Comment la Grèce se prépare à vous accueillir malgré le coronavirus

Grand Format Reportage

RTSInfo - Mouna Hussain

Introduction

Réputée pour ses îles, son histoire et sa gastronomie, la Grèce est une destination privilégiée pour les vacances. Mais le pays souffre de l'absence des touristes engendrée par la crise du coronavirus. Avec la réouverture progressive des frontières, quelles mesures prend la Grèce pour attirer et rassurer les voyageurs? Reportage dans la capitale Athènes et sur l'île de Corfou.

Chapitre 1
Genève-Athènes, l'épreuve du voyage

RTS - Mouna Hussain

Les couloirs et terminaux sont déserts. Les rideaux métalliques des boutiques sont baissés. Les voix des hôtesses se sont tues. Ce 14 juin, les écrans de l'aéroport de Genève n'affichent que deux vols.

Après presque 3 mois de fermeture pour lutter contre la pandémie de coronavirus, l'Europe est à quelques heures de rouvrir ses frontières intérieures, et ainsi permettre à des millions de personnes de circuler à nouveau. Un vent de liberté pour le continent en déconfinement.

Embarquement pour Athènes. À bord de l'avion, le port du masque est obligatoire. Chaque passager a choisi son bouclier anti-Covid. Du simple masque chirurgical à une protection FFP3, parfois doublée d'une seconde couche ou d'une visière en plastique.

>> Voir en vidéo les conditions de voyage de Genève à Athènes :

Genève-Athènes, le défi du voyage
L'actu en vidéo - Publié le 24 juin 2020

Un huis clos angoissant

Il faudra tenir 2h40 de vol à respirer et transpirer sous l'étoffe. Hormis durant une courte période de collation où tous les passagers tombent le masque. Ils avalent le sandwich et la barre de céréales que les hôtesses distribuent dans des sachets en papier, accompagnés d'une serviette désinfectante.

Les passagers de ce vol chargé se scrutent les uns les autres. La proximité avec tant d'inconnus n'est plus habituelle. Si les magazines et catalogues ont disparu, de nouveaux rituels ont pris leur place.

Il faut remplir un formulaire. Donner ses coordonnées, un contact d'urgence, et son numéro de siège. Au cas où l'un de ses voisins s'avérait contaminé. Ce huis clos, d'ordinaire espace de rêveries, se transforme en moulin à angoisses. Que faire si le test de Covid à l'arrivée se révèle positif? Quatorze jours de confinement seraient alors imposés à l'arrivée. Et si le pays refermait soudainement ses frontières?

Atterrissage sur une piste bordée d'oliviers. Les passagers, qui normalement se précipitent sur le compartiment à bagages, sont priés de rester assis, et de sortir par rangées de dix.

Testé ou pas testé?

Une fois sortis, un autre formulaire de contact doit être rempli, avant de passer le test de dépistage du coronavirus. En combinaison de protection, des médecins demandent aux voyageurs de tendre la langue pour pouvoir racler leur gorge avec un coton tige. Rapide et indolore.

Il faudra attendre environ 24 heures pour découvrir le résultat. En attendant, les autorités exigent des passagers qu'ils s'auto-confinent dans leur hôtel. Dans les faits, en l'absence de contrôle, impossible de savoir si cette directive est respectée. Les autorités n'informent pas toujours du résultat, à moins qu'il ne soit positif. Dans ce cas, la personne sera mise en quarantaine stricte.

À partir du 15 juin, les voyageurs de certains pays comme la Suisse ne sont plus testés systématiquement, hormis pour les vols provenant d'aéroports considérés à haut risque (voir la liste de l'Agence européenne de la sécurité aérienne). Gare donc aux escales passant par Paris, Bruxelles ou Amsterdam.

À partir du 1er juillet, cette dernière règle tombe. Tous les voyageurs de l'espace européen seront uniquement testés de manière aléatoire. À condition que la pandémie de coronavirus continue sa dégression dans la région.

>> Ecouter les conditions d'ouvertures des frontières le 15 juin :

Ambiance à Athènes [RTS - Cédric Guigon]RTS - Cédric Guigon
Forum - Publié le 15 juin 2020

Chapitre 2
À Athènes, une jeunesse décontractée

RTS - Mouna Hussain

Dans le métro qui relie en une heure l'aéroport au centre-ville d'Athènes, tous les passagers portent des masques. Une obligation dans les transports publics, les taxis et les hôpitaux.

Mais sitôt dans la rue, il devient très rare de voir un visage masqué, ou de la distanciation sociale. Si les serveurs et hôteliers ne portaient pas de visière de protection, on en oublierait presque l'existence de ce virus qui a stoppé net le pays le 23 mars dernier.

En décidant très rapidement de se confiner, la Grèce a pu limiter la propagation de la pandémie sur son territoire. À ce jour, seuls 3310 cas sont connus (soit 10 fois moins que la Suisse) et 190 décès, sur une population de près de 11 millions d'habitants. De quoi expliquer l'insouciance des passants.

>> Voir le reportage vidéo sur le centre-ville d'Athènes :

Athenesvignette2 [Mouna Hussain]
L'actu en vidéo - Publié le 24 juin 2020

En attendant les touristes

L'inquiétude est ailleurs. Dans ces ruelles marchandes d'Athènes, le vrai fléau, c'est l'absence de touristes. Dans les boutiques de souvenirs, les seules silhouettes humaines sont des reproductions de statues grecques. Dans leur immobilité, elles observent depuis trois mois la vacuité des lieux.

Assise sur son tabouret, avec vue sur l'Acropole, Margaret désespère: "Encore un mois ou deux comme cela, et c'en est fini de nous. Je serai obligée de fermer. Je n'ai plus d'économies, et les aides de l'État n'ont pas été suffisantes. Toute ma famille travaille et dépend de ce commerce. On ne veut pas gagner d'argent vous savez, on veut juste survivre."

