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Une émission de divertissement radiophonique devenue une fondation humanitaire
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La Chaîne du Bonheur, 70 ans d'une culture du don toute helvétique
-Depuis la création de la Chaîne du Bonheur en 1946, 1,7 milliard de francs de dons ont été collectés. En 70 ans, l'émission radiophonique originelle s'est muée en une institution d'aide humanitaire solide et figure parmi les meilleurs systèmes de collecte en Europe.
-Selon plusieurs experts, la Suisse a développé depuis la Deuxième Guerre mondiale une véritable culture du don, qui tient à son statut de pays neutre et privilégié notamment. La population se sentirait redevable mais sans culpabilité.
-Le fait que cette institution était d’abord un divertissement radiophonique, fait par des journalistes et animateurs qui allaient à la rencontre des gens, a également créé une proximité avec la population qui a participé au succès et à l'essor de La Chaîne du Bonheur.
Olivier Horner avec Caroline Briner, Miruna Coca-Cozma, Valentin Tombez, RTSCulture et RTSArchives
2016
La Suisse possède "une culture du don"
Selon Michèle Mercier, auteure de "La Suisse généreuse : Dans les coulisses de la chaine du bonheur" (2013, Editions Labor et Fides) et ex-dirigeante adjointe de la Chaîne du Bonheur, il existe historiquement "une culture du don en Suisse". D'après les expériences faites ces dernières décennies et, surtout, depuis la Seconde Guerre mondiale, "il est assez naturel de porter secours à ceux dans le besoin et cette solidarité semble s’être renforcée au fil des ans au vu des montants des collectes."
Michèle Mercier, auteure de "La Suisse généreuse
-Comment expliquer cet altruisme ?
Parmi les éléments qui participent sans doute de cette culture du don, il y a le fait que la Suisse a historiquement été épargnée par les conflits, que c’est un pays privilégié. Les Suisses rendent ainsi aux autres pour équilibrer la balance, si j’ose dire. La majorité des gens se sentent redevables, mais de manière positive et non culpabilisante.
-Y'a-t-il d'autres éléments encore?
Un autre facteur tient sans doute à la traçabilité, à la transparence et à la visibilité du don effectué à la Chaîne du Bonheur à titre privé, individuel.
Il y a enfin une dimension liée aux origines médiatiques de la Chaîne du Bonheur qui a contribué à l’essor des dons en Suisse. Le fait que cette institution helvétique était d’abord un divertissement radiophonique, fait par des journalistes et animateurs, qui allait à la rencontre des gens a créé une proximité avec la population. Les gens se sont sans doute sentis moins intimidés que si la collecte émanait d’une institution ou organisme humanitaire.
C’est un trait original et novateur historiquement de la Chaîne du Bonheur par rapport aux Restos du cœur par exemple, même si celle-ci a été contrainte de se professionnaliser et se transformer par la suite en fondation vu l’importance des sommes récoltées.
2016
"Le rattrapage humanitaire de la Suisse"
Pour le professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Lausanne (UNIL) et spécialiste des médias François Vallotton, "la question du don n’est pas totalement nouvelle au moment de la création de la Chaîne du Bonheur". Et l'historien de préciser: "A la fin de la guerre se crée l’organisation du "Don suisse" sous l’égide de la Confédération, qui devait réunir de l’argent pour soutenir les populations civiles touchées par le conflit. Ensuite, d’autres associations caritatives, humanitaires prendront le relais. La Chaîne du Bonheur s’inscrit dans cette dynamique que l’historien Jean-Claude Favez a nommé "le rattrapage humanitaire de la Suisse", qui s’est opéré dès 1944 après les mesures extrêmement restrictives par rapport aux réfugiés de 1942."
François Vallotton, historien
-La transparence, traçabilité, visibilité du don a-t-elle contribué à la confiance envers la Chaîne du Bonheur?
Les vedettes de l’époque, Roger Nordman et Jack Rollan, ont drainé un capital sympathie et créé un capital confiance. La Chaîne du Bonheur s’inscrit dans un dispositif plus large. Avec aussi le radio programme qui annonce les opérations et donne un suivi à certaines actions. Il y a donc finalement une sorte de feuilleton radiophonique, relayé encore par la presse et diverses organisations partenaires, qui montrent à la population que ce n’est pas qu’une opération ponctuelle. C’est donc une institution qui fonctionne avec une certaine pérennité et une confiance qui se constitue étape par étape autour du succès et de la présence de l’émission dans la sphère publique
Reste qu'il faut distinguer certaines périodes car la Chaîne du Bonheur a connu certaines fluctuations. Au début des années 80, la confiance s’est émoussée au moment de la métamorphose de la Chaîne du Bonheur, qui est passée d'une émission à une fondation institutionnelle. Cela participait aussi sans doute du changement de l’émission, de ses canaux. La Chaîne du Bonheur s’était peut-être alors éloignée un temps du public et de ce contact régulier avec ses donateurs potentiels.
1992 - 2016
Jean-Marc Richard au service du bonheur
Historiquement, vedettes mais aussi journalistes, anonymes forment la chaîne des précieux bénévoles qui donnent de leur temps pour récolter les dons. Parmi eux figure, depuis 1992, l'emblématique animateur Jean-Marc Richard qui se dépense sans compter durant des journées marathons des collectes "pleines d'émotion".
