Il existe plusieurs méthodes analytiques pour déterminer si une eau est pure ou si elle contient du sel, mais la première question à se poser est "de quoi parle-t-on lorsqu’on parle de sel ?".

En effet, le terme "sel" signifie, pour un-e chimiste, toute substance qui se dissocie entièrement en ses ions lorsqu’elle est introduite dans de l’eau, et qui n’a ni un caractère acide ni un caractère basique (sinon, on parlerait d’acide ou de base).

Pour les citoyen-nes lambda, le "sel" signifie généralement du sel de cuisine (chlorure de sodium, NaCl), qui est effectivement l’exemple typique d’un sel très soluble dans l’eau (on peut en dissoudre plus de 300 grammes par litre d’eau pure) ; introduit dans l’eau, le sel de cuisine se dissocie en son cation sodium Na+ et son anion chlorure Cl-.

Or donc, si c’est "n’importe quel sel" qui doit être mesuré (ou l’absence de "n’importe quel sel") dans une eau, l’approche la plus simple est la mesure de la salinité par la conductivité électrique de l’eau : cette méthode consiste à déterminer, au moyen de deux électrodes de platine dont la surface est connue, la résistance électrique d’un échantillon d’eau à une température contrôlée. Plus l’eau contient de "sels" dissous, plus elle conduit le courant électrique (moins elle est résistante au courant électrique), et donc plus sa conductivité est grande. La méthode nécessite d’étalonner le conductimètre avec un échantillon standard contenant une concentration connue d’un sel (généralement du chlorure de potassium KCl). La conductimétrie ne permet pas de déterminer la concentration de chacun des sels individuels dans l’eau, mais il est possible d’estimer la concentration totale de tous les sels dissous.

Si c’est un sel bien particulier qu’on cherche à identifier, il faut passer à des méthodes analytiques plus spécifiques et plus sélectives. Ces méthodes sont nombreuses: on peut citer les électrodes sélectives à certains ions (p.ex. au ion sodium Na+ ou au ion chlorure Cl-), qui ne mesurent théoriquement qu’un seul ion de manière sélective et de manière précise ; avec une électrode sélective ionique, on peut déterminer avec grande précision la concentration aqueuse de l’ion mesuré tant qu’il est présent en concentration supérieure à la limite de détection de l’électrode (mais, contrairement à la conductimétrie, on ne sait rien des autres ions présents dans l’eau). On peut également citer les méthodes de spectrométries d’absorption ou d’émission atomique; avec les méthodes spectrométriques, on tire parti du fait que les atomes (et les ions) peuvent absorber de la lumière, et en émettre, et que chaque atome (ou ion) absorbe et émet des longueurs d’ondes qui lui sont spécifiques (à titre d’exemple: si l’on jette du sel de cuisine sur la flamme d’une cuisinière à gaz, la flamme se colore en jaune intense, car le sodium qui est excité par la température de la flamme va émettre de la lumière à exactement 589 nanomètres, ce qui correspond au jaune; d’autres sels produiraient des flammes de couleurs différentes). Selon l’élément (atome ou ion) déterminé par spectrométrie d’absorption ou d’émission, il est possible de détecter des concentrations traces dans l’eau.

On conclura que les méthodes analytiques peu sensibles (p.ex. conductimétrie) peuvent conduire à penser qu’une eau est très pure car elles ne permettent pas de mesurer les concentrations très faibles de "sels" dissous, tandis que les méthodes analytiques très sensibles (p.ex. spectrométrie d’absorption ou d’émission atomique) permettent de détecter des concentrations traces (dans certains cas jusqu’à quelques nanogrammes d’élément par litre d’eau).