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Une étude confirme qu'Emil Bührle a créé sa collection grâce aux armes

La collection Bührle doit devenir l'étendard du nouveau musée d'art de Zurich. Une collection au financement controversé
La collection Bührle doit devenir l'étendard du nouveau musée d'art de Zurich. Une collection au financement controversé / 19h30 / 2 min. / le 17 novembre 2020
Les exportations d'armes ont permis à Emil Bührle (1890-1956) de constituer sa collection d'art controversée. Deux cents de ses œuvres seront exposées au Kunsthaus de Zurich, dès l'année prochaine.
L'agrandissement du Kunsthaus de Zurich, photographié ici le 21 juillet 2020. [Keystone - Christian Beutler]

En 2021, un nouveau bâtiment du Kunsthaus de Zurich accueillera les Cézanne, les Van Gogh ou encore les Monet de la collection d'Emil Bührle. En attendant, la Ville et le canton de Zurich ont mandaté une étude pour faire toute la lumière sur les liens entre les ventes d'armes et la collection d'art, dont les conclusions ont été présentées mardi.

En effet, les armes ont fait d'Emil Bührle, originaire d'Allemagne, l'homme le plus riche de Suisse à son époque. "La constitution de cette collection d'art de classe mondiale a été rendue possible grâce à l'immense fortune que Bührle avait accumulée grâce aux exportations d'armes avant, pendant et après la Deuxième Guerre mondiale", explique l'historien Matthieu Leimgruber, de l'Université de Zurich, auteur de l'étude.

"Opportuniste impitoyable"

L'entrepreneur zurichois Emil Georg Bührle (au centre) a fait sa fortune en fabriquant des armes, notamment des canons, à Oerlikon. Ici, en 1954, avec Tafari Makonnen (à gauche), régent d'Ethiopie et dernier empereur d'Abyssinie. [KEYSTONE/Ilse Guenther]

Le document dépeint Emil Bührle comme un "opportuniste impitoyable" dans les affaires. Patron de la Werkzeugmaschinenfabrik Oerlikon, il a fourni des canons antiaériens à l'Allemagne entre les deux guerres mondiales.

"Ce n'est pas noir ou blanc. Il ne se souciait pas beaucoup de la situation politique. Il a intégré dans son entreprise des nazis venus d'Allemagne, car ils étaient de bons ingénieurs dans le domaine des armes. En même temps, il a collaboré avec des marchands d'art juifs et gauchistes pour constituer sa collection", analyse le pro-recteur de l'Université de Zurich Christian Schwarzenegger, au micro du 12h30.

Des affaires avec les nazis et les Alliés

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, Emil Bührle a d'abord vendu des canons aux Alliés pour environ 60 millions de francs. Après la défaite de la France, l'entrepreneur a approvisionné l'Allemagne en armes pour environ 540 millions de francs. Et lorsque la défaite de l'Allemagne nazie a commencé à se profiler, il a de nouveau fourni des armes aux Alliés.

La fortune personnelle d'Emil Bührle est passée de 8 millions de francs en 1938 à 162 millions en 1945. Il a utilisé une partie de cet argent pour constituer sa collection d'art, avec les premières œuvres achetées en 1936. A cette époque, les expropriations et et les persécutions raciales du régime national-socialiste avaient un grand impact sur le marché de l'art.

Au total, Emil Bührle a acheté 600 œuvres d'art pour 39 millions de francs. En 1960, les héritiers ont constitué la Fondation de la collection Emil Bührle qui en contient 200. Ce sont ces tableaux que le Kunsthaus de Zurich accueillera dès 2021.

Le prorecteur de l'Université de Zurich Christian Schwarzenegger (à gauche) et l'historien Matthieu Leimgruber ont présenté leurs conclusions sur la collection d'art d'Emil Bührle. [KEYSTONE/Alexandra Wey]KEYSTONE/Alexandra Wey
Une étude zurichoise lève le voile sur la vie du marchand d'armes et collectionneur Emil Bührle / Le 12h30 / 1 min. / le 17 novembre 2020

>> Les précisions du 12h30:

Sujet radio: Alain Arnaud

Adaptation web: Valentin Jordil avec ats

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Treize œuvres de la collection ont été spoliées

Entre 1941 et 1945, Emil Bührle a acheté 93 œuvres, dont 13 ont été considérées comme de l'art spolié d'après-guerre, selon l'étude. Le collectionneur, confronté à des demandes de restitution, a rendu les oeuvres à leurs propriétaires juifs. Il a ensuite pu en racheter neuf.

On ne peut pas blanchir Emil Bührle des reproches d'antisémitisme, même si un seul document écrit contient des déclarations antisémites. Mais pour l'historien Matthieu Leimgruber, il est clair qu'Emil Bührle a profité avec opportunisme de la situation des juifs persécutés et en fuite pour constituer sa collection. Emil Bührle n'était pas un nazi, mais il a fait des affaires avec le régime nazi par opportunisme, selon lui.

>> Réécouter l'interview de Hans-Ulrich Jost, historien et ancien professeur à l'Université de Lausanne dans Forum sur la spoliation des œuvres d'art :

Quelques tableaux de la collection Bührle. [key - Eddy Risch]key - Eddy Risch
La spoliation d'oeuvres d'art sous la loupe d'un historien / Forum / 5 min. / le 28 août 2015