>> Mercredi 13 octobre 2021 marque le centenaire de la naissance d'Yves Montand, et dans quelques jours, le 9 novembre, le trentenaire de sa mort.
>> De son vivant, l'acteur et chanteur français fut une star internationale, adoré aux Etats-Unis comme en Russie. Le fils d'immigrés italiens a tenu sa revanche: devenir un symbole de la France et le prototype du "French lover". Sa liaison avec Marilyn Monroe reste célèbre.
>> Yves Montand, qui a commencé à travailler à l'âge de 11 ans à l'usine, a longtemps été le compagnon de route du communisme avant de perdre ses illusions. Il n'en a pas moins incarné, avec sa femme Simone Signoret, une certaine gauche française. Il a même failli se présenter aux élections présidentielles de 1988.
>> Pour célébrer ce double anniversaire, sa dernière épouse, Carole Amiel, publie "Yves Montand, la force du destin", tandis que le documentaire "Montand est à nous", réalisé par Vincent Josse et Yves Jeuland, sera diffusé jeudi 13 octobre sur France 3.
>> Retour sur le parcours exceptionnel d'Ivo Livi de son vrai nom, à travers des archives audiovisuelles de la RTS.
mcm
Un fils d'immigrés italiens
De Ivo Livi à Yves Montand
De son vrai nom Ivo Livi, Yves Montand est né le 13 octobre 1921 dans le village toscan de Monsummano Terme. Il n’a que deux ans lorsque sa famille décide de s’installer dans les quartiers pauvres de Marseille pour fuir le fascisme.
Son origine prolétarienne déterminera toute sa vie son engagement politique aux idéaux de gauche, sans jamais appartenir à un parti.
Les premières années de l’enfant à Marseille se passent au sein d’une famille unie, mais pauvre. Il grandit en se passionnant pour le cinéma, notamment pour les comédies musicales américaines où il admire Fred Astaire et ses numéros de claquettes.
Mais, à l’heure où d’autres jouent aux billes, Ivo travaille à l’usine à l'âge de 11 ans puis obtient un CAP de coiffeur pour assister sa sœur.
A 17 ans, attiré par la scène, il fait ses débuts à Marseille, d'abord comme chauffeur de salle avant de se mettre à chanter.
Chanteur avant d'être acteur
Le protégé de Piaf
C'est d'abord par le music-hall qu'Yves Montand s'est fait connaître."Battling Joe", "Les grands boulevards", "Les feuilles mortes", "A bicyclette", les succès jalonnent une carrière entamée en 1941.
Le chanteur, sous l'influence d'Édith Piaf dont il devient l'amant, peaufine ses entrées en scène, abandonne son accent méridional, se constitue un nouveau répertoire et renouvelle son jeu de scène. Le chanteur emporte l'adhésion du public en février 1945 au Théâtre de l'Etoile, en première partie d'Édith Piaf, laquelle lui a écrit plusieurs chansons, notamment "Elle a...".
Le couple se sépare en 1945 à l'initiative de Piaf qui estime que son protégé commence à lui faire trop d'ombre.
En 1948, il rencontre Simone Signoret. Coup de foudre. Ils se marient en 1951, année où il triomphe avec un tour de chant de vingt-deux chansons, qui marque l'histoire du music-hall et du one-man-show.
En 1957, accompagné de Simone Signoret, il entreprend une tournée spectaculaire dans tous les pays du bloc de l'Est, dont il revient profondément désabusé, déçu par le communisme dévoyé de l'Europe de l'Est.
Il délaisse la scène pendant quelques années, mais y revient brusquement en 1973, après le coup d'Etat de Pinochet, pour marquer son soutien au peuple chilien. Sa démarche est filmée par Chris Marker dans "La solitude du chanteur de fond".
Le début des années 1980 marque son grand retour à la chanson et à la scène, après treize ans d'absence. Le chanteur enregistre l'album "Montand d'hier et d'aujourd'hui", avec une chanson qui lui tient particulièrement à coeur, "Le mégot", qui raconte l'horreur des camps soviétiques. Il se produit à guichets fermés plusieurs mois à l'Olympia.
