Cinq piliers

Grand Format

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Introduction

Les cinq piliers et leur pratique

En islam, le dogme est simple; tout musulman doit croire au Dieu unique et à la

chaîne des quelque trente prophètes, dont notamment Abraham (Ibrahim) et

Jésus (Issa). Pour les musulmans, Mohamet marque le sceau de cette chaîne.

La sharia, "voie à suivre", loi islamique et, étymologiquement "chemin allant

vers la source", prescrit au croyant ce qu'il doit faire ou non pour être un bon

musulman. Elle n'est pas consultable sous forme de livre ni comparable à un

code pénal contenant des articles de loi; la sharia donne des clés

d'interprétation et non des réponses claires et définitives. En ce sens, on peut

dire qu'il existe de multiples sharia. Enfin, soulignons que cette dernière ne

concerne de loin pas uniquement les châtiments corporels, mais qu'elle relève du

droit civil (par exemple en droit matrimonial ou des successions), ainsi que le

domaine des us et coutumes (alimentation et sexualité).

Dans le Coran, il est fait mention de cinq obligations rituelles religieuses, les cinq

piliers (arkân). Elles sont devenues le pacte minimal de tout l'islam,

indépendamment des branches et des doctrines qui le traversent:

- La profession de foi (shahada): témoignage personnel de la foi. En la

récitant, le croyant atteste de l'unicité de Dieu et reconnaît Mohamet

comme son dernier envoyé.

- La prière (salât): précédée des ablutions rituelles, elle doit être dite

cinq fois par jour: à l'aube, à midi, l'après-midi, au coucher du soleil, le

soir. Il est recommandé de faire la prière en communauté, à la mosquée,

le vendredi, jour du rassemblement des croyants.

- L'aumône (zakât): aumône obligatoire, au taux unique de 2.5%

payable en espèce ou en nature (bétail, céréale). Contribution à un fonds

de secours mutuel. Il s'agit d'une collecte en vue de venir en aide aux

défavorisés ou dans le but de contribuer à des projets d'intérêt public.

La zakât en Suisse est souvent récoltée par les centres et associations qui

l'utilisent dans divers projets de proximité. D'autres musulmans font

également des dons à des oeuvres d'entraide comme Islamic Relief par

exemple.

- Le jeûne (sawm) du mois de Ramadan: durant le neuvième mois de

l'année hégirienne (Ramadan), qui se déroule selon le calendrier lunaire, il

est interdit, de l'aube au coucher du soleil, de manger, de boire, de fumer,

d'avoir des relations sexuelles. Une retenue est également attendue la

nuit. Au-delà de la pratique du jeûne, il s'agit d'un mois de fête durant

lequel les musulmans commémorent la révélation du Coran.

- Le pèlerinage (hajj): tout musulman qui en a les moyens et la capacité

physique doit se rendre à la Mecque au moins une fois dans sa vie, lors

des trois derniers jours du dernier mois de l'année lunaire. Le pèlerinage

commémore le voyage d'Abraham, de Hagar, sa femme et d'Ismaël, leur

fils, dans la vallée d'Arabie. Le hajj prend fin avec la fête du sacrifice du

mouton.

Différentes prescriptions alimentaires, telles que, par exemple, l’interdiction de

consommer de l’alcool ou de la viande de porc, complètent les cinq piliers.

Les dimensions du Ramadan

Au-delà de sa fonction purement religieuse, le jeûne de Ramadan est aussi un

phénomène social. Il donne par exemple l'occasion aux familles éloignées de se

rassembler autour du repas de rupture du jeûne ou à des musulmans expatriés

de rejoindre une partie des proches restés au pays.

Chacun des piliers de l'islam contient une dimension individuelle et collective.

Les privations individuelles qu'impose le jeûne de Ramadan ainsi que les prières

et relectures du Coran faites en communauté, soudent les croyants entre eux,

dans une temporalité sacrée commune. Dans l’abstinence, une forme de

solidarité entre croyants prend place, mais aussi, par la privation de nourriture,

un désir de se rapprocher des personnes défavorisées. Par l'abstinence

alimentaire, les personnes aisées partagent t ainsi ce que les plus pauvres vivent

quotidiennement. Pour ces derniers, c'est aussi la possibilité de pouvoir

s'alimenter correctement, certains centres ou mosquées ouvrant leurs portes

tout spécialement pour le repas de rupture du jeûne.

