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L'ère du streaming offre de nouvelles opportunités aux artistes

Industrie de la musique: portrait de trois artistes suisses qui trouvent le moyen de tirer leur épingle du jeu.
Industrie de la musique: portrait de trois artistes suisses qui trouvent le moyen de tirer leur épingle du jeu. / 19h30 / 4 min. / le 13 décembre 2018
Le streaming, même dans sa version légale, a profondément bouleversé l’industrie de la culture. Les revenus ont chuté avec la vente des supports physiques, mais la plateforme de vidéos en ligne Youtube offre aussi de nouvelles opportunités aux artistes.

En Suisse, les ventes de DVD sont passées de près de 12 millions en 2011 à un peu plus de 3 millions l’an passé.

On préfère aujourd’hui consommer les films en streaming, à en croire les 130 millions d’abonnés à la plateforme de films et séries en ligne Netflix ou la croissance continue de la vidéo à la demande sur des sites comme Apple ou Amazon.

Même constat du côté de la musique. Toujours en Suisse, les ventes de CD avaient rapporté 312 millions de francs en 2000, contre seulement 35 millions l’an passé. Une baisse sévère que ne compense pas l’augmentation des revenus liés au streaming.

Ces bouleversements n’ont heureusement pas signifié la fin de la production culturelle, mais réalisateurs ou musiciens ont dû s’adapter.

Un documentaire suisse sur Netflix aux Etats-Unis

Etabli à New York, Jean-Cosme Delaloye a déjà réalisé deux documentaires aux Etats-Unis. Pour le troisième, produit avec des moyens traditionnels, dont des subventions suisses, il visait clairement une diffusion sur Netflix pour les Etats-Unis. "Stray Bullet" a été monté dans cette optique.

"On a été plus économes sur les émotions", explique-t-il. "On a élagué pour accélérer le rythme du film. C'est quelque chose qui est très américain."

Est-il gênant de devoir s’adapter aux exigences du géant du streaming? Jean-Cosme Delaloye dit assumer. "Le but de 'Stray Bullet' n'est pas de prendre le meurtre d'une petite fille et d’en faire de l'art, mais de prendre une histoire, qui est tristement commune aux Etats-Unis, et de lui assurer la plus grande diffusion possible."

Des contenus formatés pour Youtube

Youtube ou les réseaux sociaux donnent une visibilité inédite aux artistes, mais ils formatent aussi les contenus. Le musicien bernois Mario Batkovic se dit obligé de soigner sa présence sur les réseaux sociaux, pour exister en tant qu’artiste. Mais il estime que le streaming ou les vidéos pervertissent les habitudes des auditeurs. "Les gens ne sont plus prêts à s’asseoir et à écouter un morceau durant 10 minutes. Ils veulent décider en une minute si c’est bien ou pas. Ils veulent connaître le film entier avec une simple bande-annonce, pour être sûrs d’aimer ça."

Pour pouvoir rester fidèle à sa musique, Mario Batkovic se diversifie. Il enseigne, enregistre, donne des concerts et compose pour le cinéma. Dernièrement, il a aussi collaboré à la bande originale du jeu vidéo Red Dead Redemption 2.

Se diversifier pour survivre

Les deux fondateurs du label de réédition de vinyls "We Release What The Fuck We Want" (on produit ce qu’on veut, bordel), Olivier Ducret et Stéphane Armleder, ont eux aussi conservé d’autres mandats. Le second fait de la curation musicale pour des centres d’art ou des enseignes, alors que le premier gère un refuge pour chats dans le Jura.

Et pourtant, leur label est rentable. Il s'est fait connaître dans le monde entier l'an passé grâce à la réédition du premier album d'une percussionniste japonaise, Midori Takada. Ce disque est devenu populaire grâce aux recommandations de Youtube alors qu'il était passé inaperçu lors de sa sortie en 1983.

C’est d'ailleurs souvent sur internet, par Youtube ou des blogs plus obscurs, que les deux producteurs du label dénichent des trésors musicaux peu connus.

Le streaming a certes bouleversé l'industrie culturelle. Mais parce qu'il donne à chacun la possibilité d'être vu et aimé, il offre également de nouvelles opportunités. Car entre mécènes, maisons de production ou Youtube, les artistes ont de tout temps été obligés de s'adapter.

Julie Conti

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