Naissance au cinéma
Des débuts difficiles
En 1946, Yves Montand se lance dans le cinéma avec "Les portes de la nuit" de Marcel Carné qui est un échec aussi bien critique que commercial, même si aujourd'hui le film est devenu un classique. Yves Montand estime qu'il y est très mauvais, n'ayant jamais appris à jouer la comédie. Mais il fait une rencontre capitale, celle de Jacques Prévert qui deviendra un ami et qu'il l'inspirera toute sa vie.
Il faut attendre 1953 et "Le salaire de la peur" de Clouzot pour qu'il obtienne un rôle marquant. Le film connaît un grand succès mais Montand n'a pas aimé ce tournage, ni le metteur en scène, qu'il juge cruel sur le plateau.
En 1959, il conquiert l'Amérique via Broadway et tourne quelques films aux Etats-Unis, dont "Le milliardaire" de Cukor, avec Marilyn Monroe. Eloignés de leur partenaire respectif, les deux acteurs auront une liaison largement commentée dans la presse people.
Simone Signoret, grande classe, en souffre mais confiera plus tard: "Je ne peux pas me permettre de juger ce qui a pu se passer entre un homme, mon mari et une femme, ma copine, qui travaillaient ensemble, vivaient sous le même toit et par conséquent partageaient leur solitude, leurs angoisses et leurs souvenirs d’enfants pauvres".
Pourtant, malgré ses succès français et outre-Atlantique, Yves Montand dit qu'il a vraiment commencé à faire du cinéma en 1962 avec "Compartiment tueurs" de Costa-Gavras, avec qui il tournera plusieurs films marquants comme "Z" ou "L'aveu". Montand a besoin d'être en communion de pensée avec son metteur en scène. Il s'en explique dans cet entretien avec Christian Defaye:
Il abandonne alors le music-hall pour s'adonner au cinéma. Il travaillera sous la direction d'Alain Resnais, René Clément, Claude Lelouch, Philippe de Broca, Jean-Pierre Melville, Gérard Oury, Jean-Luc Godard et, surtout, Claude Sautet, avec qui il tournera trois films, incarnant la fragilité des hommes à la cinquantaine.
Durant les années 1970, Montand alterne films engagés et comédies, s'imposant comme un des acteurs français les plus populaires. Malgré ses combats, ses coups de gueules et ses engagements politiques, Montand reste profondément un troubadour, un amuseur qui aime amuser.
Montand et la politique
Un Reagan à la française
En février 1984, au retour d'une tournée triomphale de récitals en France et aux États-Unis, Montand crée l'événement en assurant le commentaire de "Vive la crise", l'un des premiers docu-fictions de l'histoire du petit écran.
Il évoque, sous la forme de faux reportages, l'état de l'économie dans le monde. Les vingt millions de téléspectateurs qui ont suivi ce programme et la classe politique sont impressionnés par son sens de la pédagogie.
Certains lui prédisent une carrière politique et une folle rumeur commence à courir: l'acteur envisagerait de se présenter à l'élection présidentielle de 1988. Les premiers sondages, très prometteurs, font dire aux observateurs qu'il a toutes les chances de devenir le "Ronald Reagan français".
ll s'en défend dans un entretien accordé à Christian Defaye dans l'émission "Spécial cinéma", où il résume sa position ainsi: "Pour me faire entendre, si j'ai quelque chose à dire, faut-il viser la présidence?". La réponse est "non".
La mort de Simone Signoret, en 1985, lui enlève toute ambition présidentielle et marque le début de son automne, malgré sa nouvelle compagne, Carole Amiel, et la naissance de son seul enfant, Valentin.
Pourtant, Yves Montand sera bien président... mais président du jury au Festival de Cannes en 1987, où sera primé "Sous le soleil de Satan", de Maurice Pialat.