Le mois de Ramadan, période sacrée pour les musulmans, renforce les liens

entre croyants de la même communauté (oumma) et valorise les notions de

solidarité et de responsabilité.

En Suisse:

75% des musulmans de Suisse assistent moins d'une fois par semaine aux

activités des centres islamiques (activités pas uniquement religieuses). Le 50%

ne s'y rend pas non plus pour les fêtes religieuses.

Environ un musulman sur quatre se déclarant non ou très peu religieux suit le

jeûne de Ramadan en Suisse.

Certains réalisent un jeûne "sur mesure" en fonction de leur condition physique

ou de leur force mentale. Pour certains, il s'agit ainsi uniquement d'arrêter de

fumer ou de boire pendant le mois de Ramadan. L'adaptation de la pratique

permet, à leurs yeux, de se relier à la communauté des croyants.

Réduire la pratique du jeûne à sa seule dimension religieuse serait donc

simplificateur. Elle peut en effet montrer un attachement traditionnel ou servir

d'affirmation culturelle.

Enfin, en Suisse, les centres organisent aussi des iftâr (repas de rupture),

certains tous les soirs, d'autres uniquement le weekend. C'est là l'occasion pour

les différentes cultures alimentaires musulmanes de se faire connaître.

Religiosité des musulmans en Suisse

La foi des musulmans en Suisse revêt des formes diverses et les pratiques

religieuses qui y sont liées présentent, elles aussi, une grande diversité. Ceux-ci

se tournent généralement vers la forme d'islam pratiquée dans leur pays. Les

musulmans originaires de Turquie, des Balkans, ou du Maghreb auront

respectivement une interprétation différente de l’islam. L'étude du PNR58 montre

en outre que les Maghrébins, en particulier, se démarquent des deux autres

groupes (Turquie et Balkans). Ils vont moins souvent à la mosquée mais sont

plus nombreux à prier plusieurs fois par jour. Ce constat peut ainsi être

interprété comme le signe d'une individualisation et d'une privatisation de la

pratique religieuse. Enfin, ils se distinguent également par un suivi plus

important du jeûne du ramadan et des règles alimentaires islamiques.

Seul un petit nombre de musulmans se déclarent être très ou extrêmement

religieux* révèle encore l’étude du PNR58. La plupart se définissent comme étant

moyennement religieux.

Enfin, il n'existe pas de données statistiques précises sur le type et le degré des

pratiques religieuses chez les musulmans vivant en Suisse. Sur la base

d'estimations tirées d'entretiens avec les responsables associatifs et sur celle de

travaux de chercheurs, il est toutefois possible d'estimer que 10 à 15% des

musulmans vivant en Suisse sont pratiquants. On peut ainsi déduire que la

majorité des musulmans vivant en Suisse est composée de non-pratiquants (ce

qui ne veut pas dire obligatoirement non-croyants) et également de non-croyants.

Soulignons encore que pour la majorité des musulmans, la religion est

une affaire personnelle.

* considérées comme très religieuses, les personnes allant à la mosquée au

moins une fois par semaine et priant au moins une fois par jour.

Sources:

- Être musulman en Suisse romande. Une enquête qualitative sur le rôle du référent religieux dans la

construction identitaire, thèse de doctorat de Mallory Schneuwly-Purdie

- Doit-on craindre l'islam?, Paul Balta, Editions de L'Hèbe, 2001

- Dictionnaire encyclopédique du Coran, Malek Chebel, 2009

- Article de Religioscope, Islam: au-delà du jeûne, le Ramadan en Occident

- PNR58, "Entre demandes de reconnaissance et politique d'accommodation: les orientations

culturelle , sociales et politiques des musulmans en Suisse"

- Vie musulmane en Suisse, rapport réalisé par le GRIS, 2008

- Peut-on intégrer l'islam et les musulmans en Suisse?, Mallory Schneuwly Purdie, 2011