La Suisse des artistes

Grand Format

Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne

Introduction

Des paysages époustouflants du Lavaux au paisible village de Stampa dans les Grisons, notre série d’été vous amène sur les traces de grands artistes suisses, dans les lieux qui les ont inspirés et transformés.

Chapitre 01
Les paysages du Lavaux de Ferdinand Hodler

PIERRE MONTAVON - Musée d'art de Pully

Nombreux sont les artistes à avoir été inspirés par la beauté des rives du Léman. Fasciné par le plus grand lac d'Europe, le peintre suisse Ferdinand Hodler (1853-1918) en a fait l'un des motifs majeurs de son œuvre.

Agé de dix-huit ans à peine, c'est lorsqu'il arrive à Genève que l'artiste commence à s'émerveiller de la beauté du Léman. Il y restera attaché jusqu'à sa mort, le peignant inlassablement: sur les 600 paysages réalisés par le Bernois, 111 toiles s'inspirent du lac.

Depuis Chexbres, Rivaz ou Genève, le peintre multiplie les points de vue et les atmosphères, peint le Grammont ou les Alpes savoyardes au gré de ses humeurs. Un éventail de paysages, animé par d'infinies variations, alors que le sujet principal reste toujours le même.

Dans le livre "Quand vos nuits se morcellent", l'écrivain Daniel de Roulet évoque la fascination qu'il éprouve face aux œuvres du grand peintre. "Hodler avait l'habitude de dire du lac qu'il était un paysage planétaire. Je crois qu'il m'a appris ce que l'on nomme le patriotisme géographique", explique-t-il. "Dans ses toiles, on voit la Suisse, mais aussi une grande partie des montagnes françaises. On constate que nos paysages sont frontaliers, que beaucoup de Suisses habitent au bord d'un lac que l'on partage avec la France. C'est une ouverture sur le monde d'un point de vue géographique. Il a réussi à mythifier ce paysage", poursuit-il.

Amour et mort de Valentine

"La Malade ou Portrait de Valentine Godé-Darel, malade", huile sur toile de Ferdinand Hodler. [Institut Ferdinand Hodler ]"La Malade ou Portrait de Valentine Godé-Darel, malade", huile sur toile de Ferdinand Hodler. [Institut Ferdinand Hodler ]

Dans son ouvrage, Daniel de Roulet revient aussi sur l'histoire d'amour que Ferdinand Hodler a vécu avec Valentine Godé-Darel, une Parisienne divorcée de 20 ans sa cadette, qu'il rencontre en 1908. Valentine devient la mère de sa fille, son modèle, son amante. Pendant plusieurs années, le couple vit une idylle tumultueuse, faite de ruptures et de retrouvailles.

Valentine s'installe en Suisse. Au début des années 1910, Hodler multiplie ses séjours à Vevey pour rejoindre son amante. En 1913, peu de temps après la naissance de leur fille, on lui diagnostique un cancer des ovaires. "L'histoire qu'il a eue avec elle est unique dans l'histoire de la peinture", souligne Daniel de Roulet. "Il la peindra durant son hospitalisation à Vevey et la dessinera jusqu'au bout, y compris quand elle sera morte. Je ne sais pas qui d'autre a osé faire ça", détaille-t-il.

Dans les jours, les mois et les années qui suivent la mort de Valentine, Ferdinand Hodler continuera de peindre des vues lumineuses du lac, surplombées des Alpes ou du Mont Blanc.

>> Voir le reportage du 19h30:

Notre série "Sur les traces des grands artistes suisses": Ferdinand Hodler [RTS]
19h30 - Publié le 9 juillet 2023

Chapitre 02
Le renouveau de Meret Oppenheim à Berne

Keystone

Grande dame du mouvement surréaliste, Meret Oppenheim est le nom le plus établi de l'art moderne suisse. Née à Berlin d'un père hambourgeois et d'une mère suisse, l'artiste grandit entre Bâle, Delémont et le Tessin. À 20 ans, elle s'envole à Paris et entre rapidement dans le cercle très viril des surréalistes. Elle devient l'intime des grands noms du mouvement - Alberto Giacometti, André Breton ou Max Ernst.

En 1936, elle signe l'une de ses œuvres les plus connues: "Le Déjeuner en fourrure", qui lui vaudra une reconnaissance immédiate.

