Dans l’eau pure à température ambiante, il est possible de solubiliser environ 1800 à 1900 grammes de sucre de table par litre, tandis qu’il est possible de solubiliser environ 350 à 360 grammes de sel de cuisine par litre (environ 5 fois moins). Cette grande différence de solubilités dépend de la nature des deux solides.

Le sel de cuisine sous forme solide est cristallin ; il est constitué d’ions de sodium chargés positivement (Na+) et d’ions de chlorure chargés négativement (Cl). Ces ions sont arrangés avec une grande régularité dans la maille cristalline, et la force qui les unit est élevée; cela signifie que lorsqu’on introduit du sel de cuisine solide dans de l’eau, il faut fournir de l’énergie pour rompre les liaisons entre ions sodium et ions chlorure. Ceci contribue à limiter la propension du sel de cuisine à se dissoudre dans l’eau, puisque sa forme solide est stable.

A l’inverse, les molécules de sucre de table, qui sont aussi arrangée sous forme cristalline lorsqu’elles sont dans l’état solide, sont faiblement liées entre elles. La force qui les unit est donc nettement plus faible, ce qui contribue à ce que le sucre de table soit plus facilement soluble dans l’eau.

En plus des différences de stabilités du sel et du sucre sous forme solide, il faut également observer ce qu’il se passe lorsque chacune de ces substances se retrouve dans l’eau.

Les ions sodium et chlorure du sel de cuisine sont relativement petits par rapport aux molécules (non ioniques) de sucre de table. Lorsque ces ions se retrouvent sous forme individuelle dans l’eau, des molécules d’eau H2O peuvent entourer chacun des ions et former une sorte de "protection" autour d’eux. Comme ces ions sont petits, un nombre restreint de molécules d’eau peut stabiliser chacun des ions, ce qui contribue à limiter la propension du sel à se dissoudre, puisque ses ions ne peuvent pas être fortement stabilisés par les molécules d’eau.

À l’inverse, les molécules individuelles de sucre (lorsqu’elles se sont aisément détachées du solide cristallin faiblement lié) ont un volume nettement plus élevé que les ions sodium et chlorure du sel. Il en résulte qu’un nombre nettement plus élevé de molécules d’eau peut venir entourer chaque molécule de sucre pour les stabiliser et les empêcher de se lier à nouveau et former à nouveau une phase solide.

C’est la combinaison de ces deux effets (stabilité élevée des ions sodium et chlorure dans le sel solide, stabilité faible des molécules de sucre dans le sucre solide; petit nombre de molécules d’eau entourant les ions sodium et chlorure pour le sel, grand nombre de molécules d’eau entourant les molécules de sucre pour le sucre) qui conduit à la grande différence de solubilité du sel et du sucre.

Au final, il faut tout de même convenir que tant le sel de cuisine que le sucre de table sont extraordinairement solubles, si on les compare à des substances nettement moins solubles. A titre d’exemple, le sulfure de mercure HgS, qui est un ancien pigment rouge nommé vermillon ou cinabre, est extraordinairement peu soluble dans l’eau. Si l’on considère le volume total des océans de notre planète (environ 1.4 milliards de kilomètres cube), il n’est pas possible d’y dissoudre plus que 1.5 milligramme de HgS!