La Suisse restitue à l'Irak trois biens culturels archéologiques importés illégalement
La statue et les deux reliefs assyriens qui vont être restitués sont d'une grande importance, indique vendredi l'Office fédéral de la culture (OFC). Ils viennent de Mésopotamie, une région historique du Proche-Orient considérée comme le berceau de la civilisation et située en grande partie sur le territoire de l’Irak actuel.
Les trois objets confisqués à Genève ont été remis au ministre des Affaires étrangères de la République d'Irak par la conseillère fédérale en charge de la Culture Elisabeth Baume-Schneider. Il s'agit de la cinquième restitution d'objets à l'Irak par la Suisse depuis 2005 et de loin la plus importante, note l'OFC.
Depuis 2005, la Suisse a restitué plus de 6000 biens à plusieurs pays. "En Suisse, il y a beaucoup de collectionneurs donc il y a un assez grand trafic – légal – de biens culturels", explique Fabienne Baraga, cheffe du service spécialisé dans les transferts internationaux des biens culturels à l'OFC, dans le 12h30 de la RTS. "Mais cela signifie qu'il y a aussi un trafic illégal et dans ces cas, les biens culturels sont confisqués et retournés à leur pays d'origine."
Ces trafics illégaux se sont intensifiés ces dernières années, précise Fabienne Baraga. Il existe un grand marché pour de tels objets et la loi suisse "prévoit assez clairement une exception". "La Suisse peut retarder la restitution si les biens culturels ne sont pas en sécurité au moment où ils sont retournés à leur pays", indique-t-elle.
>> Lire aussi : La restitution d'œuvres d'art volées, un domaine en lente progression
Deux reliefs assyriens
Les deux grands reliefs assyriens datant du VIIIe siècle avant J.-C. proviennent du site archéologique de Nimrud-Kalhu. Ils ont été découverts dans le palais central lors de fouilles officielles et ont ensuite été exportés illégalement à une date et dans des circonstances inconnues.
Le premier provient de la double frise monumentale relatant le règne de Tiglath-Phalazar III (745-722 av. J.-C.) et montre des soldats assyriens déportant les divinités de Babylone et sa population. Avec le relief voisin conservé au British Museum, il forme la plus ancienne scène de déportation connue.
Le second relief comportait un double registre de dignitaires armés séparés par une inscription cunéiforme, bordé à droite par un arbre de vie, symbole de la royauté. Le relief a été volontairement mutilé, probablement dans l'intention de le vendre, selon l'OFC. La partie restituée à l'Irak représente un seul dignitaire armé d'un bouclier et brandissant une lance, au-dessus de l'inscription, qui reste à déchiffrer.
Le troisième objet est un fragment de buste royal du II-IIIe siècle, originaire de la ville antique de Hatra. Il représente le roi de Hatra en train de prier. Il a été découvert lors des fouilles de 1959.
Ces biens feront exceptionnellement, en raison de leur importance historique et artistique de tout premier plan, l'objet d'une exposition à la Bibliothèque nationale suisse, précise l'OFC. L'exposition, qui peut être visitée librement, se tient pendant deux semaines à partir de vendredi.
Mésopotamie fouillée
edel avec ats
La Mésopotamie particulièrement concernée
La Mésopotamie est particulièrement concernée par les fouilles illégales, la contrebande et le commerce illicite de biens culturels, précise l'OFC. Dès 1845, l'exploration archéologique de la région est devenue le théâtre d'une concurrence acharnée entre la France et l'Angleterre, qui souhaitaient doter le Louvre et le British Museum des oeuvres les plus spectaculaires.
C'est dans ce contexte qu'ont eu lieu les fouilles menées entre 1846 et 1849 à Nimroud-Kalkhu dont proviennent les reliefs restitués. Largement médiatisées, les fouilles ont créé un véritable engouement populaire à la base de fouilles ultérieures.