La sculpture le "Déjeuner à la fourrure" de Meret Oppenheim. [Keystone]La sculpture le "Déjeuner à la fourrure" de Meret Oppenheim. [Keystone]

L'objet devient l'emblème du surréalisme et marque l'entrée de Meret Oppenheim dans l'histoire de l'art du XXe siècle. Mais le succès a l'effet d'une malédiction: son nom devient inséparable de sa sculpture et les milieux de l'art exercent sur elle une lourde pression. À la surprise générale, elle quitte Paris pour Bâle en 1938.

Les années bernoises

Jusqu'aux années 50, Meret connaît des doutes sur son développement artistique et personnel. Elle s'installe à Berne en 1949 et y loue un atelier. À cette époque, la capitale se profile comme le centre artistique le plus pointu de Suisse, lié aux pôles de la contre-culture d'Europe et des États-Unis. Elle fait rapidement partie de la jeune scène artistique active autour de la Kunsthalle et retrouvera toute sa créativité.

Le collectionneur d'art Christophe Bürgi a rencontré Meret Oppenheim alors qu'il était âgé de 14 ans. Ils sont restés amis jusqu'à la mort de cette dernière, en 1985. "Meret venait souvent chez mes parents, qui étaient proches des milieux de l'art. On avait 20 ans de différence, mais elle m'a toujours considéré comme un adulte", se remémore-t-il.

"Elle était rebelle et refusait qu'on la range dans une catégorie. Elle a commencé sa carrière chez les surréalistes, mais elle a très vite trouvé son propre chemin. Son art était souvent perçu comme de la provocation", poursuit-il.

Exemple avec sa fontaine érigée en 1983 sur la Waisenhausplatz à Berne. Lorsqu'elle crée cette œuvre destinée à l'espace public, Meret Oppeneheim a pour idée d'ériger une colonne symbolisant la nature. "Les habitants ont été déçus. Je ne pense pas que c'était trop moderne pour l'époque, mais c'était trop moderne pour les Bernois. Ça ne correspondait pas avec l'idée qu'ils se faisaient d'une fontaine", détaille le collectionneur.

La fontaine de Meret Oppenheim, au Waisenhausplatz square à Berne. [Gaetan Bally - Keystone]La fontaine de Meret Oppenheim, au Waisenhausplatz square à Berne. [Gaetan Bally - Keystone]

L'œuvre est ressentie comme un véritable affront. On la compare même à un doigt d'honneur brandi au milieu de la place. "Meret était très déçue de la réception négative d'une partie de la presse. Pour elle, ça a été un crève-cœur. Maintenant, il y a toute une génération pour qui ça fait partie du patrimoine", affirme-t-il.

Visionnaire et féministe

Durant leur longue amitié, c'est l'indépendance de l'artiste qui marque le plus Christophe Bürgi: "Elle était visionnaire pour l'époque. Pour elle, le plus important était de gagner son propre argent et de ne pas dépendre d'un mari. Si elle était invitée à une exposition exclusivement féminine, elle disait automatiquement non. Pour elle, tous les artistes devaient être considérés sur un pied d'égalité. Ses idées féministes ont marqué la jeunesse bernoise", détaille Christophe Bürgi.

Une reconnaissance obtenue de haute lutte face à ses pairs masculins: l'œuvre d'Oppenheim nous rappelle que les questions d'égalité des sexes dans les institutions artistiques sont toujours d'actualité.

>> Voir le reportage du 19h30:

Retour sur la vie de Meret Oppenheim, une artiste suisse qui a su s’affranchir de toutes les attaches [RTS]
19h30 - Publié le 16 juillet 2023

Chapitre 03
Dans les Grisons, l'enfance d'Alberto Giacometti

Keystone

Né dans le village de Borgonovo dans le val Bregaglia, l'une des cent vingt vallées grisonnes, Alberto Giacometti a grandi au milieu d'un environnement minéral, abrupt et tourmenté, qui l'a durablement marqué.

C'est dans le petit village de Stampa, dans l'Engadine, que l'artiste passait ses étés. "Cet endroit est important pour Alberto. Sa famille possédait à Maloja un chalet où ils passaient l'été au frais, au bord du lac de Sils. C'est ici qu'il a peint ses premiers paysages, à l'âge de 10 ans", explique Marco Giacometti, lointain cousin de l'artiste et directeur du centre Giacometti.

