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Chez les jeunes danseurs, effort rime parfois avec souffrance

Une jeune ballerine retouche sa coiffure (image d'illustration). [Keystone/AP Photo - Leslie Mazoch]
15 Minutes - Chez les jeunes danseurs, effort rime parfois avec souffrance / 15 minutes / 15 min. / le 19 juin 2021
Depuis quelques semaines, l'Ecole Rudra, du prestigieux Ballet Béjart à Lausanne, est dans la tourmente. Un audit fait état d'abus de pouvoir, de népotisme et de graves dysfonctionnements pédagogiques. Chez les plus jeunes danseurs également, l'effort rime parfois avec souffrance. Témoignages dans l'émission Quinze minutes.

En Suisse romande, près de 280 élèves, des filles dans leur très grande majorité, suivent des formations "Danse-études". Elles dansent jusqu'à 25 heures par semaine grâce à un horaire scolaire allégé.

Un rythme soutenu et des exigences élevées qui inquiètent le Dr Boris Gojanovic, médecin du sport à l'Hôpital de la Tour à Genève et au Centre SportAdo au CHUV. Il reçoit beaucoup de danseurs et surtout de danseuses, pour des problèmes liés au surentraînement - des fractures de fatigue - ou des troubles alimentaires.

Il regrette que les pressions qui pèsent sur leurs épaules pendant les études soient souvent occultées: "Quand face à une blessure, on veut prendre contact avec un professeur, on a souvent peu d'écoute", explique-t-il.

Blessures et troubles de l'alimentation

Car l'excellence a un prix, que tout le monde n'est pas prêt à payer. A l'image de ces jeunes danseuses qui ont fini par quitter la filière "Danse-études".

Gabriela*, 17 ans aujourd'hui, s'est blessée de nombreuses fois. Elle critique une certaine culture de la souffrance: "C'est normal d'avoir des courbatures, mais ce n'est pas normal de danser blessée."

Inès* (prénom d'emprunt), 17 ans, a souffert de troubles de l'alimentation: "En un an, j'ai perdu dix kilos. Et je ressentais une vraie faiblesse. Le culte du corps parfait, c'est très important dans ce milieu. Et avec les autres danseuses on se juge, on se surveille mutuellement au niveau des quantités de nourriture consommées. On ne voit même plus le corps prendre des formes."

Un encadrement autoritaire

Louise, 15 ans, regrette l'autoritarisme de l'encadrement: "On travaillait 15 heures par semaine. Mais une fois la directrice a pris la parole à la fin du cours pendant 17 minutes où elle nous a juste dit qu'on ne se donnait pas à fond et qu'elle avait honte d'envoyer des factures à nos parents à cause de notre niveau. Un tiers des filles s'est mis à pleurer. Elle a continué son discours sans les regarder."

"La danse demande de l'humilité, mais ce n'est pas un sacrifice"

Brigitte Roman, directrice de l'école Terpsichore, et coordonnatrice du programme Danse-étude à Yverdon-les-Bains (VD), le reconnaît: "La danse, c'est exigeant, c'est difficile, ça demande de l'humilité et ça demande beaucoup psychologiquement. Mais ce n'est pas un sacrifice. Si c'est un sacrifice, il vaut mieux faire autre chose."

Et concernant les critères esthétiques très spécifiques du milieu: "Pour les gens extérieurs à ce métier, ça peut paraître inhumain. Et peut-être que ça l'est. Mais on ne leur a pas mis le couteau sous la gorge pour faire ce métier non plus. On sait dès le départ qu'il y a des normes [dans le monde de la danse classique]. Et ça ne va jamais changer."

(* Prénoms d'emprunt)

Martine Clerc, Jordan Davis

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