Cette question, malgré la simplicité des réactions proposées, est d’une grande complexité car elle fait intervenir plusieurs phénomènes et elle se déroule dans des conditions de température très éloignées de la normale.
Tout d’abord, l’idée de produire de l’électricité à partir de l’eau de mer est tout à fait pertinente, compte tenu du réservoir quasi illimité de réactif de départ représenté par les océans. Cependant, la proposition de notre internaute est de purifier l’eau de mer avant toutes choses, pour la libérer des ions qu’elle contient. La purification suggérée passe soit par distillation, soit par osmose inverse.
La première question qui vient à l’esprit, en termes énergétiques, est: Pourquoi vouloir éliminer les ions présents dans l’eau de mer au moyen de procédés énergivores (il faut bien alimenter électriquement l’installation de distillation ou d’osmose inverse, et donc dépenser de l’énergie avant même d’en avoir produit – par définition avec un rendement inférieur à 100 % –), alors même que l’étape suivante consiste à produire du dihydrogène à partir de réactions chimiques techniquement complexes (et extraordinairement énergivores, pour atteindre des températures proches de 1200 °C), puis ce dihydrogène alimenterait une centrale CCG (combined cycle gas turbine ou combined cycle power plant), laquelle produirait ultimement de l’électricité?
En effet, le cycle complet proposé est beaucoup trop complexe, avec une multitude d’étapes et de défis à la clé à chaque étape et une baisse du rendement d’étape en étape, alors qu’il pourrait être grandement simplifié dès le départ en ne purifiant PAS l’eau de mer!
Petites explications conceptuelles: Si l’on souhaite produire de l’électricité à partir de dihydrogène, le moyen le plus rapide et efficace consiste à utiliser une pile à combustible (fuel cell), alimentée par du dihydrogène et du dioxygène, et dont les résidus de fonctionnement ne sont rien d’autre que de l’eau (pure), selon la réaction sur des électrodes de platine 2H2(gas) + O2(gas) → H2O + électricité. En amont de cette réaction d’oxydo-réduction aujourd’hui bien maîtrisée, il faut produire du dihydrogène (pour le dioxygène, pas de problème, puisque l’air ambient en contient environ 21%).
A l’heure actuelle, la filière la plus fréquemment exploitée pour produire du dihydrogène est le procédé de vaporeformage (steam reforming), qui consiste à utiliser du combustible fossile (principalement du méthane gazeux, obtenu lors de l’extraction du coke des profondes entrailles de la terre) qui va être "craqué" à haute température (jusqu’à environ 1000°C) et pression partiellement élevée (jusqu’à environ 20-25 bar) en présence de vapeur d’eau pour produire ultimement du dihydrogène et du dioxyde de carbone en deux étapes (la réaction globale permet de produire 4 molécules de dihydrogène et 1 molécule de dioxyde de carbone, à partir de 1 molécule de méthane et 2 molécules d’eau).
On comprend ici l’absurdité (ou pour le moins la non-pertinence) du concept, puisque pour produire une substance à haute valeur énergétique (le dihydrogène), on utilise du combustible fossile, dont les stocks ne sont pas illimités sur notre planète; en voulant "faire vert", on épuise les ressources en combustible fossile. De plus, on produit dans ce procédé du dioxyde de carbone, dont on sait qu’il est fortement impliqué dans le processus de dérèglement climatique, et on doit réaliser la réaction de vaporeformage à haute température, ce qui implique des pertes considérables d’énergie, qui viennent fortement en défaveur du bilan énergétique et climatique global de ce procédé de vaporeformage.
L’approche la plus pertinente consiste à produire le dihydrogène à partir du stock le plus abondant sur Terre, l’eau! L’électrolyse de l’eau (qui requiert une eau électriquement conductrice, c’est-à-dire de l’eau salée et surtout pas de l’eau distillée ou de l’eau purifiée par osmose inverse, qui n’est pas conductrice) consiste à appliquer une tension suffisante sur des électrodes qui plongent dans l’eau; le processus d’oxydo-réduction qui a lieu est la scission des molécules d’eau en dihydrogène et dioxygène (justement les deux réactifs nécessaires pour faire fonctionner une pile à combustible). Mais alors vient la question récurrente: Pourquoi consommer de l’électricité pour produire du dihydrogène qui permettra la production …d’électricité dans une pile à combustible avec un rendement forcément inférieur? Tout simplement parce que l’électricité primaire (celle permettant l’électrolyse de l’eau) peut aisément être disponible sous forme d’énergie renouvelable, p.ex. énergie solaire ou éolienne, et parce que le dihydrogène peut être stocké temporairement, jusqu’à son utilisation dans une pile à combustible lorsque cela est nécessaire; une installation solaire produit de l’électricité le jour, lorsqu’il y a du soleil, mais l’électricité est également utilisée la nuit dans les industries, lorsque le soleil fait défaut. On comprend donc que la production de dihydrogène de manière écologiquement saine, sans recourir aux combustibles fossiles, est une alternative totalement pertinente.
Cette approche résolument novatrice est en cours de réalisation notamment au nord de la Suède, où une start-up suédoise (H2 Green Steel) construit un gigantesque parc d’énergies renouvelables (principalement éolien, mais également solaire) installé sous le cercle polaire arctique pour produire de l’électricité verte (ou en tout cas plus verte que l’électricité produite à partir de combustibles fossiles ou nucléaires); cette électricité alimentera des installations d’électrolyse de l’eau de mer; ces dernières produiront le dihydrogène qui sera stocké jusqu’à son utilisation dans des aciéries qui ne seront plus alimentées en coke. Le projet prévoit de générer l’électricité qui permettra de produire dès 2024 et d’ici 2030 environ 5 millions de tonnes d’acier, sans émission de dioxyde de carbone! Les investisseurs institutionnels et privés parmi les plus puissants de la planète l’ont bien compris: ce projet futuriste est une opportunité environnementale et climatique (et financière) unique qui mérite des investissements à coup de milliards, avec des enjeux économiques planétaires sur l’avenir des aciéries, qui comptent actuellement parmi les industries les plus polluantes de la planète. Deux constructeurs automobile (un Allemand, un Suédois) ont déjà annoncé qu’ils produiront leurs prochains modèles dès 2025 avec cet "acier vert".
Si l’on revient aux réactions proposées par notre internaute (production de dihydrogène à partir d’eau purifiée et soit de magnésium métallique, soit de silice – du sable, pour faire simple –, à haute température dans une installation très complexe nécessitant des matériaux résistant aux hautes températures), nous pensons (pour autant que l’interprétation de notre internaute soit correcte suite à la tentative de décryptage de l’article en chinois) qu’il s’agit certainement d’une prouesse industrielle et technologique, fruit de l’inventivité des ingénieur-es, mais que le concept dans sa globalité n’est soit pas adéquat (car beaucoup trop énergivore), soit trop prématuré.