Une précocité sans doute aiguisée par son père Giovanni Giacometti, lui-même peintre impressionniste, estimé des collectionneurs et des artistes suisses.

En 1922, le jeune Giacometti part étudier à Paris et entre à l'Académie de la Grande-Chaumière, où il suit l'enseignement du sculpteur Antoine Bourdelle. Au musée du Louvre, il découvre le cubisme, l'art africain et la sculpture grecque dont il s'inspire dans ses premières œuvres. Mais sa vallée natale n'est jamais bien loin. "Il a apporté à Paris ce qu'il a vécu ici. Son imagination était fortement imprégnée par les émotions vécues ici. Les Grisons représentaient pour lui la place où il pouvait être avec sa famille. Du côté de sa pratique, il avait le temps de faire autre chose, peindre des paysages ou s'essayer à des expériences en sculpture", ajoute Marco Giacometti.

Alberto Giacometti, sculpteur de regard [RTS/]Alberto Giacometti, sculpteur de regard [RTS/]

Un arbre comme une femme

C'est en Suisse où il s'abrita pendant la Deuxième Guerre mondiale que Giacometti concevra la sculpture qui sera le prototype de ses figures debout d'après-guerre: la Femme au Chariot. Les paysages de l'Engadine l'inspirent. En 1950, Giacometti réalise une série de sculptures qui traduisent l'image d'une clairière. "Il avait pour habitude de dire que les arbres de la forêt étaient des femmes, et que les pierres étaient le buste des hommes", détaille Marco Giacometti.

Alberto Giacometti, La forêt, place sept figures une tête, 1950, Saint-Paul-de-Vence, Fondation Marguerite et Aimé Maeght.  [Claude Germain - Archives Fondation Maeght - Alberto Giacometti Summer / SIAE Italie 2019]Alberto Giacometti, La forêt, place sept figures une tête, 1950, Saint-Paul-de-Vence, Fondation Marguerite et Aimé Maeght. [Claude Germain - Archives Fondation Maeght - Alberto Giacometti Summer / SIAE Italie 2019]

Jusqu'à son dernier souffle, le cœur d'Alberto Giacometti est toujours resté au village. Après sa mort, son corps sera transféré à Borgonovo, sa ville natale, auprès de la tombe de ses parents.

"À Stampa, Alberto était un véritable ami pour les villageois, même si les gens pensaient que son art était étrange. Aujourd'hui, les habitants sont vraiment contents de l'empreinte qu'il a laissée dans la vallée", conclut Marco Giacometti.

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Chapitre 04
Dans les rues genevoises avec Sabine Weiss

Laurent Gilliéron - Keystone

Scènes de rue parisiennes et new-yorkaises, reportages à travers le monde, portraits d'artistes, illustrations pour la mode… L'œuvre de la Suissesse Sabine Weiss est prolifique. La photographe, décédée en 2021, était l'une des dernières disciples de l'école française humaniste. Un courant né en France après la Deuxième Guerre mondiale, s'intéressant à l'être humain dans sa vie quotidienne.

Née à Saint-Gingolph en 1924, Sabine Weiss se dirige très jeune vers la photographie et fait son apprentissage chez Boissonnas, une dynastie de photographes établie à Genève depuis la fin du XIXe siècle. Celle qui se définissait comme une photographe-artisan plutôt que comme une artiste a toujours eu une prédilection pour l'humain.

Laure Augustins a été l'assistante de Sabine Weiss pendant 10 ans. Elle revient sur son parcours, qui débute dans les rues basses de la Cité de Calvin. "C'est dans un studio situé au passage des Lions qu'elle commence son apprentissage en 1942. Dès les débuts, on ressent déjà sa patte, notamment avec ses portraits d'artistes dans leurs ateliers. En 1945, elle publie son premier reportage dans un journal suisse sur les GI's américains en permission à Genève", explique-t-elle.

Premier reportage de Sabine Weiss, publié en 1945. [© Sabine Weiss, collections Photo Elysée.]Premier reportage de Sabine Weiss, publié en 1945. [© Sabine Weiss, collections Photo Elysée.]

