Prenons le problème à l’envers, pour comprendre le potentiel extraordinaire contenu dans les molécules d’eau H2O.

La molécule d’eau est constituée d’un atome d’oxygène O, avide en électrons, flanqué de part et d'autre de deux atomes d’hydrogène H, généreux en électrons. Ce trio constitue une petite famille: l’atome d’oxygène "tient la main" à chacun des atomes d’hydrogène, ce qui constitue deux liaisons O–H; la petite famille peut donc être représentée sous la forme H–O–H.

Attention, cette transcription linéaire n’est pas représentative de la réalité: il existe un angle entre chacun de ces 3 protagonistes, qui est exactement de 104.45° (ici, on pourrait représenter plus correctement les 2 liaisons O–H sous la forme de la lettre V majuscule, avec l’atome d’oxygène à la pointe du V et les deux atomes d’hydrogène aux extrémités des deux branches du V).

L’atome d’oxygène est non seulement avide en électrons, il est également richement pourvu en électrons, déjà avant son union avec les atomes d’hydrogène. Sa richesse, combinée à son avidité (traduction: l’oxygène, non content de posséder beaucoup d’électrons, veut en posséder encore plus), et au fait que l’hydrogène ne possède qu’un seul électron et est suffisamment généreux pour le céder à l’avide oxygène, conduit à l’union en molécule d’eau, sous forme d’un V majuscule.

Dans cette molécule, la répartition des richesses n’est pas équitable: les deux atomes d’hydrogène ont cédé (partiellement, tout de même!) leur électron à l’atome d’oxygène, et l’atome d’oxygène arrange son capital initial d’électrons en-dessous de lui, c’est-à-dire en-dessous de la pointe du V.

Il est difficile de représenter en 2 dimensions l’arrangement final des atomes et des électrons, mais l’ensemble forme un tétraèdre, c’est-à-dire une pyramide à base triangulaire, avec 4 pointes.

L’atome d’oxygène est à l’intérieur du tétraèdre, au centre de celui-ci; chaque atome d’hydrogène est à une pointe du tétraèdre, et les électrons que l’oxygène possédait initialement se placent sous forme de paires, chacune à une pointe du tétraèdre.

Voilà donc pour la molécule d’eau, petit tétraèdre dans lequel l’oxygène s’attribue ses électrons initiaux (à 2 pointes du tétraèdre) et extorque partiellement l’unique électron de chaque atome d’hydrogène (présents chacun sur les 2 autres pointes du tétraèdre). Cette configuration très particulière et exemplaire est à l’origine de nombreuses caractéristiques physico-chimiques de l’eau, à l’échelle microscopique/moléculaire et à l’échelle macroscopique. Mais c’est un autre sujet que nous pourrons débattre ultérieurement.

Lorsqu’on soumet de l’eau à de l’électricité (une tension suffisante, supérieure à 1 Volt), il ne se passe rien, car l’eau ne conduit pas l’électricité. Si l’on veut voir un effet, il faut ajouter un sel dans l’eau (les chimistes parlent d’un électrolyte), car les sels se scindent en ions chargés positivement et négativement, qui peuvent alors conduire l’électricité dans l’eau. Par exemple, si on ajoute du chlorure de sodium NaCl (sel de cuisine) dans l’eau, il se dissocie en ions positifs Na+ et en ions négatifs Cl.

En présence de sel, l’électricité qu’on applique dans l’eau permet de couper les molécules d’eau en leurs constituants, c’est-à-dire l’oxygène et l’hydrogène, chacun "reprenant ses billes", c’est-à-dire chacun reprenant les électrons qu’il possédait avant leur union. Suite à cette opération (que les chimistes appellent électrolyse, coupure par l’électricité), on se retrouve avec des atomes d’hydrogène H et des atomes d’oxygène O; il y a bien évidemment deux fois plus d’atomes d’hydrogène que d’atomes d’oxygène, puisque le processus démarre avec des molécules d’eau H2O.

Cependant, les atomes d’hydrogène ne peuvent pas exister tels quels, mais ils peuvent se combiner entre eux pour former une "union de même genre" (deux atomes identiques), qui partagent chacun très équitablement leur unique électron; la liaison ainsi formée entre deux atomes d’hydrogène conduit à la formation d’une molécule nouvelle, le dihydrogène H2, qui est un gaz.

Il en va de même pour les atomes d’oxygène, qui peuvent aussi se combiner entre eux pour former une "union de même genre"; deux atomes d’oxygène se partagent très équitablement leurs électrons, pour former une nouvelle molécule, le dioxygène O2, qui est aussi un gaz.

Notons, pour être exhaustifs, que la molécule H2 possède une liaison, H–H, tandis que la molécule O2 possède deux liaisons, O=O.

Ce processus prend naissance sur des électrodes plongées dans l’eau. A l’une des électrodes, le gaz dihydrogène se forme sous forme de bulles, qui s’échappent naturellement de l’eau vers l’air. Et à l’autre électrode, le gaz dioxygène se forme sous forme de bulles qui s’échappent aussi de l’eau. Au final, on produit deux fois plus de molécules de H2 que de molécules de O2, et donc un volume gazeux de dihydrogène deux fois plus grand que le volume gazeux de dioxygène.

Nous nous retrouvons enfin au début de la question de notre internaute!

Si l’on récupère les deux gaz qui s’échappent de l’eau lors de son électrolyse (par exemple dans un ballon de baudruche qui va se gonfler au fur et à mesure qu’il recueille les deux gaz, ou dans des bulles de savon ajouté à la surface de l’eau), et qu’on les combine, il ne se passe généralement rien! Mais la situation, c’est-à-dire un mélange de O2 gazeux et de H2 gazeux reste très instable. 

Il suffit qu’on soumette ce mélange de gaz à une source d’allumage (une étincelle, une flamme) pour que le dihydrogène et le dioxygène se combinent très violemment, sous forme d’une explosion, en formant …des molécules d’eau H2O! La boucle est bouclée: l’eau H2O avait été scindée en dihydrogène H2 et en dioxygène O2 (deux fois plus de H2 que de O2), et lorsqu’on fournit une source externe d’énergie (étincelle, flamme), la combinaison de H2 et de O2 conduit à retrouver l’eau H2O de départ!

C’est, grosso modo, ce qu’il s’est passé en 1937, lorsque le dirigeable Zepplin Hindenburg allemand, gonflé à bloc de dihydrogène (puisque ce gaz est nettement plus léger que l’air) a explosé lors de son atterrissage à Lakehurst aux Etats-Unis: en touchant un pilier métallique au sol, et probablement avec un arc électrique (provoqué par de l’électricité statique?) le gaz dihydrogène contenu dans le dirigeable a été en contact avec l’air environnant, qui contient 21% de dioxygène (une proportion largement suffisante pour que H2 et O2 puissent se combiner) a réagi avec le gaz dioxygène de l’air, provoquant l’explosion et la mort violente de tous les occupants du dirigeable. Ce triste événement a signé la fin de l’utilisation du dihydrogène dans les dirigeables, et ce gaz très dangereux a été remplacé par l’hélium He, un gaz très léger comme le dihydrogène, mais absolument pas explosible.

Pour une autre histoire sur l’eau, notons que les deux gaz dihydrogène et dioxygène peuvent être subtilement combinés en molécules d’eau, sans que l’énergie émise par cette combinaison conduise à une explosion, mais à une conversion en …électricité! C’est le principe de départ des "piles à combustible" (fuel cells en anglais), qui produisent de l’électricité utile (et de l’eau comme seul déchet). Mais cela sera le sujet d’une autre discussion!