Ici, le tourisme, c'est devenu comme une seconde météo. "Personne ne sait comment la situation va tourner, alors on attend", répètent les commerçants. En pleine sécheresse économique, ils scrutent l'arrivée des voyageurs comme une pluie qui viendrait arroser leurs affaires. Une bénédiction qu'ils espèrent voir tomber du ciel, quitte à faire éclater avec elle la tempête du coronavirus.

L'insouciante jeunesse

À l'approche du soir, en contraste avec la solitude des marchands, la réputée place de Monastiraki s'anime. La musique prend le dessus, les terrasses des bars se remplissent, la fête bat son plein. "C'est la mentalité grecque", interprète Margaret. "Mais ce sont surtout les jeunes. Comme ils ne se sentent pas en danger, ils ne font pas attention."

Un excès d'insouciance qui fait craindre aux plus âgés une propagation du virus, et aux commerçants une prolongation de cette période de disette, à laquelle ils ne sauraient pas survivre.

>> Ecouter la crainte des commerçants face à une jeunesse insouciante :

Certaines terrasses de bars athéniens sont bien remplies. [RTS - Mouna Hussain]RTS - Mouna Hussain
La Matinale - Publié le 16 juin 2020

Chapitre 3
Corfou, une île en attente

RTS - Mouna Hussain

Isolées dans la Méditerranée, les îles grecques ont été relativement épargnées par le coronavirus. Au nord-ouest du pays, face à l'Italie, Corfou a recensé en tout cinq cas, dont un mortel. Depuis, l'île est "propre", affirment les locaux.

"Ici, on est en sécurité. Tous les voyageurs sont les bienvenus, du moment qu'ils font attention", avertit un serveur. C'est la première fois qu'il revoit des étrangers depuis le confinement.

Le 1er juillet. C'est la date qui occupe tous les esprits. Ce jour-là, l'aéroport de Corfou, comme celui des autres îles grecques, pourra rouvrir aux vols internationaux.

>> Regarder le reportage vidéo sur l'île de Corfou :

Corfouvignette [Mouna Hussain]
L'actu en vidéo - Publié le 24 juin 2020

Le retour des voyageurs est primordial pour cette vaste île dont l'économie dépend à 90% du tourisme, notamment de Grande-Bretagne, puis d'Allemagne et de Pologne. Côté suisse, quelque 20'000 visiteurs ont été enregistrés en 2019.

L'absence de voyageurs est beaucoup plus perceptible à Corfou que dans la capitale. Ici, les boutiques sont tout simplement fermées. Quelques échoppes ont rouvert, pour préparer la marchandise, et mettre en place les mesures de sécurité.

"Ici, notre spécialité, c'est le kumquat, un agrume dont les arbres ont jadis été importés d'Asie", nous explique fièrement une vendeuse qui présente sur ses étals parfaitement rangés toutes sortes de liqueurs, compotes, biscuits et huiles d'olive.

Protocoles de sécurité stricts

Sur les 400 hôtels de l'île, seuls 6 sont actuellement ouverts. "On estime que beaucoup d'établissements ouvriront en juillet, en fonction de la demande", explique Babis Voulgaris, président des hôteliers de Corfou.

"On va faire des offres pour attirer les clients, et des conditions d'annulation plus souples. Mais ce qu'ils veulent avant tout, c'est la sécurité. Alors on doit leur montrer qu'on est prêts."

Et être prêt n'est pas une mince affaire. Le gouvernement a édicté des protocoles très strictes dans tous les domaines touristiques. Pour les hôtels, en plus du gel hydroalcoolique à tous les étages, télécommandes et téléphones doivent être sous cellophane. Les fenêtres et les portes de l'établissement doivent être constamment ouvertes pour créer des courants d'air.

L'heure du petit-déjeuner du vacancier flâneur vient de sonner. Soulagement… Le buffet est maintenu. Mais, en ces temps de Covid, il y a toujours un "mais". Pas question de toucher à la nourriture, exposée derrière une vitre. Ce sont les membres du personnel, masqués et gantés, qui vous servent et vous demandent de ne pas vous attarder. Il faut manger et partir.

Une hospitalité accrue

"Cette année, Corfou sera plus calme, mais l'hospitalité restera la même", assure le président des hôteliers. Une hospitalité réputée, et exacerbée par la crise.

"On a des sentiments ambivalents. D'un côté le plaisir de profiter pour la première fois de notre île en été, et de l'autre l'impatience que les gens reviennent pour que l'on puisse travailler", raconte Rubini, qui profite d'un café sur une terrasse à une période où, habituellement, elle s'occupe d'accueillir le flot incessant de cars de touristes.

"On se rend compte à quel point les voyageurs sont importants pour nous. Moi ça me manque beaucoup de discuter avec eux."

A notre départ, derrière sa vitre en plexiglas, le réceptionniste de l'hôtel lance d'un ton enthousiaste: "J'espère que la prochaine fois que vous venez, on pourra se faire des "check" avec les mains!"

Dans les couloirs vides de l'aéroport de Corfou, qui accueille chaque année des millions de voyageurs, le panneau du Duty Free annonce: "Votre santé et sécurité sont notre priorité. Nous sommes ouverts." Une phrase qui résume le message de la Grèce à ces vacanciers dont elle dépend tant.

>> Ecouter le reportage sur l'absence de touristes à Corfou :

Corfou en Grèce. [Keystone - AP Photo/Lisa Arns]Keystone - AP Photo/Lisa Arns
Le 12h30 - Publié le 17 juin 2020