette envers l'auteure JK Rowling. Leur aura et leur réputation a largement bénéficié du succès des célèbres récits du garçon à la cicatrice.

Les sorcières d'aujourd'hui en Suisse

"Nous sommes 3000 environ, organisées en cercles, avec des comités de treize membres, soit le nombre de pleines lunes dans l'année", explique la directrice du Hexenmuseum, dont le cursus personnel comporte nombre cours et initiations du côté de l'Angleterre et des Etats-Unis.

Les sorcières d'autrefois seraient donc des malheureuses condamnées par obscurantisme ou par jalousie et cupidité? Et à l'inverse, les sorcières modernes s'assumeraient comme telles pratiquant les cartes, la voyance, la divination ou maîtrisant la science des plantes médicinales et des talismans? Dans son château haut perché, Wicca Meier-Spring publie son journal "Mandragora" et donne des cours.

Et dans ce musée qui apprécie les coups de balai, une soirée se prépare déjà: la nuit des Walpurgis, sabbat des sorcières et grand rituel du printemps et de la fécondité. Rendez-vous le 30 avril, nuit de pleine lune.

Thierry Sartoretti/ld

Hexenmuseum, Château de Liebegg à Gränichen.

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Un château à l'enjeu spirituel

La venue d'une sorcière et de son musée au Château de Liebegg n'est pas allée sans remous dans cette région aux nombreuses communautés religieuses catholiques ou réformées. Le musée a beau être reconnu officiellement, son contenu hérisse les consciences de certains croyants. Ainsi, des actions de prière ont tenté, en vain, d'empêcher la présence des pentagrammes de Wicca Meier-Spring à Liebegg.

C'est que la partie séminaire du château est aussi parfois utilisée pour des méditations et des retraites de groupes de prière. Calme, retiré, plein de cachet, le lieu s'y prête bien. Il est aussi connu pour avoir abrité à l'époque napoléonienne une grande mystique, la baronne Barbara Juliane von Krüdener. Cette familière des cours européennes née à Riga en 1764, eu un jour une révélation. Parcourant dès lors une Europe bouleversée par "l'Antéchrist Bonaparte", elle prêche la contrition, la pauvreté et prédit la proximité de l'Apocalypse. Ces discours ont un certain retentissement, notamment auprès des paysans qui vendent leur bien pour la suivre dans sa croisade. La Baronne à l'esprit piétiste s'attire bientôt l'hostilité des pouvoirs locaux, religieux comme séculiers. Elle sera ainsi chassée d'Argovie en 1817.