>> Rétrospective en vidéo de l'engagement de Jean-Marc Richard: 24 ans en 4 minutes.
Jean-Marc Richard et la Chaîne du Bonheur en 4 minutes / Info en vidéos / 4 min. / le 30 septembre 2016
1999 -2016
Les plus grandes actions solidaires
Parmi les cinq plus grandes collectes de son histoire, la Chaîne du Bonheur indique que deux ont eu lieu après des catastrophes naturelles, une après un conflit armé et deux suite à des intempéries en Suisse. Historiquement, la première des grandes actions de solidarité date de 1999 suite à la guerre au Kosovo.
A l'échelle internationale, 227 millions de francs ont ainsi été récoltés suite au tsunami de décembre 2004 en Asie, 66,7 millions après le séisme en Haïti de janvier 2010 et 49,9 millions pour les victimes de la guerre au Kosovo en avril 1999.
En Suisse, 74 millions de francs ont pu être récoltés suite aux intempéries d'octobre 2000 en Valais, au Tessin et à Gondo, tandis que celles d'août 2005 en Suisse centrale, dans l'Oberland bernois et les Grisons ont permis de récolter 49,5 millions.
>> Les plus importantes collectes après des catastrophes
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Note: Les données restent lacunaires concernant les premières années d'existence de la Chaîne du Bonheur comme celle-ci collectait surtout des dons en nature.
1983
L'émission radio devient une fondation autonome
D'émission de radio, la Chaîne du Bonheur devient, en 1983, une fondation autonome. Son siège est à Genève et ses opérations sont relayées par les différentes chaînes nationales de la SSR.
>> En 1996, la Chaîne du Bonheur a 50 ans. Retour en archives, sur un demi-siècle d'actions.
1971
Action en faveur des réfugiés du Bengale
>> Archives RTS: En 1971, une caravane parcourt la Suisse romande en vue de récolter des fonds pour les réfugiés du Bengale. Halte à Genève.
Mars 1961
Opération en faveur des "lépreux"
>> Emission en faveur des "Lépreux" le 30 mars 1961. Avec Raoul Follereau, président de l'Ordre de la charité, docteur Gay Priero, médecin-chef de l'OMS et Pierre Fresnay
RTS
Emission en faveur des "Lépreux" le 30 mars 1961. / RTSCulture / 55 sec. / le 22 septembre 2016
1951
Première grande collecte
En 1951 est lancée une opération d'aide aux sinistrés des inondations en Italie. Après le sérieux d'une rencontre avec le président du Conseil des ministres italien Alcide De Gasperi, l'animateur Michel Deneriaz entame une chanson humoristique sur le voyage de Roger Nordmann en Italie.
RTS - RTS
L'Italie inondée / Chaîne du bonheur / 2 min. / le 1 janvier 1951
Janvier 1950
Un concept humanitaire divertissant
Radio Sottens invente ainsi le concept de "Chaîne du Bonheur". L'invitée de cette première émission est Juliette Hédiguer, une habitante d'Avenches (VD) qui a temporairement recueilli un orphelin anglais de la Seconde Guerre mondiale.
Malgré le sérieux de ses objectifs, l'émission veut aussi divertir. La bonne humeur est au rendez-vous: improvisations et chansons se succèdent. Jack Rollan et Roger Nordmann sont les inventeurs d'un nouveau ton radiophonique qui tranche avec les discours parfois compassés des speakers de l’époque.
>> Le 25 janvier 1950, la Chaîne du Bonheur est à Cugy (VD) pour collecter des saucisses. Les enfants du village reprennent la chanson leitmotiv de l'émission : "Y a du bonheur partout".
ASL - RTS
La tournée des saucisses / Chaîne du bonheur / 2 min. / le 25 janvier 1950
26 septembre 1946
Naissance de la Chaîne du Bonheur
Le 26 septembre 1946 sur les ondes de Radio Sottens (devenue la Radio Suisse romande puis à présent la Radio Télévision Suisse-RTS), les journalistes Roger Nordmann et Paul Vallotton ainsi que l'animateur et chansonnier Jack Rollan font une première émission en faveur des orphelins de la Seconde Guerre mondiale.
L'idée est de récolter des dons, à travers une chaîne de solidarité qui a pour but de rapprocher les hommes et de les aider à adoucir leurs souffrances. Un auditeur émet un vœu et celui qui le réalise a le droit d’en formuler un autre au cours d’une prochaine émission.
>> Retour sur l'histoire de l'organisation:
La Chaîne du Bonheur fête ses 70 ans d’existence / 19h30 / 2 min. / le 26 septembre 2016
18 septembre 1946
Annonce de la création de La Chaîne du Bonheur
Le 18 septembre 1946, dans le fameux cabaret lausannois du Coup de soleil, est officiellement mais festivement annoncé la création de l'émission radiophonique de divertissement.
Josette Suillot, documentaliste à la RTS, a exhumé le premier enregistrement audio lié à la Chaîne du Bonheur figurant dans les archives de la RTS.
>> " Y'a du bonheur partout", la chanson-slogan de Roger Nordmann et Jack Rollan reprise en choeur par des enfants, en 1946.
RTS
"Y'a du bonheur partout", la chanson-slogan de Roger Nordmann et Jack Rollan reprise en choeur par des enfants, en 1946. / RTSCulture / 42 sec. / le 22 septembre 2016