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Benjamin Biolay et Pomme sacrés aux Victoires de la musique

Les artistes Benjamin Biolay et Pomme, sacrés aux Victoires de la musique 2021.
Pomme et Benjamin Biolay sont les artistes féminins et masculins de l'année aux Victoires de la musique 2021 / Le Journal de 8h / 1 min. / le 13 février 2021
Benjamin Biolay, figure majeure du paysage musical français, et Pomme, chanteuse aux textes intimes mais voix qui porte dans le mouvement #MeToo, ont été sacrés artiste masculin et artiste féminine aux 36e Victoires de la musique vendredi soir.

Benjamin Biolay signe un doublé, le prix du meilleur album pour "Grand Prix" et le titre d'artiste masculin. À 48 ans, il a désormais obtenu six Victoires. Une Victoire d'honneur a également été remise à Jane Birkin pour l'ensemble de sa carrière.

"Cela n'a pas été une année très victorieuse pour la musique", a-t-il lâché au moment de recevoir son premier trophée de la soirée, celui d'artiste masculin. Et de tacler le "silence assourdissant des pouvoirs publics" face à la situation de la filière musicale, en général, et de la scène, en particulier, fragilisées par la crise sanitaire.

Coup de projecteur au mouvement #MeToo

L'autre Victoire très attendue, celle d'artiste féminine de l'année, a fini dans les mains de Pomme, qui avait fort à faire face à Aya Nakamura, l'artiste française la plus écoutée au monde. Ce trophée est un gros coup de projecteur au mouvement #MeToo, encore naissant dans la filière musicale et nommé #Musictoo.

>> Lire à ce sujet : #MusicToo, le hashtag qui libère la parole des musiciennes

Pomme a en effet décrit son arrivée dans l'industrie de la musique comme "traumatisante" dans une lettre ouverte publiée jeudi dernier par Mediapart. "De mes 15 à mes 17 ans, j'ai été manipulée, harcelée moralement et sexuellement, sans en avoir conscience à cette époque évidemment", confiait l'artiste de 24 ans. En recevant son prix, la deuxième Victoire de sa jeune carrière après le titre d'album révélation de l'année glané en 2020 pour l'album "

", elle a souhaité une industrie musicale sûre pour les femmes, en espérant que ces dernières puissent "renverser les codes" du milieu.

"Je rêvais d'un autre monde..." pour lancer la cérémonie

Cette 36e cérémonie des Victoires restera celle de tous les symboles et de tous les combats. "Le chemin est encore long pour les femmes, les Noires, les grosses", a ainsi commenté Yseult, révélation féminine de l'année. La chanteuse a toujours expliqué qu'elle faisait de la couleur noire de sa peau et de ses formes une arme politique au travers de ses morceaux et de ses vidéos.

En raison de la crise sanitaire, la soirée s'est déroulée dans une ambiance étrange à la Seine Musicale, à Paris, sans public. Près de 200 figurants étaient cependant présents dans la salle pour applaudir après les prestations en direct des artistes. Jean-Louis Aubert, le président d'honneur, a d'ailleurs ouvert la cérémonie en entonnant à la guitare "Je rêvais d'un autre monde...", les premières paroles d'un tube de Téléphone qui résonne fort en cette période troublée.

Appel à l'aide des artistes

Jean-Louis Aubert a profité de la présence de la ministre de la culture Roselyne Bachelot pour lui réclamer de "continuer à prendre soin des musiciens, des équipes techniques, des organisateurs de spectacle", le temps que la situation revienne à la normale. Benjamin Biolay a lui chanté "Comment est ta peine?", le tube de son dernier album, dans une version très club, en solidarité aux lieux de la vie nocturne fermés, en raison de la crise sanitaire.

Un des musiciens de l'orchestre a également pris le micro pour dire qu'il avait perdu la moitié de ses revenus depuis l'arrivée de la pandémie de Covid-19. Plus tôt dans la journée, des manifestants du syndicat CGT Spectacle avaient occupé symboliquement la philharmonie de Paris, en déployant des banderoles "Culture sacrifiée", "Gouvernement disqualifié".

ats/vic

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"Je vais redire les choses"

Silhouette frêle, folk-pop épuré, textes intimes, mais voix qui porte dans le mouvement #MeToo: le sacre de Pomme dans la catégorie artiste féminine de l'année donne un coup de projecteur supplémentaire à ses combats.

"J'en ai déjà parlé il y a quelques années, mais à l'époque, je n'avais pas la place que j'occupe aujourd'hui, c'était plus facile, ça faisait moins de bruit. Je vais redire les choses. Que ça fasse plus de bruit aujourd'hui, tant mieux", conclut-elle sa lettre ouverte publiée par Mediapart pour dénoncer les atteintes aux femmes dans l'industrie musicale.

Album thérapeutique

Les textes de cette grande fan du poète Paul Eluard et de la chanteuse Barbara, qui se nourrit aussi d'ouvrages féministes ou de bande dessinée, ne cachent rien de ses fêlures, doutes, blessures. Ni de sa préférence pour les femmes, un sujet qui, comme elle le prédisait, disparaît petit à petit des questions qu'on lui pose dans les interviews.

Plus généralement, l'album a un versant thérapie. "Bizarrement, je suis assez pudique avec les gens proches, la famille. Pour moi, c'est plus simple de passer par une chanson: si je n'écrivais pas, je péterais un câble", remarque-telle, ajoutant néanmoins que l'écriture n'est pas la solution miracle: "C'est super de parler de choses intimes avec un album, mais ce n'est sans doute pas la meilleure solution, il est possible que plus tard je tombe dans un trou. Donc, je vais faire les deux, continuer à écrire et aller parler à un psy".

"Ce serait bien qu'un jour, on tombe sur ma pomme"

Le succès rencontré par cette artiste qui savait depuis longtemps ce qu'elle voulait n'étonne pas Thierry Meissirel, journaliste au service culture du Progrès, un quotidien français basé à Lyon, la ville d'origine de Pomme. "Il y a quelques années, j'ai reçu un petit mot charmant, accompagnant un CD amateur enregistré qui disait: 'Mon père lit tous les jours le journal et ce serait bien qu'un jour, à côté des résultats de l'Olympique lyonnais, il tombe sur ma Pomme'".

Claire Pommet alias Pomme aux Victoires de la musique 2021 [AFP - Bertrand Guay]