Départ à Paris

Des amours impossibles la forcent à quitter Genève pour Paris en 1946. Elle y rencontre son mari, le peintre américain Hugh Weiss en 1950, et se lance comme photographe indépendante. Elle arpente de nuit la capitale avec son compagnon pour figer des instants fugaces: ouvriers en action, baisers furtifs, allées et venues dans les bouches de métro.

Le couple fréquente le milieu des artistes de l'après-guerre. Des rencontres qui l'amèneront à photographier Georges Braque, Joan Miró ou André Breton. Mais c'est à Genève qu'elle rencontre Annette Arm, future épouse du sculpteur Alberto Giacometti. "Sabine était très proche du couple. C'est notamment elle qui a photographié l'artiste dans son atelier. Lors de sa mort, elle a travaillé pour Annette en documentant toutes ses œuvres, que ce soit en France où à l'étranger", poursuit Laure Augustins.

Sabine Weiss photographiée dans son atelier parisien, le 15 décembre 2020. [AFP]Sabine Weiss photographiée dans son atelier parisien, le 15 décembre 2020. [AFP]

Son travail très vaste est reconnu aux États-Unis et en Europe dès les années 1950, durant lesquelles ses photos sont publiées dans de grandes revues comme Vogue. En 2018, la Swiss Photo Academy la récompense pour l'ensemble de son œuvre.

Sabine Weiss restera l'unique femme photographe au lendemain de la guerre à avoir exercé ce métier aussi longtemps et de façon aussi diversifiée. Prolifique et généreuse, l'artiste a légué en 2017 près de 200'000 négatifs au Musée de l'Elysée à Lausanne.

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Sur les pas de Sabine Weiss: La photographe a fait ses gammes à Genève avant de devenir mondialement connue [RTS]
19h30 - Publié le 30 juillet 2023

Chapitre 05
À Zurich, les graffitis d’Harald Naegeli

Keystone

Entre 1977 et 1979, un mystérieux graffeur sévit à Zurich. L'individu muni d'un atomiseur de peinture noire sème ses figures partout dans la ville, au nez et à la barbe des autorités.

Devenu mondialement célèbre en tant que "Sprayeur de Zurich", les graffitis d'Harald Naegeli ont été pour l'artiste une façon de protester contre l'urbanisation et l'image monotone de Zurich.

C'est aux Beaux-Arts de Paris que le jeune homme prend connaissance des travaux de Gérard Zlotykamien et d'Ernest Pignon-Ernest, deux des précurseurs de l'art urbain en France.

Dès 1977, il se met à dessiner sur les murs zurichois. "J'ai commencé à sprayer de façon très modeste à l'arrière-cour d'un immeuble. Cette sensation m'a emporté comme un torrent. Je suis devenu plus hardi et je me suis mis à sprayer mes personnages dans toute la ville", glisse l'artiste aujourd'hui âgé de 83 ans.

Le jeune homme tague ses bonhommes allumettes, représentant souvent des esprits de la nature, sur les bâtiments et murs qu'il considère comme ennuyeux. Élégance et légèreté caractérisent ses personnages. "Ses dessins ont beaucoup à voir avec la magie. Ils questionnent aussi les notions d'esthétisme et de propriété", explique Manuela Hitz, co-directrice du Musée visionnaire à Zurich, qui a consacré une rétrospective de l'artiste en 2021. Né dans une famille de la grande bourgeoisie zurichoise, Harald Naegeli s'insurge contre le côté soigné, petit-bourgeois et huppé de la ville. "Pour les habitants de l'époque, il salissait sa ville", ajoute Manuela Hitz.

De tagueur à artiste respecté

L'identité de Naegeli reste longtemps inconnue car il agit de nuit, avec une grande discrétion. Progressivement, son travail suscite l'intérêt du public mais aussi de la police. En 1981, il est condamné à neuf mois de prison et à une amende de plus de 100'000 francs. Pour échapper à la sentence il se réfugie en Allemagne, où un mandat d'arrêt international est émis contre lui. Il sera arrêté en 1984, emprisonné et extradé en Suisse où il exécutera sa peine, avant de retourner vivre en Allemagne. Il travaillera à Düsseldorf pendant plus de 30 ans, mais reviendra régulièrement dans sa ville natale.

