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La lente agonie du Grand Hôtel de Locarno, l'âme du festival

Le Grand Hotel Locarno. [Keystone - Martial Trezzini]
L'éclairage d'actualité / La Matinale / 4 min. / le 6 août 2019
Le Grand Hôtel de Muralto était le premier écrin du festival de Locarno, bien avant la Piazza Grande. Cette grande bâtisse néoclassique est fermée depuis bientôt 15 ans. Retour sur la lente agonie d'un joyaux de l'architecture laissé à l'abandon par ses propriétaires.

Mercredi 7 août marque le début de la 72e édition du Festival international du film de Locarno, une manifestation qui devrait faire les beaux jours des bars éphémères et autres établissements de la place tandis que les majestueuses terrasses du Grand Hôtel de Muralto resteront, elles, désespérément vides.

Premier écrin du festival, cette grande bâtisse néoclassique surplombe un parc et une palmeraie, inauguré en 1876. Marlène Dietrich, Gina Lollobrigida et d’autres icônes du cinéma ont séjourné dans ce premier hôtel de luxe du Tessin. Pendant des années, après les projections, les salons et les terrasses de ce palace grouillaient de monde jusqu’aux petites heures du matin.

L'âme du festival

"Si la Piazza Grande était la tête, le Grand Hôtel était le coeur, l’âme du festival. On se retirait après avoir vu les films, on discutait dans une atmosphère qui avait quelque chose de Marienbad, quelque chose du 19e siècle, une atmosphère très proustienne", explique Marco Solari, le président du festival du film de Locarno.

Il y avait quelque chose de morbide dans cette salle, avec ces lustres de Murano, incroyables. L'atmosphère avait un côté intellectuel mais aussi bohémien. Un mélange qui ne pouvait pas être imité.

Marco Solari, président du festival du film de Locarno

Un joyau architectural à l’abandon

L'ancien établissement cinq étoiles ouvert en 1874, qui a abrité la Conférence de paix en 1925 et le premier festival du film de Locarno en 1946, est en mauvais état et son sort est incertain. [KEYSTONE - MARTIAL TREZZINI]

Pour le maire de Muralto, Stefano Gilardi, cette situation est incompréhensible. Le Grand Hotel se situe à quelques enjambées de la gare de Locarno, des rives du Lac Majeur et de la Piazza Grande. Le délabrement de ce qui fut une véritable perle de l’hôtellerie, affecte profondément le syndic.

"Nous savons que de nombreux investisseurs souhaiteraient prendre en main la situation et restaurer le tout", explique-t-il à la RTS. "N’oublions pas que les populations de Muralto et de Locarno sont très attachées à cet hôtel qui a été le théâtre de tant de fêtes et de mariages. Comme habitant de Muralto ayant vécu plusieurs moments forts dans cet établissement, l’amertume est grande", dit Stefano Gilardi.

Contactés par la RTS, les co-propriétaires n’ont pas souhaité s'exprimer.

Des institutions impuissantes

Le Grand Hotel et son parc sont en mains privées et, de guerre lasse, les institutions ont jeté l’éponge. Aucune proposition de rachat et autre projet n’a eu grâce aux yeux des propriétaires.

Marco Solari, président du festival du film de Locarno, avoue se sentir impuissant. "Ne pas réussir à convaincre les co-propropriétaires de réaliser quelque chose d'utile pour la région; une région qui vit de tourisme et qui veut regarder en avant, oui, c’est un sentiment de frustration", résume-t-il.

En attendant une issue aussi lointaine qu’incertaine, Muralto surveille le périmètre bouclé du Grand Hotel en croisant les doigts pour que l’édifice soit épargné par une catastrophe.

Une bâtisse qui se meurt

Image du Grand Hotel de Locarno en 1947. [Festival de Film de Locarno - Keystone]

Stefano Gilardi, syndic de Muralto, craint, lui, que l'abandon du parc et le délabrement de l’immeuble puissent attirer des fréquentations indésirables, avec les risques d'incendie que cela peut engendrer.

Une éventuelle démolition n'est pas à exclure, le bâtiment n’étant pas sous la protection du patrimoine. Mais les ravages du temps s’accélèrent; et il faudrait bien plus que les quelque 21 millions de francs requis pour rendre sa splendeur à cette bâtisse qui a tant fait rêver!

Aujourd'hui,  les couloirs et les 85 chambres de l'hôtel distillent la même atmosphère que celle du film "Shining". Jack Nicholson en moins, mais la vermine en plus.

Nicole della Pietra/mcc

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