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Rire de l'initiative sur les entreprises n'est pas bon pour la santé

La vie des autres (vidéo) - Le comédien et satiriste alémanique Dominic Deville
La vie des autres (vidéo) - Le comédien et satiriste alémanique Dominic Deville / La Matinale / 2 min. / le 25 novembre 2020
A chaque pays, ses zones sensibles. L'humoriste Dominic Deville, qui anime le Late Night Show satirique du service public suisse allemand SRF, a fait l'objet de sept plaintes suite à sa chronique portant sur l'initiative sur les entreprises responsables.

Peut-on rire de tout et tout le temps dans les médias? Jusqu'où peut-on pousser la satire? La question revient comme un vieux serpent de mer dans des contextes parfois tragiques, comme l'a vécu la France récemment. Jusqu'à présent, une majorité de politiciens a fait bloc chez nos voisins pour garantir une liberté de satire, quel que soit le sujet, et en particulier dans le dessin de presse.

En Suisse, surtout alémanique, le débat vient de surgir et pas forcément là où on l'attendait. Il n'est question ni de caricatures de Mahomet ni de prêtres pédophiles à la mode Charlie Hebdo, mais de l'initiative "Entreprises responsables" sur laquelle les Suisses se prononceront ce dimanche.Une initiative précédée d'une campagne à couteaux tirés.

Humour ou propagande

Au cœur de la polémique, l'humoriste Dominic Deville. A 45 ans, il anime le Late Night Show satirique du service public suisse allemand, SRF. Son émission porte son nom, Deville. "Un esprit vif et charmant, combiné à une pincée de provocation", dit de lui la chaîne.

Sa dernière émission, diffusée dimanche dernier, était consacrée essentiellement à l'initiative politique, avec des blagues acerbes à propos des multinationales Glencore ou Nestlé, et un faux spot promotionnel d'Economiessuisse sur des camps de travail d'enfants relocalisés en Suisse.

Son humour a fait réagir plusieurs élus à Berne. Parmi eux, la conseillère nationale PDC Elisabeth Schneider-Schneiter qui a tweeté que Deville, une semaine avant la date du vote, a violé "toutes les règles" d'équilibre de SRF. "C'était plus qu'une simple satire".

Même son de cloche venant du conseiller national UDC Gregor Rutz, qui accuse le satiriste d'avoir voulu influencer le scrutin, comparant son sketch à de la propagande, et ajoutant que l'émission était "mauvaise, bête, pas drôle et grossière: rien à voir avec la satire".

Qui pour définir les limites

Mardi, le bureau du médiateur de SRF enregistrait au total sept plaintes contre l'émission qui devront être traitées ces prochains jours. La chaîne a pour sa part répondu publiquement que le caractère satirique de l'émission était clairement précisé: Deville a agi dans le cadre de sa "liberté artistique".

Il sera très intéressant d'observer la réponse du médiateur SRF ainsi que les éventuelles suites, car cela nous touche aussi en Suisse romande. Peut-on se moquer librement des arguments pour ou contre une votation, à quelques jours du passage aux urnes, et sur les ondes du service public? Les politiques doivent-ils être les juges de ce qui est de bon ou mauvais goût en termes d'humour, financé par les deniers publics?

Comme on dit dans les mauvaises conclusions de chroniques: affaire à suive.

Benjamin Luis/mcm

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