Harald Naegeli posant devant sa toile 'The Eye 1984' en 2016. [Keystone]Harald Naegeli posant devant sa toile 'The Eye 1984' en 2016. [Keystone]

Des expositions à Zurich lui seront consacrées en 1989 à l'Ecole polytechnique fédérale et en 1993 au Kunsthaus. En 2004, le canton de Zurich décide de réhabiliter "le spayeur de Zurich" en faisant restaurer l'un de ses graffitis, "Ondine", sprayé en 1978 sur le mur d'un bâtiment de l'université.

De retour à Zurich, il tague en 2020 plus de 80 "Danses macabres" pendant le premier confinement lié au Covid 19. Si le canton le poursuit en justice, la ville, quant à elle, lui décerne le Prix artistique de la ville de Zurich. "Un prix que j'aurais refusé il y a 20 ans, car pour moi il représente la domestication des artistes par l'Etat. On peut dire que finalement, les autorités ont tout fait pour me rendre célèbre", ironise l'artiste.

Si son œuvre polarise encore aujourd'hui, Harald Naegeli a largement contribué à l'expansion du street art en Europe. Un parcours empreint d'idéalisme, qui témoigne de la vie d'un homme aux multiples facettes. "J'ai toujours vécu dans ma propre utopie… C'est ce qui a donné du sens à ma vie", conclut-il.

>> Voir le reportage du 19h30:

La Suisse des artistes sur les pas de Harald Naegeli, plus connu sous le nom du "sprayeur de Zurich" [RTS]
19h30 - Publié le 23 juillet 2023

Chapitre 06
À La Chaux-de-Fonds, la première maison de Le Corbusier

Keystone

Classée monument d'importance nationale mais longtemps laissée à l'abandon, la Maison Blanche est un témoin de l'architecture pionnière du XXe siècle et de l'évolution de Charles-Edouard Jeanneret, dit Le Corbusier. C'est à 25 ans que le père de l'architecture construit cette maison pour ses parents. Elle sera sa première réalisation en tant qu'architecte indépendant: "C'est la première fois que Le Corbusier dessine une maison de A à Z, où il suit le chantier du début à la fin", explique Pascal Bourquin, artiste peintre et président de l'association Maison Blanche.

Son caractère néo-classique rompt avec l'Art nouveau régional et se réfère notamment aux expériences faites à Paris auprès d'Auguste Perret et à Berlin auprès de Peter Behrens. "Il prend déjà un parti très personnel par rapport à ce qui se faisait dans la région. Par exemple en peignant certains des murs d'un bleu d'Outre-mer qui vient d'Orient, souvenir d'un voyage qu'il avait fait en 1911. La couleur a toujours été importante dans son architecture. On sait qu'il faisait des gammes de couleurs avant même de construire le bâtiment", détaille Pascal Bourquin. "Cette maison a été un laboratoire pour lui. L'idée était de faire un maximum d'essais, qu'ils soient concluants ou non", ajoute-t-il.

>> Lire aussi: La Villa Le Lac, oeuvre de Le Corbusier, fête ses 100 ans

La maîtrise du plan, de l'espace et de la lumière, le dépouillement décoratif annoncent certains éléments de l'architecture puriste de Le Corbusier. Dans une notice, l'architecte explique que "les proportions de toutes les pièces ont été étudiées de très près et que certaines obéissent à des lois de l'architecture complètement perdues, employées autrefois dans les grandes époques d'art de l'antiquité."

La famille Jeanneret quittera la maison et la mettra en vente en 1919. Plusieurs propriétaires s'y succéderont au cours du siècle, avant d'être classée comme monument historique par le canton de Neuchâtel en 1979.

En l'an 2000, le bâtiment a pu revivre grâce à l'engagement citoyen de personnes qui ont créé une association. Grâce à une équipe de bénévoles, la Maison Blanche accueille plus de 4000 visiteurs par an.

Par sa qualité et sa position charnière dans l'œuvre de Le Corbusier, l'ouvrage appartient pleinement au patrimoine architectural mondial.

>> Voir le reportage au 19h30 :

Notre série sur les artistes suisses. Immersion dans la Maison Blanche, première construction du célèbre architecte Le Corbusier [RTS]
19h30 - Publié le 20 août 2023